Question orale n°134 : Procédure d'obtention du certificat de nationalité française

16ème Législature

Question de : M. Frédéric Petit (Français établis hors de France - Démocrate (MoDem et Indépendants))

M. Frédéric Petit interroge M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger, sur la procédure d'obtention du certificat de nationalité française, un document nécessaire pour bon nombre de concitoyens nés à l'étranger dans le cadre de demandes de naturalisation d'un conjoint ou d'un enfant. Cette procédure, qui repose sur le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993, exige des Français titulaires d'une CNI ou d'un passeport en cours de validité, mais nés hors de France, de refaire la preuve de leur nationalité par la production d'un tel certificat. Tout d'abord, M. le député alerte sur le caractère inégalitaire de cette procédure, qui n'est pas exigée pour les Français nés en France. Ensuite, sur son processus d'obtention démesurément lourd qui requiert une pléthore de documents à fournir. Enfin, sur la longueur de traitement qui dure plus de deux ans dans certains cas. M. le député interroge donc le bien-fondé de cette procédure et de cette différence de traitement, qui lui semble aggravée par une interprétation très circonstancielle de ce décret : plusieurs témoignages de Français installés de longue date à l'étranger et bien au fait de ces procédures lui ont indiqué que cette exigence de la production d'un certificat de nationalité française n'est pas appliquée de manière uniforme selon les endroits, ce qui rend la procédure pour le demandeur d'autant plus injuste et juridiquement fragile. M. le député salue les mesures entrées en vigueur le 1er septembre 2022 qui créent notamment un formulaire unique, harmonisant ainsi la demande de CNF et la mise en place d'une ligne directe entre le greffe et le demandeur. Cependant, le problème des délais, pourtant adressé avec ces nouvelles mesures, demeure, puisque si le greffe a désormais 6 mois pour statuer sur une demande de CNF, ce délai peut être prorogé deux fois, soit 18 mois en tout. De plus, l'absence de réponse au terme de ces 18 mois valant refus de la demande, les procédures risquent d'être encore trop longues pour les concitoyens, a fortiori si des recours sont déposés. À l'heure où la mobilité des Français est de plus en plus grande et que de ce fait les cas deviendront certainement de plus en plus nombreux, à l'heure où le Président de la République s'est engagé sur la simplification des démarches administratives pour les Français à l'étranger, M. le député craint qu'avec le maintien d'une telle procédure, les Français nés à l'étranger se sentent exclus. Il souhaite donc savoir si une concertation interministérielle au sujet de ce décret et de cette procédure, qui fait intervenir trois ministères régaliens : la justice, l'intérieur et les affaires étrangères, est à l'ordre du jour pour faire évoluer cette procédure dans le sens d'une modernisation et simplification des démarches administratives.

Réponse en séance, et publiée le 18 janvier 2023

PROCÉDURE D'OBTENTION DU CERTIFICAT DE NATIONALITÉ FRANÇAISE
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Petit, pour exposer sa question, n°  134, relative à la procédure d'obtention du certificat de nationalité française.

M. Frédéric Petit. Ma question s’adresse à l’ensemble du Gouvernement et de l’administration ; elle concerne le certificat de nationalité française, nécessaire dans le cadre d'une demande de naturalisation d'un conjoint ou d'un enfant, pour les Français nés hors de France. Cette procédure, fondée sur un décret de 1993, exige de Français nés hors de France, même titulaires d'une carte nationale d’identité (CNI) ou d'un passeport en cours de validité, qu'ils refassent la preuve de leur nationalité. Elle est lourde, absurde et injuste.

Malgré les récentes mesures – que je salue –, entrées en vigueur le 1er septembre dernier, la procédure est si lourde qu'elle s'apparente à un parcours du combattant : demander un certificat de nationalité engage dans une démarche judiciaire, et non plus administrative. Les documents à fournir, comme des certificats de mariage sur plusieurs générations, en font une usine à gaz. Cela ajoute aux tribunaux une charge de travail considérable : ils doivent vérifier l’authenticité de tous les documents requis, souvent écrits dans des langues étrangères.

