16ème législature

Question N° 13432
de M. Paul Vannier (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Val-d'Oise )
Question écrite
Ministère interrogé > Éducation nationale et jeunesse
Ministère attributaire > Éducation et jeunesse

Rubrique > enseignement

Titre > Danger d'immixtion du réseau Parents vigilants dans les écoles

Question publiée au JO le : 05/12/2023 page : 10814
Réponse publiée au JO le : 19/03/2024 page : 2182
Date de changement d'attribution: 09/02/2024

Texte de la question

M. Paul Vannier alerte M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur le danger représenté par l'entrisme du réseau d'extrême droite « Parents vigilants » dans les écoles. Le réseau « Parents vigilants » a été créé en 2022 par Reconquête, parti d'extrême droite d'Éric Zemmour plusieurs fois condamné pour contestation de crime contre l'humanité, injure à caractère raciste, injure à caractère homophobe, provocation à la haine raciale et provocation à la haine religieuse. Ce réseau fait la promotion du racisme, de l'antisémitisme et des LGBTphobies au sein des écoles. Il prétend y dénoncer une « propagande LGBT », une « détestation de la France » et un « formatage idéologique » dont les enseignants feraient la promotion. Pour faire pression sur ces derniers, le réseau recense les contenus des cours, les sorties scolaires et les ateliers puis mène des campagnes d'intimidation. Les mises en ligne de coordonnées des enseignants, les lettres anonymes, les rassemblements devant les établissements et les menaces sont les modes opératoires des « parents vigilants ». Ils cherchent à faire peser un climat d'autocensure destiné à dissuader les professeurs d'aborder les sujets de migration, de minorité, de genre ou de sexualité. Cette dérive porte gravement atteinte au principe de liberté pédagogique et vise à priver les élèves de l'enseignement d'une partie des programmes. Cette filiale de Reconquête dans les écoles a déjà mis en danger des enseignants. Sophie Djigo, professeure au lycée Watteau de Valenciennes, a été victime de cyberharcèlement et de menaces de mort suite à l'organisation d'une sortie avec ses étudiants à Calais dans le cadre d'un travail de recherche sur le thème de « l'exil et des frontières ». Pointée par le réseau « Parents vigilants », elle a ensuite été la cible de raids numériques par les sites web d'extrême droite Fde Souche et Riposte laïque. Cette ingérence a donné lieu à un dépôt de plainte de la part de Mme Djigo et à l'annulation de la sortie scolaire par le rectorat de Lille pour une raison de sécurité. Selon plusieurs syndicats enseignants, la gravité de certaines menaces a conduit à mettre sous protection policière plusieurs professeurs. La presse rapporte des cas similaires à celui de Mme Djigo mais les victimes préfèrent par crainte garder l'anonymat. Malgré cela, le 14 octobre 2023, sur le réseau social X, Eric Zemmour se félicitait de la « victoire » de 3 500 « Parents vigilants » aux élections de parents d'élèves. Le 4 novembre 2023, le réseau était accueilli au Sénat dans le cadre d'un colloque consacré à une supposée « propagande wokiste, LGBT et pro-immigration de l'extrême-gauche » à l'école. Il souhaite connaître les actions qu'il prévoit d'engager pour mettre fin à la dangereuse immixtion du réseau d'entrisme politique d'extrême droite « Parents Vigilants » dans les écoles afin de garantir la sécurité des enseignants, de veiller à l'enseignement effectif des programmes scolaires dans leur totalité et de faire respecter les principes républicains de laïcité et de neutralité du service public de l'éducation.

