Pratiques des plateformes d'échanges de cryptomonnaies étrangères
Question de : Mme Virginie Duby-Muller (Auvergne-Rhône-Alpes - Les Républicains)
Mme Virginie Duby-Muller appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les pratiques des plateformes d'échanges de cryptomonnaies étrangères, enjeu de première importance pour la crédibilité du secteur des cryptomonnaies. La loi « Pacte » a porté création d'un dispositif précurseur et ambitieux de supervision par l'AMF et l'ACPR des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN), dont l'un des volets concerne précisément la sécurisation des fonds des investisseurs. En Europe, le règlement « MiCA » prévoit désormais l'instauration d'un dispositif d'homologation inspiré de l'initiative française. Ce cadre réglementaire ambitieux et structurant ne pourra, en revanche, être efficace que s'il s'applique à l'intégralité des acteurs qui opèrent sur le territoire européen. Or de nombreuses plateformes étrangères échappent aux réglementations européennes en établissant leurs sièges dans des juridictions moins contraignantes sur le plan réglementaire, tout en proposant leurs services aux consommateurs français et européens. Ces plateformes semblent donc échapper à toute forme de supervision ou de contrôle du Gouvernement, ce qui soulève des questions importantes en matière de protection des consommateurs. Cela crée un désavantage compétitif pour les entreprises européennes, ce qui peut nuire à l'innovation et à la croissance de l'industrie locale. En outre, l'absence de réglementation adéquate peut faciliter l'utilisation de cryptomonnaies à des fins criminelles, telles que le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Certaines de ces plateformes refusent tout exercice de transparence face à l'administration fiscale, allant même jusqu'à omettre intentionnellement de divulguer l'emplacement de leur siège social ; ce qui peut priver les États membres de ressources fiscales importantes. Alors que la France ambitionne de devenir un hub pour le web3 et toutes les plateformes associées à ces activités, comment le Gouvernement prévoit-il de traiter cette problématique ? Elle lui demande quelles mesures il compte prendre pour renforcer la régulation afin de garantir la protection des citoyens français et la lutte contre le blanchiment.
Réponse publiée le 30 janvier 2024
Depuis l'entrée en vigueur du régime de prestataire de services sur actifs numériques (PSAN), issu de la loi PACTE, l'Autorité des marchés financiers (AMF) suit activement les prestataires de services sur cryptoactifs afin de détecter ceux rendant des services sans les enregistrements requis, notamment depuis l'étranger. À ce titre, l'AMF a créé un comité interne réunissant des experts de plusieurs directions pour assurer le suivi de ces prestataires, enregistrés ou non auprès de l'AMF. Pour rappel, un prestataire doit être enregistré par l'AMF s'il rend, à son initiative, un service sur cryptoactifs soumis à enregistrement obligatoire, depuis la France ou l'étranger, à des clients résidants ou établis en France. Cette initiative du prestataire est démontrée notamment par le fait que des communications promotionnelles sont adressées par le prestataire au client. La communication à caractère promotionnel est considérée comme adressée par le prestataire lorsqu'elle est adressée par le prestataire lui-même ou pour son compte par un tiers à sa demande expresse ou avec son accord, même tacite. A cet égard, l'AMF a mis en place des outils de veille de la communication promotionnelle. Cependant, certains réseaux ou messageries à groupes privés ne peuvent être couverts par cette surveillance aujourd'hui, notamment du fait du règlement européen sur la protection des données personnelles (RGPD). Lorsque l'AMF détecte que des prestataires font de la publicité à destination du public français sans être enregistrés, en contradiction avec la loi PACTE, l'AMF analyse les éléments publics disponibles et, en conséquence, décide de suites à donner dans le respect des règles de procédures contradictoires : injonction de suppression des communications ou, le cas échéant, des liens disponibles sur des sites tiers et redirigeant vers le site du prestataire avec, le cas échéant, une obligation pour le prestataire de déposer un dossier d'enregistrement. En l'absence de réponse ou de réponse satisfaisante, l'AMF peut inscrire cet acteur sur la liste noire et demander le blocage d'accès au site par la justice. Il faut signaler cependant que les épargnants sont libres d'investir auprès de prestataires non agréés ou non enregistrés. En effet, un prestataire établi hors de France peut tout de même disposer de clients français sans exercer dans l'illégalité si les clients ont pris eux-mêmes l'initiative de recourir à ces services dans le cadre d'une commercialisation passive (ou « reverse solicitation »). L'AMF déploie ainsi une action de prévention en encourageant fortement les épargnants à privilégier des acteurs autorisés. En effet, les épargnants doivent être conscients des risques supplémentaires qu'ils prennent en recourant à des prestataires non enregistrés en France. Le règlement européen MiCA, qui entrera en application à partir du 30 décembre 2024, acceptera le principe de commercialisation passive, mais le Gouvernement sera particulièrement attentif à son application stricte dans le cadre des normes de niveau 2 qui seront publiées prochainement. Le Gouvernement est ainsi pleinement mobilisé pour offrir un cadre réglementaire protecteur pour les utilisateurs de cryptoactifs.
Auteur : Mme Virginie Duby-Muller (Auvergne-Rhône-Alpes - Les Républicains)
Type de question : Question écrite
Rubrique : Marchés financiers
Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Dates :
Question publiée le 5 décembre 2023
Réponse publiée le 30 janvier 2024