Deuxièmement, cette démarche est absurde. En effet, elle n’est pas exigée de tous les Français, mais seulement de ceux qui ne sont pas nés en France. Le même agent consulaire qui m’a donné ma carte d’identité il y a quinze jours, en me serrant la main, et qui m’a permis de voter aux élections, avec ladite carte d’identité, m’interdira par exemple de déclarer mon enfant, à moins d’entamer une procédure longue de trois ans. Celle-ci ne concerne que quelques démarches administratives ; elle n'est pas nécessaire pour demander une bourse, ni pour voter.

Évidemment, comme elle est absurde, elle n’est pas appliquée partout de la même manière. Certains agents, souvent jeunes et inexpérimentés, ne prennent pas de risque et l'appliquent avec autorité. Mais j'ai reçu des témoignages, notamment dans ma circonscription, affirmant que d'autres agents, intelligents, l'oublient et acceptent de déclarer un enfant sans attendre qu’il ait trois ans.

Cette procédure, à la limite de l'inconstitutionnalité, fait intervenir trois ministères régaliens : la justice, l'intérieur et les affaires étrangères. Dans le cadre de la simplification administrative, quelle concertation prévoyez-vous pour résoudre cette situation ubuesque ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel. Monsieur Petit, je connais votre engagement dans votre circonscription et l'importance que vous accordez à l'accompagnement quotidien des Français établis hors de France.

Dans le cas d'une demande d'acquisition de la nationalité française par déclaration au titre du mariage avec un ressortissant français, le ministère de l'intérieur dispose de la compétence exclusive d'instruction des dossiers. Le certificat de nationalité française du conjoint est exigé lorsque la nationalité de ce dernier ne peut être déduite de ses seuls actes d’état civil, c'est-à-dire si l'acte d'état civil ne porte pas la mention de nationalité française antérieure au mariage. Ainsi, mes deux parents, étrangers au moment de ma naissance sur le territoire français, ont fait inscrire ma nationalité française sur mon acte de naissance lorsque je l'ai acquise.

En 2021, sur les 11 169 demandes de certificats de nationalité française effectuées par des Français établis hors de France, 8 898 ont fait l'objet d'un refus par les juridictions judiciaires, soit 80 %. Seuls 2 271 certificats ont été établis, ce qui crée malheureusement des tensions et des incompréhensions de la part des Français vivant à l'étranger. Les demandeurs peuvent toutefois faire valoir l'urgence de leur demande. Enfin, ils sont invités à demander le certificat de nationalité française au plus tôt, afin de gagner du temps lors d'une éventuelle demande ultérieure de nationalité française pour leur conjoint et de réduire ainsi les désagréments relatifs aux délais.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Petit.

M. Frédéric Petit. Comme vous le savez, je m'occupe de ce problème depuis trois ans. Je ne parle pas du simple fait d'exiger un certificat de nationalité française en vue de l'acquisition de la nationalité par le conjoint ; il est utile et la lourdeur de son obtention ne me dérange pas. Je parle de situations absurdes : ce certificat est demandé à des Français qui disposent d'une carte nationale d'identité et qui ont parfois reçu leur passeport dans le même consulat quelques jours avant ! Il s'agit d'une application réglementaire, dont nous n'arrivons pas à sortir à cause de l'organisation en silos de l'administration. Il faut retirer ce caillou de notre chaussure !

Il est absurde que l'agent consulaire qui vient de vous délivrer un passeport ou de vous permettre de voter, vous demande quelques jours plus tard un certificat de nationalité française ! Je connais même le cas d'un concitoyen, assesseur lors d'élections, détenteur d'une carte d'identité, dont les parents et les grands-parents sont français, à qui un certificat de nationalité a été demandé pour déclarer la nationalité française de son enfant et pour demander la naturalisation de son épouse. Il devra donc pour ce faire effectuer une démarche en justice, qui peut durer trois ans. C'est absurde !

Données clés

Auteur : M. Frédéric Petit (Français établis hors de France - Démocrate (MoDem et Indépendants))

Type de question : Question orale

Rubrique : Français de l'étranger

Ministère interrogé : Commerce extérieur, attractivité et Français de l'étranger

Ministère répondant : Commerce extérieur, attractivité et Français de l'étranger

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 janvier 2023

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