Texte de la réponse

Le ministère prend très au sérieux toute menace en direction d'un personnel et toute entrave à l'exercice de ses missions. C'est dans ce sens que la ministre s'est exprimée devant la représentation nationale, en réaffirmant l'autorité des professeurs, ce qui implique notamment que les parents ne peuvent contester le contenu des cours ni refuser que leurs enfants participent à des activités pédagogiques. À cet égard, plus de 40 signalements ont été réalisés depuis la rentrée 2023 sur des faits de remise en cause d'enseignements, revendiqués par Parents vigilants, des collectifs ou des parents proches de ce mouvement. Les contestations signalées portaient principalement sur l'éducation à la sexualité d'une part, sur l'éducation à la santé et l'importance de la vaccination d'autre part. Pour affermir l'institution et mieux protéger les personnels face aux potentielles contestations, notre arsenal juridique a été renforcé. Plusieurs délits ont été créés par la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. La circulaire du 9 novembre 2022, publiée le 10 novembre 2022, a rappelé que la protection des personnels est une obligation de l'employeur et que tout manquement engage sa responsabilité. Ainsi, toute attaque, de quelque nature que ce soit, ou toute menace à l'encontre d'un personnel (messages haineux en ligne, actes d'intimidation, violences, harcèlement…) donne systématiquement lieu à une réaction de l'institution scolaire, consistant à signaler les faits, à prendre les mesures conservatoires et à accorder la protection fonctionnelle. Plusieurs des annexes de cette circulaire permettent une mise en œuvre concrète de ses dispositions, notamment une fiche réflexe en cas de menace ou de mise en cause d'un personnel, une fiche pour renforcer la protection des agents publics qui concourent au service public de l'éducation et une fiche rappelant les délits créés par la loi du 24 août 2021. Un modèle de plainte et un modèle de signalement en application de l'article 40 du code de procédure pénale sont également annexés à cette circulaire. Conformément aux engagements de la ministre, il a été rappelé récemment aux recteurs qu'en cas de pression de parents sur des professeurs pour contraindre leur liberté pédagogique ou les menacer, le dépôt de plainte et la protection fonctionnelle doivent être immédiats et systématiques. L'action de l'institution scolaire se porte également sur un renforcement de la transmission des valeurs de la République, dans le cadre des programmes d'enseignement et des activités complémentaires qui viennent les enrichir. L'ensemble des disciplines, en particulier l'enseignement moral et civique, contribuent à la construction de la personne et à l'éducation du citoyen, en permettant aux élèves d'adopter des attitudes de responsabilité individuelle et sociale, notamment en termes de respect de la personne, de ses origines et de ses différences, de l'égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que de respect de la laïcité. Alors que certains contenus d'enseignement sont particulièrement susceptibles de faire l'objet de contestations au nom de convictions politiques ou religieuses, comme c'est le cas de la lutte contre le racisme, l'antisémitisme, le sexisme et les LGBTphobies, ainsi que contre tous les discours de haine, la dénonciation des intimidations et atteintes subies est primordiale pour s'assurer de l'effectivité des programmes. Pour garantir l'effectivité de la mise en œuvre des programmes, l'accompagnement des professeurs et plus largement de l'ensemble des personnels dans l'exercice de leurs missions s'appuie sur le travail quotidien des référents qui, en académie, pilotent la transmission des valeurs républicaines : membres des équipes valeurs de la République, équipes de pilotage en éducation à la sexualité, référents égalité filles-garçons, référents prévention des LGBTphobies, référents mémoire et citoyenneté, entre autres. Outre l'accompagnement individuel, la formation et la production de ressources que peuvent mobiliser les enseignants, l'engagement de la communauté éducative au quotidien et à l'occasion des temps forts inscrits au calendrier scolaire est encouragée. On peut notamment citer, autour du 21 mars, la semaine d'éducation et d'actions contre le racisme et l'antisémitisme ou le 17 mai, journée internationale contre l'homophobie et la transphobie. Ces moments de mobilisation sont un marqueur fort de l'engagement de l'institution pour défendre les valeurs et principes républicains et de son soutien à la mission émancipatrice de l'École, de ses personnels et des programmes d'enseignement. L'ensemble de ces leviers contribue à ce que l'institution soit à la fois attentive, consciente, déterminée et outillée contre toute tentative d'instrumentalisation, par des mouvements politiques, du rôle de parent élu.