Question orale n° 131 :
Commune nouvelle de densité intermédiaire et dotations de l'État

16e Législature

Question de : Mme Laetitia Saint-Paul
Maine-et-Loire (4e circonscription) - Renaissance

Mme Laetitia Saint-Paul alerte Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, sur l'éligibilité des communes de densité intermédiaire au dispositif législatif relatif aux dotations de l'État pour les communes nouvelles. En Maine-et-Loire, la commune de Doué-en-Anjou a été créée par arrêté préfectoral n° DRCL/BSFL/2016 n° 123 en date du 23 septembre 2016, avec date d'effet au 30 décembre 2016. Les modalités financières des communes nouvelles sont alors régies par la loi de finances initiale pour 2016, qui reconduit les incitations financières prévues par la loi n° 70 relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle. Considérant que la commune nouvelle de Doué-en-Anjou recensait 11 440 habitants à sa date de création et qu'aucune des 8 communes fondatrices ne faisaient plus de 10 000 habitants, cette incitation financière se traduisait notamment par une exonération de l'effort au redressement des comptes de l'État de 2017 à 2019 et la garantie de perception des montants de dotation forfaitaire, dotation de solidarité et dotation nationale de péréquation. La loi de finances pour 2022 avait, dans une première lecture, supprimé ces incitations financières. Considérant les conséquences particulièrement préjudiciables de cette décision pour le développement des territoires concernés, un amendement visant « à permettre à certaines communes nouvelles qui ont, du fait de leur fusion, dépassé le seuil de 10 000 habitants et qui peuvent néanmoins être qualifiées de rurales au regard de critères objectifs, d'être éligibles à la dotation de solidarité rurale (DSR), ce qui emporterait alors inéligibilité à la dotation de solidarité urbaine (DSU) », a été adopté et retenu dans l'article 194 de la loi de finances. Il est précisé au I de l'article L. 2334-22-2 : « Par dérogation, peuvent être éligibles aux trois fractions de la dotation de solidarité rurale les communes nouvelles mentionnées à l'article L. 2113-1 créées après la promulgation de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales qui comptent 10 000 habitants ou plus et qui remplissent les conditions cumulatives suivantes : 1° Aucune des communes anciennes ne comptait, l'année précédant la fusion, 10 000 habitants ou plus ; 2° Elles sont caractérisées comme peu denses ou très peu denses au sens de l'Institut national de la statistique et des études économiques et selon les données disponibles sur le site de cet Institut au 1er janvier de l'année de répartition. Dans le cas où cette donnée n'est pas disponible à l'échelle d'une commune nouvelle, cette dernière est considérée comme peu dense ou très peu dense si l'ensemble des communes anciennes sont, dans les mêmes conditions, considérées comme peu denses ou très peu denses ». Jusqu'en 2020, l'INSEE caractérisait le rural comme l'ensemble des communes n'appartenant pas à une unité urbaine. La nouvelle définition rompt avec cette approche centrée sur la ville. Les territoires ruraux désignent désormais l'ensemble des communes peu denses ou très peu denses d'après la grille communale de densité. Ils réunissent 88 % des communes en France et 33 % de la population en 2017. Cette seule caractéristique de l'espace rural ne permet pas, d'après l'INSEE, d'en appréhender toutes les dimensions. Il faut y associer des critères de type fonctionnel, notamment le degré d'influence d'un pôle d'emploi. Avec cette approche, quatre catégories d'espaces ruraux se dessinent, allant des communes rurales très peu denses, hors influence d'un pôle, aux communes sous forte influence d'un pôle. Cette classification va ainsi de communes où la population stagne à des communes attirant des populations plus jeunes et dont la dynamique dépasse celle des communes urbaines. Cette approche permet de définir statistiquement un continuum allant des espaces les plus isolés et peu peuplés jusqu'aux espaces ruraux les plus urbanisés. Dans cette nouvelle classification, la commune de Doué-en-Anjou est considérée non plus comme une commune rurale, mais commune une commune urbaine de densité intermédiaire. Sur les 787 communes nouvelles créées, 36 communes comptent plus de 10 000 habitants, or seule la commune de Doué-en-Anjou est considérée comme une commune de densité intermédiaire dans la strate des communes de plus de 10 000 habitants. Ce nouveau critère, appuyé par une définition peu concordante avec les réalités du territoire, rendrait donc la commune de Doué-en-Anjou inéligible aux dispositions de l'amendement et entraînerait donc : la perte brutale des dotations de l'État, qui résulte de la loi de finances ; son classement par l'INSEE en commune urbaine de densité intermédiaire, contraire à la réalité du territoire et à toutes les politiques publiques mises en œuvre. Alors que la commune nouvelle a démontré depuis sa création une réelle plus-value sur le territoire, cette double sanction des services de l'État entraînera un arrêt brutal des politiques d'aménagement du territoire dans ces zones rurales, classées aujourd'hui urbaines de densité intermédiaire. En ce sens, elle lui demande si les communes de densité intermédiaire pourraient être réintégrées au dispositif législatif concerné.

Réponse en séance, et publiée le 18 janvier 2023

COMMUNES NOUVELLES DE DENSITÉ INTERMÉDIAIRE ET DOTATIONS DE L'ÉTAT
Mme la présidente. La parole est à Mme Laetitia Saint-Paul, pour exposer sa question, n°  131, relative aux communes nouvelles de densité intermédiaire et aux dotations de l'État.

