Les limites de Parcoursup dans le domaine de la formation des infirmiers
Question de :
M. Hubert Ott
Haut-Rhin (2e circonscription) - Démocrate (MoDem et Indépendants)
M. Hubert Ott interroge Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les limites de Parcoursup dans le domaine de la formation des infirmiers. Les premiers résultats postsélection Parcoursup pour la profession infirmière, montrent que les jeunes qui sont affectés via la plateforme au sein des instituts de formation en soins infirmiers (IFSI), n'ont pas obligatoirement une motivation et un attrait pour ce métier si particulier. Cela a pour principale conséquence d'amputer une partie de la promotion, parfois jusqu'à 50 % des élèves dès la première année. Avant le passage au recrutement via Parcoursup, les concours spécifiques aux IFSI qui décidaient du recrutement avaient justement pour vocation de tester la motivation des futurs infirmiers. Aussi, il souhaite savoir si le Gouvernement envisage de faire évoluer ces modalités de sélection afin de permettre aux élèves réellement motivés de rejoindre cette formation et assurer ainsi un recrutement de qualité permettant de répondre aux besoins du monde de la santé.
Réponse publiée le 6 février 2024
Les formations en soins infirmiers ont intégré Parcoursup en 2019 pour permettre aux lycéens et étudiants en réorientation d'y accéder après le baccalauréat sans concours. Cette évolution était motivée par l'inefficacité du concours pour remplir les instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) et les effets induits par le concours : un défaut de visibilité et d'attractivité de l'offre ; des coûts importants pour les candidats et leurs familles ; le développement d'une offre de préparation privée payante, dont l'accès était socialement discriminant. Ces limites et ces coûts ont été supprimés par l'intégration dans Parcoursup, ce qui favorise l'égal accès à cette formation. Il n'est par ailleurs pas indifférent de rappeler que pendant la période de crise sanitaire, la procédure dématérialisée de Parcoursup a permis de garantir la continuité du recrutement et des rentrées, ce qui aurait été rendu impossible si le recrutement par concours avait été maintenu. Pour ce qui concerne le taux d'abandon, la visibilité obtenue par le recrutement par la voie de la procédure Parcoursup a contribué à renforcer l'attractivité de cette formation. En 2023, ce sont 94 000 candidats qui ont confirmé au moins un vœu en phase principale de Parcoursup pour un IFSI. Parmi ceux-ci, 60 % étaient des lycéens de terminale et 24 % des étudiants en réorientation. Chaque année les étudiants sont sélectionnés par les 365 IFSI, sur la base d'un dossier complet renseigné sur Parcoursup et des critères affichés sur la plateforme. Cette nouvelle procédure a permis de diversifier les profils des candidats et des étudiants formés. Pour garantir une bonne information des candidats, la plateforme Parcoursup présente de manière détaillée cette formation et ses débouchés. La page d'accueil du site Parcoursup.fr comporte une rubrique dédiée aux candidats en IFSI. Il est bien entendu précisé que la formation, d'une durée de 3 ans, repose sur l'alternance entre théorie et pratique. Plusieurs supports, dont un questionnaire d'auto-positionnement, sont proposés pour mieux connaitre la formation et les métiers. Il est également fortement conseillé aux candidats de se rendre aux journées portes ouvertes organisées par chacun des IFSI afin de rencontrer les équipes enseignantes et les étudiants. Malgré cette grande attractivité et la forte sélection opérée par les IFSI, des observations ont été faites mettant en avant le lien entre la nouvelle procédure et les abandons prématurés. Comme l'a souligné le rapport des inspections générales IGAS et IGESR publié en début d'année 2023, il n'existe pas de données fiables, récentes et détaillées permettant d'objectiver le ressenti exprimé de taux d'abandon précoces en première année, souvent à la suite du premier stage, qui seraient la conséquence de l'intégration de la formation dans Parcoursup et de la disparition de l'oral permettant d'évaluer la motivation des candidats. La cause de cette situation n'est sans doute pas univoque. Le rapport