Question au Gouvernement n°1362 : Continuité territoriale en outre-mer

16ème Législature

Question de : M. Johnny Hajjar (Martinique - Socialistes et apparentés), posée en séance le 23 novembre 2023


CONTINUITÉ TERRITORIALE EN OUTRE-MER

Mme la présidente. La parole est à M. Johnny Hajjar.

M. Johnny Hajjar. Dans un contexte de vie chère exacerbé en outre-mer et d'un énième 49.3, vous avez fait le choix unilatéral de ne pas retenir, parmi les mesures du budget pour 2024 adoptées par l’Assemblée, mon amendement visant à accorder 500 millions d'euros à la continuité territoriale en outre-mer pour faire baisser les prix des billets d’avion. Il avait pourtant été repris par la commission des finances ! En revanche, vous avez choisi de retenir l'article 55, non débattu, en vertu duquel l'État incite « les personnes résidant en France métropolitaine » à s’installer dans ces territoires d’outre-mer grâce à l’argent public.

Le modèle de transport public entre la Corse et l’Hexagone pour les passagers et les marchandises est un modèle d’égalité et d’équité. Les insulaires des outre-mer, eux, sont captifs du seul moyen de mobilité extérieure que représente l’avion et sont condamnés à utiliser un transport privé à des tarifs insupportables. (« Il a raison ! » sur les bancs du groupe SOC.) Vous refusez ainsi aux citoyens dits ultramarins l’égalité des droits, inscrite dans la Constitution, et le droit légitime à la mobilité durable à l’intérieur de la République française.

Enfin, les outre-mer, importants contributeurs à la puissance française dans le monde, sont otages d’un modèle économique caractérisé par le développement de monopoles et d’oligopoles. Ce système économique historique consolide des concentrations verticales et horizontales sans précédent, dans un silence assourdissant de l’État ! Il produit également un mal développement, qui se traduit notamment par d’extrêmes dépendances, des inégalités, des injustices profondes et des crises socio-économiques récurrentes. Les conséquences sont graves : elles provoquent une colère collective et un fort rejet de l’État, jusqu’à nourrir la violence, le risque de chaos et l’avènement d’une nouvelle crise majeure, tout en faisant le lit des extrémismes.

Face à ces ruptures d’égalité profondes et à la dégradation continue des niveaux de vie, porteuse d’un désastre annoncé, acceptez-vous de revoir votre position ? Confirmez-vous devant la représentation nationale l’engagement qu'a pris le ministre Gérald Darmanin, ce matin, de retirer l’article 55 ? Acceptez-vous d’ouvrir une concertation avec les parlementaires et collectivités locales d’outre-mer, pour prendre en compte nos réalités de vie ?

Par ailleurs, le Gouvernement est-il prêt, entre autres, à faire voter la loi qui garantit aux outre-mer le même modèle de continuité territoriale que celui accordé à la Corse ?

Mme la présidente. Merci de conclure, cher collègue !

M. Johnny Hajjar. Dans le respect de la dignité humaine, il s’agit d’ouvrir des perspectives de progrès et de donner des réponses à la hauteur des enjeux… (Mme la présidente coupe le micro de l'orateur, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Ségolène Amiot applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des outre-mer.

M. Philippe Vigier, ministre délégué chargé des outre-mer. Je connais votre attachement à la question de la continuité territoriale, dont nous avons eu l'occasion de parler à plusieurs reprises. L'aide à la continuité territoriale (ACT) consiste en une prise en charge forfaitaire des billets d'avion par l'État, afin que les citoyens ultramarins qui se trouvent dans l'Hexagone puissent rentrer en outre-mer dans les meilleures conditions possibles.

M. Jean-Paul Lecoq. Il faudrait en faire autant pour les députés !

M. Philippe Vigier, ministre délégué . Le budget pour 2024 augmente l'ACT de 70 à 93 millions d'euros. Je sais que vous auriez souhaité qu'on aille plus loin en l'augmentant encore de 60 millions d'euros. J'entends votre message, mais – et je regarde le rapporteur général du budget et tous les parlementaires ici présents – je crois que nous avons décidé d'une aide majeure et indispensable pour l'année 2024.

M. Jean-René Cazeneuve. Absolument !

M. Philippe Vigier, ministre délégué . Par ailleurs, vous savez très bien que les étudiants de première année, qu'ils soient boursiers ou non, bénéficieront dès Noël prochain de l'aide à la continuité territoriale. En outre, nous avons relevé le quotient familial de 12 000 à 18 000 euros : cela signifie que 77 % des ultramarins pourront en bénéficier.

Nous agissons dans un contexte financier particulier ; la Première ministre a bien voulu offrir de nouvelles possibilités aux outre-mer et les préserver, même après avoir activé le 49.3. C'est ainsi que nous renforçons de manière significative le fonds exceptionnel d'investissement (FEI), en le portant de 110 à 160 millions d'euros. De même, nous consolidons l'expertise pour aider les collectivités, en augmentant les crédits jusqu'à 20 millions d'euros.

Vous voyez bien que nous sommes au rendez-vous pour les outre-mer. Nous continuerons à travailler ensemble pour élargir encore cette offre – je peux vous l'assurer. Vous faites la comparaison avec la Corse, mais vous tenez uniquement compte de l'aide à la continuité territoriale ; n'oubliez pas les défiscalisations, qui sont nombreuses. En faisant le total, vous vous rendrez compte que les outre-mer ne sont pas oubliés : je vous en ferai la démonstration quand vous le voudrez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

Données clés

Auteur : M. Johnny Hajjar (Martinique - Socialistes et apparentés)

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Outre-mer

Ministère répondant : Outre-mer

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 novembre 2023

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