Fiscalité du tabac
Question de :
M. Patrick Hetzel
Bas-Rhin (7e circonscription) - Les Républicains
M. Patrick Hetzel interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, sur la fiscalité du tabac. En effet, après avoir bondi de plus de 8 à 11 euros en moins de cinq ans, le prix du paquet de cigarettes va encore augmenter au mois de janvier 2024 d'environ 40 à 50 centimes. Pourtant, le Gouvernement avait promis en septembre 2023 de ne pas augmenter les taxes pesant sur le tabac en 2024. Toutefois, le Gouvernement a décidé en 2022 de faire évoluer l'imposition du tabac en fonction de l'inflation de l'année N + 1 et non plus de l'année N + 2. Et le plafond de 1,75 % qui limitait la hausse des taxes a été supprimé. Aujourd'hui, l'effet est majeur sur le prix du paquet de cigarettes, constitué à plus de 80 % de taxes. Ainsi, ces nouvelles règles ont déjà fait grimper le prix moyen du paquet à 11,14 euros en juin 2023. Il souhaite savoir pourquoi le Gouvernement augmente le prix du tabac alors qu'il avait promis le contraire il y a quelques semaines. L'argument généralement avancé, c'est de dire que l'augmentation du prix du tabac ferait baisser la consommation. Or les chiffres de la consommation de tabac, publiés par Santé publique France, montrent une grande stabilité depuis plusieurs années. Les Français sont toujours près de 12 millions à fumer. S'ils consomment toujours autant tout en achetant moins aux buralistes c'est parce qu'ils se tournent vers le tabac importé - légalement ou non. C'est ainsi que l'on constate que les saisies de cigarettes de contrebande par les douanes explosent. En 2022, ce sont près de 650 tonnes qui ont été confisquées - une hausse de 60 % par rapport à 2021, qui était déjà une année record. Et les douaniers ont découvert par moins de cinq usines clandestines dans l'Hexagone en 2022. De toute évidence, la fiscalité voulue par le Gouvernement ne fait ni baisser la consommation ni entrer plus d'argent dans les caisses de l'Etat puisque, dans les faits, cette politique renforce surtout le marché parallèle. Les chiffres sont éloquents. Lors de l'élaboration du projet de loi de finances pour 2023, Bercy misait sur 600 millions d'euros supplémentaires dans les caisses de l'État. L'estimation s'est manifestement avérée trop optimiste car le marché parallèle a été sous-estimé. Les taxes sur le tabac devraient finalement rapporter 13,7 milliards en 2023, soit 60 millions de moins qu'en 2022. Il souhaite donc connaître les mesures que le Gouvernement compte mettre en oeuvre pour enfin lutter efficacement contre le marché parallèle car son développement nuit à la fois aux rentrées fiscales et aux buralistes qui sont les premières victimes de ces décisions de politique publique très discutables puisqu'elles n'ont plus aucun impact sur la santé et alimentent désormais massivement un déport sur le commerce transfrontalier et la contrebande.
Réponse publiée le 27 février 2024
Dans le cadre de la loi de finances pour 2024 et de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, le Gouvernement n'a prévu aucune augmentation de la fiscalité des produits du tabac. Toutefois, l'indexation de la fiscalité des produits du tabac sur l'inflation de l'année précédente, instaurée par loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 afin de prévenir toute diminution des prix réels des produits du tabac, se traduit par une augmentation de 4,7 % du tarif de l'accise en 2024. Il est rappelé que le Gouvernement mène depuis plusieurs années une politique ambitieuse de lutte contre le tabagisme en France, qui est responsable de plus de 75 000 décès chaque année. Les hausses de fiscalité ont montré un impact notable sur la consommation de tabac, agissant comme un élément dissuasif. Cette politique fiscale a entraîné un écart de prix avec nos voisins européens, affectant spécifiquement les débits de tabac implantés à proximité des frontières avec d'autres États membres de l'Union européenne, en raison des achats transfrontaliers. L'État a renouvelé son soutien aux débitants de tabac pour la période 2023-2027, le 19 janvier 2023, par la signature d'un nouveau protocole d'accord sur l'accompagnement du réseau des buralistes. Ce nouveau protocole prévoit de nombreux engagements forts vis-à-vis de la profession. Un nouveau dispositif d'aide à la transformation, qui vise à permettre aux débitants de transformer leurs débits en commerces de proximité multi-services, et à se détacher progressivement de la vente de produits du tabac, est entré en vigueur le 28 juin 2023. En fonction du chiffre d'affaires tabac du débit transformé, la prise en charge est de 30 à 50 % des dépenses de transformation éligibles, et peut atteindre jusqu'à 33 000 €. Dès cette année, les débits dont le chiffre d'affaires tabac 2023 est compris entre 50 000 € et 400 000 €, peuvent bénéficier d'un soutien forfaitaire de 2 500 €, pouvant aller jusqu'à 5 000 € pour les débits situés dans une commune rurale de moins de 5 000 habitants, en zone de revitalisation rurale ou dans un quartier prioritaire de la ville. Un dispositif de soutien exceptionnel sera également versé à certains débits, en cas de baisse anormale du chiffre d'affaires tabac. L'aide à la sécurité, qui est une aide historique permettant aux débitants de sécuriser leurs commerces face aux agressions, sera maintenue sur toute la durée du protocole 2023-2027. Depuis le 1er mai 2023, chaque buraliste en activité dispose d'une nouvelle enveloppe de 10 000 €, utilisable sur 5 ans, pour acquérir et faire installer des matériels de sécurité. Enfin, la rémunération nette versée aux débitants de tabac a augmenté le 1er avril 2023. Elle représente désormais 8,15 % du prix de vente au détail des produits du tabac. Elle augmentera de nouveau en 2024, puis en 2025, pour atteindre 8,35 % du prix de vente au détail des produits du tabac au 1er janvier 2025. Cet engagement très fort en faveur d'une hausse de la rémunération des buralistes témoigne, une nouvelle fois, du soutien de l'État envers la profession. Dans le cadre du plan national de lutte contre les trafics illicites de tabacs 2023-2025, le Gouvernement entend renforcer la capacité d'action douanière contre toutes les formes de commerce illicite de tabacs. La douane intervient, en effet, comme administration cheffe de file dans la lutte contre ces trafics, qui est une des priorités de la direction générale des douanes et droits indirects. Articulé autour de quatre engagements qui structureront l'action douanière contre ce fléau jusqu'à la fin de l'année 2025, ce plan portera sur de nouvelles mesures importantes, qui correspondent à autant de nouveaux moyens déployés par la douane. D'abord, de nouveaux moyens de détection seront déployés dont des scanners mobiles. Ils seront complétés par l'expérimentation et le développement de dispositifs de détection et d'analyse innovants. Ensuite, des groupes de lutte anti-trafics de tabac (GLATT) ont été créés dans les bassins urbains de fraude prioritaires. Ils permettent de faire travailler de façon plus efficace l'ensemble des services douaniers intéressés, en coopération avec des services partenaires. L'efficacité de cette coopération a été illustrée par l'opération nationale conjointe « COLBERT », qui a eu lieu du 31 mai au 6 juin 2023. Parallèlement, un réseau déconcentré de lutte contre la fraude sur Internet, dit « Cybertabac », est en cours de constitution, dans le cadre d'une stratégie nationale. Son objectif principal sera d'identifier les trafiquants locaux qui vendent du tabac sur internet. Dans le domaine scientifique, les modalités d'analyse des produits du tabac saisis, mises en œuvre par le service commun de laboratoires (SCL), sont en cours de développement. La douane va, en effet, investir pour développer une capacité de « profilage », c'est-à-dire d'analyse approfondie des tabacs saisis, pour mieux identifier les filières et les schémas de fraude. Par ailleurs, la douane a entamé des travaux, en coopération avec la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), visant au développement d'une capacité publique souveraine d'estimation et d'analyse du marché parallèle des produits du tabac. Celle-ci devra permettre de mieux comprendre, de façon indépendante, les ressorts criminologiques et socio-économiques du marché parallèle de tabacs. Cette meilleure maîtrise permettra une communication publique argumentée en la matière, et améliorera le niveau de connaissance douanière des marchandises de fraude. Enfin, le législateur a d'ores-et-déjà fait évoluer le régime juridique entourant la lutte contre les trafics de tabacs, conformément aux objectifs fixés par le « plan tabac », via la loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces. Il s'agit, en particulier : de l'augmentation, d'un an à trois ans, de la peine d'emprisonnement prévue par le code général des impôts (et de cinq à dix ans pour la bande organisée) encourue pour certains trafics ; de la peine complémentaire d'interdiction du territoire jusqu'à dix ans pour tout étranger commettant ce délit désormais prévue au code des douanes ; de l'aggravation, de 3 mois à 6 mois, de la durée de la fermeture administrative encourue par les commerces revendant du tabac de manière illicite ; de la création d'une sanction de non-respect de l'arrêté préfectoral de fermeture, qui prévoit deux mois d'emprisonnement et une amende de 3 750 euros.
Auteur : M. Patrick Hetzel
Type de question : Question écrite
Rubrique : Impôts et taxes
Ministère interrogé : Comptes publics
Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Dates :
Question publiée le 12 décembre 2023
Réponse publiée le 27 février 2024