16ème législature

Question N° 12
de M. Mansour Kamardine (Les Républicains - Mayotte )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Intérieur et outre-mer
Ministère attributaire > Intérieur et outre-mer

Rubrique > outre-mer

Titre > Complémentaire santé solidaire à Mayotte

Question publiée au JO le : 15/11/2022
Réponse publiée au JO le : 23/11/2022 page : 5877

Texte de la question

M. Mansour Kamardine interroge M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur l'exigence républicaine et l'urgence de réaliser l'égalité sociale à Mayotte. En effet, une décote de 50 % est appliquée à de nombreuses prestations : revenu de solidarité active (RSA), allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), prime d'activité, allocation de soutien familial. De nombreux dispositifs et leurs droits liés ne sont pas appliqués : protection universelle maladie (PUMA), couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), aide au paiement d'une complémentaire santé (ACS), retraite complémentaire. La pension de retraite moyenne ne dépasse pas 280 euros par mois. Pourtant, le 101e département cumule trois records qui fragilisent une grande partie des habitants de Mayotte : le record de pauvreté, le record de coût du panier moyen des produits de consommation courante et le record de non application du principe de solidarité nationale, les transferts sociaux par habitant à Mayotte étant particulièrement faibles. En effet, une récente publication de l'Institut de recherches économiques et sociales (IRES - Éclairages n° 22 - janvier 2022) établit que les prestations sociales en espèces par habitant ne représentent, à Mayotte, que 7 % de la moyenne nationale ! Quant aux dépenses de transferts en nature et de services publics par habitant, elles ne s'élèvent qu'à 70 % de la moyenne nationale. Ainsi, au total, les dépenses publiques et sociales ne représentent par habitant dans le 101e département que 38 % de la moyenne nationale, établissant, sans conteste, une lourde discrimination sociale des habitants de Mayotte. De plus, depuis 2018, les gouvernements successifs ont publiquement affirmé vouloir établir un agenda resserré de l'égalité sociale à Mayotte. C'est pourquoi il lui demande de détailler le contenu de l'agenda de la convergence sociale qu'il entend mettre en œuvre à Mayotte.

Texte de la réponse

COMPLÉMENTAIRE SANTÉ SOLIDAIRE À MAYOTTE


Mme la présidente. La parole est à M. Mansour Kamardine, pour exposer sa question, n°  12, relative à la complémentaire santé solidaire à Mayotte.

M. Mansour Kamardine. Les Mahorais souffrent de la violence inouïe qui les frappe quotidiennement et qui a d'ailleurs justifié la décision du Gouvernement d'envoyer en urgence une unité du Raid – recherche assistance intervention dissuasion – à Mamoudzou, ce dont je vous remercie même s'il faudra aller plus loin, agir plus vite et plus fort.

Mais il est une autre souffrance qui les meurtrit : la pauvreté, la précarité et le sentiment d'abandon par l'État. Nous nous sentons tenus à distance et exclus de la communauté nationale : en effet, alors que Mayotte est le territoire le plus pauvre de France, l'effort de solidarité par habitant en matière de prestations sociales ne s'élève qu'à 9 % de la moyenne nationale et le transfert de dépenses en nature et de services publics plafonne à 70 %. L'ensemble des dépenses publiques et sociales par habitant du cent unième département français ne s'élèvent qu'à 38 % de la moyenne nationale.

Cette situation n'est pas inconnue des autorités de l'État : en visite à Mayotte en 2014, l'ancien président de la République, François Hollande, avait promis d'aligner le niveau du Smic dans le territoire sur celui qui avait cours au niveau national : huit ans plus tard, on attend toujours. Présent à Mayotte le 22 octobre 2019, l'actuel président de la République avait enjoint le Gouvernement à engager la convergence sociale. L'une des anciennes ministres chargées des outre-mer – qui est également l'une de vos prédécesseurs au ministère de la mer –, s'était engagée à plusieurs reprises à Mayotte et face à la représentation nationale – notamment les 22 avril, 20 juin et 5 novembre 2019 –, à fournir avant la fin de l'année 2019 un échéancier en matière d'alignement des droits des Mahorais sur ceux de la métropole. Elle avait alors estimé injuste que les prestations sociales à Mayotte diffèrent de celles accordées dans les autres départements d'outre-mer ou dans l'Hexagone. Trois ans plus tard, force est de constater qu'à l'instar de l'extension de l'Ircantec, qui attend depuis vingt ans son décret d'application, les promesses attendent toujours leur concrétisation.

