16ème législature

Question N° 12459
de M. Louis Boyard (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Val-de-Marne )
Question écrite
Ministère interrogé > Égalité femmes-hommes et lutte contre les discriminations
Ministère attributaire > Travail, santé et solidarités

Rubrique > travail

Titre > Limiter l'impact des violences conjugales dans le monde du travail

Question publiée au JO le : 24/10/2023 page : 9310
Réponse publiée au JO le : 11/06/2024 page : 4975
Date de changement d'attribution: 23/04/2024

Texte de la question

M. Louis Boyard interroge Mme la ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, sur la mise en œuvre effective de la convention n° 190 de l'Organisation internationale du travail (OIT). La convention n° 190, ratifiée par la France en avril 2023, appelle les parties à prendre des mesures spécifiques pour atténuer, dans la mesure du possible, l'impact de la violence domestique dans le monde du travail. La recommandation n° 206 énumère quant à elle des exemples de mesures pour y parvenir. La France a fait le choix d'ignorer la recommandation n° 206. Or si celle-ci n'a pas de valeur contraignante contrairement à la convention n° 190, elle est néanmoins indissociable de la convention. En outre, comme le soulignait le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes « les violences conjugales ne s'arrêtent pas à la porte du travail. Harcelées, menacées, suivies, mises sous pression, les femmes victimes de violences conjugales voient leurs conditions de travail dégradées par le conjoint violent et le contrôle qu'il continue d'exercer ». En France en 2022, 118 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint. Des femmes meurent toute l'année. 1 femme meurt tous les deux jours et demi tuée par son conjoint ou ex conjoint. On dénombre 220 000 femmes victimes de violences conjugales. Parmi celles-ci 1 sur 2 exerce une activité professionnelle. Chacun s'accorde à dire que le travail participe à l'indépendance économique des victimes. Il est donc nécessaire de protéger les femmes victimes en leur accordant une sécurité économique c’est-à-dire en protégeant leur emploi. Le lieu de travail est souvent le premier lieu où leur agresseur pourra les retrouver. Il convient donc d'accorder une sécurité aux femmes victimes vis-à-vis de leurs agresseurs en leur permettant de changer de site afin que ces derniers ne puissent les retrouver. L'été 2022, le gouvernement irlandais a annoncé la mise en place prochaine d'un congé spécifique pour les salariés victimes de violences conjugales faisant de la lutte contre les violences conjugales une priorité. En Espagne, les personnes victimes de violences domestiques ont le droit à la mobilité géographique et au changement de lieu de travail, à l'accès à la retraite anticipée, à la suspension de la relation de travail. En Nouvelle-Zélande, les victimes bénéficient de dix jours de congés rémunérés et d'une dispense de préavis en cas de démission. Quand le Gouvernement fera-t-il de la lutte contre les violences faites aux femmes sa grande cause nationale ? Enfin, il lui demande quand le Gouvernement va décider de se conformer réellement à la convention n° 190 et la recommandation n° 206 de l'OIT.

Texte de la réponse

L'examen préalable des stipulations de la convention a permis de conclure à la conformité de notre droit à la convention en amont de sa ratification, ce qui témoigne de l'action résolue mise en œuvre par le Gouvernement pour lutter contre la violence et le harcèlement au travail. En effet, dans le monde du travail, plusieurs moyens de prévention sont en place : le document unique d'évaluation des risques professionnels, la désignation de référents, le renforcement du contenu de l'information devant être adressée aux salariés ou encore l'obligation de négociation quadriennale au sein des branches sur la mise à disposition d'outils aux entreprises pour prévenir et agir contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. S'agissant du cas spécifique des violences conjugales, et plus spécifiquement de la mise en place de mesures spécifiques pour les victimes, telles que la création de congés, celles-ci peuvent d'ores et déjà être prévues par accord d'entreprise. En outre, le médecin du travail peut déjà proposer « par écrit et après échange avec le salarié et l'employeur, des mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment […] à l'état de santé physique et mental du travailleur » (C. trav., art. L. 4624-3). De manière plus générale, la lutte contre les violences conjugales constitue l'une des priorités du Gouvernement. À ce titre, le ministère chargé du travail a notamment mis en œuvre quatre mesures décidées à l'occasion du Grenelle de lutte contre les violences faites aux femmes en novembre 2019 : - ouvrir le droit aux victimes sous ordonnance de protection, débloquer leur épargne salariale de façon anticipée, ce qui a été réalisé grâce au décret n° 2020-683 du 4 juin 2020. Ainsi, en 2022, 317 déblocages anticipés de l'épargne salariale en cas de violences conjugales ont été réalisés pour un montant de deux millions d'euros ; - actualiser le guide relatif à l'égalité professionnelle à destination de très petites entreprises - petites et moyennes entreprises afin d'y intégrer la question des situations de violences conjugales, ce qui a été effectué, en mettant notamment en évidence le rôle que l'entreprise peut jouer ; - intégrer la question des violences conjugales aux plans de santé au travail et aux plans régionaux de santé au travail, pour réduire les conséquences des violences conjugales sur le lieu de travail : le quatrième plan santé au travail et les plans régionaux santé au travail, qui constituent sa déclinaison territoriale, ont intégré cette question. Ainsi, au niveau national, il s'agit notamment de mieux outiller les services de ressources humaines et les comités sociaux et économiques sur la prévention des violences sexistes et sexuelles au travail mais aussi d'associer les services de prévention santé au travail au dispositif d'identification et d'accompagnement des violences conjugales. Au niveau régional, plusieurs types de mesures sont mises en place : sensibilisation, conception de supports de communication ou encore de kits pratiques ; - proposer aux partenaires sociaux membres de la commission du label égalité professionnelle d'intégrer au cahier des charges du label un axe relatif à la prise en compte des violences conjugales : la question a été intégrée pour les futurs audits des organismes candidats. La lutte contre les violences sexistes et sexuelles est l'affaire de tous et le Gouvernement a porté un grand nombre d'évolutions. Le plan interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2023-2027 vise à poursuivre cette politique volontariste, tout spécialement autour de l'axe 1 « Lutte contre les violences faites aux femmes ». L'action prioritaire du ministère chargé du travail porte, elle, désormais sur la mise en œuvre opérationnelle du cadre juridique ainsi que sur la mobilisation de l'ensemble des acteurs concernés, qu'il s'agisse des employeurs, des salariés ou des organisations syndicales et patronales.