publié par les inspections IGESR-IGAS sur l'évolution de la profession et de la formation infirmières informe que, vu le caractère incomplet des données individuelles, il n'est pas possible aujourd'hui d'effectuer de suivi de cohorte et d'identifier les étudiants qui abandonnent leurs études. Les inspecteurs mentionnent par ailleurs la dégradation de la santé mentale et financière des étudiants en soins infirmiers ainsi que les difficultés qu'ils rencontrent à avoir accès à leur référent pédagogique. L'étude publiée par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) en 2023 sur le site du ministère de la santé et de la prévention confirme une hausse des abandons sans l'imputer au mode de recrutement et en soulignant par ailleurs que d'autres formations aux professions de santé sont également affectées par une hausse des abandons. Pour ce qui concerne la procédure de recrutement, chaque année des évolutions répondant aux attentes des candidats et des formations sont intégrées, dans le cadre de la démarche d'amélioration continue pilotée par l'équipe nationale de Parcoursup. En particulier, un dialogue est organisé avec les responsables d'IFSI et les Régions pour ajuster au mieux les règles et étudier notamment les comportements des candidats. Un séminaire dédié aux bilan et perspectives a été réalisé en novembre 2023 avec les référents IFSI, co-organisé par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et le ministère de la santé et de la prévention. Ainsi, pour la session 2023, la page dédiée aux IFSI avait été enrichie, à la suite d'un travail conduit avec les directeurs d'IFSI, d'un questionnaire d'auto-positionnement proposé à chaque candidat qui souhaite tester ses connaissances et sa compréhension de la formation. Les réponses à ce questionnaire ne sont ni enregistrées ni communiquées aux formations. Elles ne servent qu'au candidat pour lui permettre, avant éventuellement de formuler un vœu pour un IFSI, d'apprécier si cette formation l'intéresse et répond à ses attentes. Pour 2024, ce questionnaire sera rendu obligatoire et intégré dans le dossier de chaque candidat à un IFSI. De plus, des lignes directrices sont données aux candidats pour la rédaction de leur projet de formation motivé en ayant à l'esprit des questions simples, notamment : quelle est l'origine de votre intérêt pour l'accompagnement et les soins auprès de personnes malades ? en quoi les contenus et les méthodes de l'enseignement en IFSI répondent-ils à votre projet ? Et l'espace disponible pour le candidat pour exprimer son projet et ses motivations est augmenté. L'évaluation qualitative des candidatures s'en trouve ainsi renforcée. Ainsi, en pleine cohérence avec le rapport publié par les inspections IGESR-IGAS sur l'évolution de la profession et de la formation infirmières et avec l'annonce par le ministre de la santé et de la prévention de l'ouverture d'une concertation pour réformer la formation d'infirmier et redéfinir les missions des infirmiers, des mesures ont été prises sur Parcoursup pour renforcer les actions d'information et d'orientation de manière à permettre aux IFSI d'assurer une évaluation plus qualitative de la motivation des candidats, sans qu'il soit nécessaire de recourir à des entretiens. Ces améliorations se poursuivent en 2024 avec pour objectif d‘améliorer encore l'efficacité et la qualité du recrutement en IFSI. Dans le calendrier serré de la procédure, il n'est en effet pas possible pour les instituts d'organiser une présélection et un oral. De plus, cela réintroduirait pour les instituts et pour les familles des dépenses, voire susciterait le rétablissement d'une offre d'année supplémentaire de préparation payante. Enfin, il y a lieu de rappeler que les candidats sélectionnés en nombre plus restreint après l'oral sont susceptibles d'opter pour d'autres filières ; les IFSI seraient alors confrontés à la gestion de places libérées en phase complémentaire en juillet et août.
Auteur : M. Hubert Ott
Type de question : Question écrite
Rubrique : Professions de santé
Ministère interrogé : Enseignement supérieur et recherche
Ministère répondant : Enseignement supérieur et recherche
Dates :
Question publiée le 31 octobre 2023
Réponse publiée le 6 février 2024