À l'aube d'une nouvelle législature, monsieur le secrétaire d'État, ma question est donc simple – et mérite une réponse claire : pourquoi cette discrimination et cet insupportable ostracisme à l'égard des Mahorais ? Ne seraient-ils pas des Français comme les autres ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la mer.

M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer. Tout d'abord, je vous prie d'excuser l'absence de mon collègue Jean-François Carenco.

Comme vous le savez, monsieur le député, un pacte pour la départementalisation de Mayotte a été signé en 2011, lequel prévoit une convergence sociale d'ici à 2036, soit en vingt-cinq ans – l'échelle d'une génération. Depuis, plusieurs actions ont été engagées : le plan pour l'avenir de Mayotte, présenté en 2018, a abouti à la création de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et à l'allocation adulte handicapé.

En 2021, lors de la précédente législature, l'ordonnance relative à l'extension, à l'amélioration et à l'adaptation de certaines prestations de sécurité sociale à Mayotte a également été publiée. Il s'agissait d'une étape importante de la convergence entre le régime de sécurité sociale local et le régime de droit commun. En effet, l'ordonnance étend à Mayotte le complément de libre choix du mode de garde et instaure la validation rétroactive des trimestres en matière d'assurance vieillesse, afin de faciliter le départ à la retraite. En outre, elle crée de nouvelles prestations pour accompagner des proches, comme l'allocation journalière de présence parentale, l'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie et l'allocation journalière du proche aidant. Par ailleurs, en matière de maladie, l'ordonnance ouvre de nouveaux droits aux assurés de la caisse de sécurité sociale de Mayotte, et élargit le champ des bénéficiaires de prestations déjà existantes : par exemple, depuis cet été, les pères reçoivent des indemnités journalières en cas de paternité ou d'accueil d'enfant.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 a également déployé un dispositif de rachat de trimestres de retraite pour les travailleurs indépendants de Mayotte. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, que vous examinez actuellement, prévoit de créer à Mayotte une complémentaire santé solidaire, qui prendra en charge les dépenses non couvertes par les régimes d'assurance maladie obligatoires.

Enfin, je vous annonce que la prise en charge des repas dans le premier degré sera prochainement étendue, pour que davantage d'élèves mahorais mangent des repas chauds et équilibrés.

Le Gouvernement est évidemment bien conscient que la situation n'est pas totalement satisfaisante, mais il est prêt à étudier les conditions d'une accélération de la convergence sociale, aussi bien en matière de prestations sociales que de rémunérations. Soyons clairs : au sein du ministère de l'intérieur et des outre-mer et, plus largement, au sein du Gouvernement, tout est fait pour s'assurer que les Mahorais, qui font pleinement partie de la République, disposent des mêmes droits que tous les Français, et que la convergence sociale s'accélère.

Mme la présidente. La parole est à M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, mais vous ne répondez pas à la question posée : vous comprendrez donc mon insatisfaction. J'ai cité l'exemple de l'Ircantec, dont l'extension à Mayotte a été décidée en 2002. C'était il y a vingt ans, et le décret d'application se fait toujours attendre. Or, pendant ce temps, les Mahorais cotisent : l'Ircantec va les rembourser, puisque le décret n'est toujours pas pris. Trouveriez-vous normal que l'on vous annonce que vous ne pourrez toucher votre retraite, la même que n'importe qui d'autre – votre collaboratrice, par exemple – seulement en 2035 ? Accepteriez-vous cette situation ?

Comment pouvez-vous m'adresser cette réponse ? Je comprends mieux pourquoi le ministre délégué chargé des outre-mer vous a envoyé nous faire cette réponse : il savait très bien qu'elle n'était pas satisfaisante.