Question écrite n° 12066 :
Instruction des projets de construction en zone naturelle et agricole

16e Législature

Question de : M. Jean-Hugues Ratenon
Réunion (5e circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale

M. Jean-Hugues Ratenon interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les modalités d'instruction des projets de construction en zone naturelle et agricole dans les territoires ultramarins. En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte, l'article L. 181-12 du code rural et de la pêche maritime soumet « tout projet d'opération d'aménagement et d'urbanisme ayant pour conséquence la réduction des surfaces naturelles, des surfaces agricoles et des surfaces forestières dans les communes disposant d'un document d'urbanisme » à l'avis favorable de la Commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF). Ce même article prévoit que « dans les délais et conditions définis au code de l'urbanisme, la commission se prononce sur ces projets au regard de l'objectif de préservation des terres agricoles ». Afin de procéder à l'analyse des projets qui leur sont soumis, il s'avère que les CDPENAF ultramarines exigent régulièrement la communication d'informations et de documents divers, relatifs à la situation personnelle du demandeur, telles que par exemple la copie de l'autorisation d'exploiter, un relevé d'exploitation, l'attestation d'affiliation à la Caisse générale de sécurité sociale (CGSS) ou encore des informations relatives à l'écoulement des produits de l'exploitation. Des informations et des documents sont également exigés au sujet de l'utilisation des constructions projetées et de leur agencement interne : plan intérieur, liste du matériel et quantité d'intrants à stocker, par exemple. Sur l'île de La Réunion, le recueil des informations exigées par les services de la direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DAAF) doit ainsi s'opérer depuis plusieurs années par le biais d'une « fiche procédure ad hoc », destinée au recueil d'informations que les pièces annexées à une demande d'autorisation d'urbanisme ne permettent pas de collecter. Il y est par exemple demandé si le projet a été préconisé dans le cadre d'une approche globale de l'exploitation agricole (AGEA), laissant entendre que des motifs sans rapport avec les critères légaux fixés pour l'analyse des dossiers sont susceptible d'exercer une influence sur le sens des décisions prises par la commission. À défaut de transmission de ces pièces et de cette fiche de synthèse, il est d'usage pour les commissions saisies de conclure à l'absence de démonstration du lien de nécessité entre l'exploitation agricole et la construction projetée et, en conséquence, d'émettre un avis défavorable sur le projet. Si les demandes des CDPENAF outre-mer sont certainement motivées par l'objectif de protection des terres agricoles, il n'en demeure pas moins qu'elles sont formulées en dehors de tout cadre légal et réglementaire. En effet, si le code de l'urbanisme prévoit un allongement des délais d'instruction en cas de saisine pour avis de la commission, il n'intègre en revanche aucune disposition affectant la composition du dossier de déclaration ou de demande d'autorisation dans l'hypothèse où la décision est soumise à l'avis favorable de la CDEPNAF. Les pratiques développées par les DAAF, en charge du secrétariat des commissions et de la rédaction de leurs avis, sont donc susceptibles de méconnaître la règle consacrant le caractère exhaustif de la liste des pièces exigibles du pétitionnaire, clairement posée par le code de l'urbanisme afin d'éviter tout risque de demande arbitraire. Il est donc indispensable de clarifier les modalités d'instruction des dossiers soumis aux commissions et le cas échéant de rappeler que l'instruction des dossiers par la CDPENAF ne peut pas légalement s'opérer en exigeant du pétitionnaire la production de pièces autres que celles qui sont limitativement énumérées par le code de l'urbanisme. Il lui demande les mesures qu'il entend prendre en ce sens.

Réponse publiée le 12 décembre 2023

La Réunion est la région française dont la surface agricole utile (SAU) rapportée au nombre d'habitants est la plus petite, avec seulement 440 m2 de SAU par habitant. En comparaison, cette surface est dix fois plus élevée en Métropole. D'après le recensement agricole de 2020, la surface agricole utilisée a diminué de 10 % en 10 ans et atteint désormais 38 700 hectares exploités alors que l'ambition pour l'île est de reconquérir 5 000 ha supplémentaires à l'horizon 2030, pour répondre à l'ambition du Gouvernement de renforcement de l'autonomie alimentaire. L'action de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) sur ce territoire est indispensable pour veiller à l'utilisation adaptée des ressources foncières et joue un rôle essentiel de limitation du déclassement des terres ou de la construction en zones agricoles et naturelles. Pour mener à bien ses travaux, la CDPENAF s'est dotée d'un règlement intérieur et a élaboré progressivement une doctrine à partir du cadre réglementaire existant et de la jurisprudence. Ce cadre de référence formalise les critères d'appréciation par la CDPENAF du caractère de nécessité et de proportionnalité d'une construction ou d'une installation pour le fonctionnement d'une exploitation agricole au regard de la consommation d'espaces agricoles, naturels ou forestiers qu'elle entraîne. Afin de procéder à l'analyse des projets, la CDPENAF est amenée à demander des pièces permettant au demandeur de justifier de son activité agricole et de la nécessité de la construction. Les pièces justificatives demandées par la CDPENAF à la mairie n'entrent pas dans le champ de l'article R.431-4 du code de l'urbanisme qui fixe le contenu des demandes de permis de construire. La CDPENAF intervient sur un domaine différent. Il faut également rappeler que la CDPENAF n'est pas un service de l'État et qu'elle n'est pas le service instructeur des autorisations d'urbanisme. Elle est consultée sur la réduction des surfaces naturelles, forestières et à vocation ou à usage agricole et sur les moyens de contribuer à la limitation de la consommation de ces espaces. L'avis qu'elle émet porte sur l'opportunité, au regard de l'objectif de préservation de ces surfaces, de certaines procédures ou autorisations d'urbanisme. Elle formule des propositions sur les moyens de contribuer à la limitation de la consommation de l'espace agricole (article L.181-11 du code rural et de la pêche maritime). Par ailleurs, tout avis défavorable peut être revu en cas de compléments permettant de répondre aux motifs ayant conduit à cet avis. La CDPENAF peut donner ultérieurement un avis favorable au vu d'un dossier plus complet. En 2022, la CDPENAF de La Réunion a été consultée à 296 reprises sur des projets présentés comme agricoles et 61 % ont donné lieu à un avis favorable. En conclusion, la CDPENAF doit être en mesure d'émettre un avis sur l'opportunité de certaines procédures ou autorisations d'urbanisme, au regard de l'objectif de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, particulièrement crucial sur l'île de La Réunion. Pour répondre à cette mission et fonder ses avis en toute connaissance de cause, la CDPENAF a besoin d'éléments justificatifs. Il est dans l'intérêt des demandeurs de les produire, ils peuvent ainsi démontrer la pertinence de leur projet.

Données clés

Auteur : M. Jean-Hugues Ratenon

Type de question : Question écrite

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Agriculture et souveraineté alimentaire

Ministère répondant : Agriculture et souveraineté alimentaire

Dates :
Question publiée le 10 octobre 2023
Réponse publiée le 12 décembre 2023

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