Mme Laetitia Saint-Paul. Je voulais, avant tout, dire ma reconnaissance au Gouvernement d'avoir, dans le projet de loi de finances pour 2022, allongé d'un an le bénéfice du pacte de stabilité pour les communes nouvelles. Cette décision est déterminante pour ma circonscription, notamment pour la commune nouvelle de Doué-en-Anjou.

Déterminante, mais malheureusement non pérenne. En effet, depuis la nouvelle classification de l'Insee relative aux densités de population, la commune de Doué-en-Anjou est désormais considérée non plus comme une commune rurale, mais comme une commune urbaine de densité intermédiaire.

Cette nouvelle catégorie, construite à partir d'une définition mal accordée aux réalités du territoire, remet en cause la perception de dotations de l'État, pourtant réputées être une incitation financière à la création de communes nouvelles.

La perte brutale des dotations de l'État entraînera indéniablement un arrêt des politiques d'aménagement du territoire dans ces zones bel et bien rurales, désormais définies comme zones urbaines de densité intermédiaire. Ainsi, en ce qui concerne Doué-en-Anjou, la commune nouvelle a démontré qu'elle apportait une réelle plus-value : dynamisme économique, touristique, démographique, et économies d'échelle. Depuis sa création en 2016, Doué-en-Anjou a été particulièrement exemplaire sur les politiques publiques mises en œuvre dans les domaines du logement social ou de la Zéro artificialisation nette (ZAN). Or cette exemplarité a, de fait, joué sur le calcul de densité et a fait de Doué-en-Anjou une commune exemplaire, victime de son exemplarité.

Une perte de dotation en contradiction avec la réalité de ce territoire rural serait vécue comme une sanction et aurait des conséquences directes sur le développement local. C'est la raison pour laquelle je souhaite savoir si les communes de densité intermédiaire pourraient réintégrer le dispositif législatif concerné. De manière plus globale, quelle vision le Gouvernement a-t-il de l'avenir des communes nouvelles nées pour répondre à la volonté des pouvoirs publics ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie . Vous appelez mon attention sur la situation de la commune nouvelle de Doué-en-Anjou au regard de l'article L. 2334-22-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

Cet article, introduit par la loi de finances initiales pour 2022, entre en vigueur en 2023. Il permettra aux communes nouvelles regroupant plus de 10 000 habitants de percevoir la dotation de solidarité rurale (DSR), alors même que le dépassement de ce seuil de population les y rend normalement inéligibles.

Or, si la commune de Doué-en-Anjou remplit bien les deux premières conditions d'éligibilité, l'Insee la caractérise comme une commune de densité intermédiaire, ce que vous regrettez, car ce classement ne lui permet pas de bénéficier des dispositions de l'article L. 2334-22-2 du CGCT.

La grille de densité de l'Insee permet d'apprécier la ruralité d'une commune sur la base d'un référentiel objectif et précis, qui n'est pas limité à la densité moyenne de population de la commune. La répartition de la population au sein de la commune est prise en compte, de sorte qu'une commune qui présente un centre urbain important n'est pas comptabilisée comme peu ou très peu dense. En effet, les communes de densité intermédiaire présentent des concentrations de population supérieures et ne peuvent donc pas être considérées comme des communes rurales. Il faut nommer les choses : ce sont des communes urbaines.

S'agissant de Doué-en-Anjou, sa classification par l'Insee comme commune de densité intermédiaire, donc urbaine, se fonde sur le fait que 59 % de sa population vit dans une zone urbaine intermédiaire. L'ancienne classification l'aurait par ailleurs également considérée comme urbaine, puisqu'elle constitue à elle seule une unité urbaine au sens de l'Insee.

Certes, à partir de 2023, Doué-en-Anjou ne sera plus concernée par le pacte de stabilité et ne percevra donc plus de DSR. Il s'agit cependant d'une évolution connue, et il est normal que les dispositions protectrices des attributions des communes nouvelles conservent un caractère proportionné et transitoire.

Je rappelle que les communes nouvelles bénéficient aujourd'hui d'une dotation globale de fonctionnement (DGF) moyenne de 220 euros par habitant, supérieure de 33 % à la moyenne nationale de 165 euros. Au-delà d'un certain délai, il paraît équitable que les communes nouvelles soient traitées comme les autres communes : le coût de ces mesures étant assuré au sein de l'enveloppe globale de DGF dont le montant est fixe, toute hausse de DGF accordée aux communes nouvelles se traduit par une baisse supportée par les autres communes. Il ne paraît donc pas opportun de revenir, au profit des communes de densité intermédiaire mais au détriment des communes rurales les plus fragiles, sur les grands équilibres d'un régime récent, favorable aux communes nouvelles et qui a fait l'objet d'une large concertation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laetitia Saint-Paul.

Mme Laetitia Saint-Paul. Merci pour votre réponse, monsieur le ministre délégué. Comme je l'ai dit, c'est son exemplarité qui a fait que Doué-en-Anjou s'est retrouvée dans la catégorie des communes de densité intermédiaire : en somme, une commune qui, en bonne élève, a créé du logement social et a comblé toutes les dents creuses au sein de la commune historique de Doué-la-Fontaine pour éviter l'étalement urbain, se trouve punie en raison de la modification de sa densité ! Cela suscite un vrai sentiment d'injustice, et je vous invite à venir dans ma circonscription à la rencontre des élus de ces communes nouvelles, qui, en outre, ont très mal reçu le rapport à charge, paru en 2022, contre les communes nouvelles.

Données clés

Auteur : Mme Laetitia Saint-Paul

Type de question : Question orale

Rubrique : Communes

Ministère interrogé : Collectivités territoriales et ruralité

Ministère répondant : Collectivités territoriales et ruralité

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 janvier 2023

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