Moyens de la justice en Pays de Savoie
Question de :
Mme Marina Ferrari
Savoie (1re circonscription) - Démocrate (MoDem et Indépendants)
Mme Marina Ferrari interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le manque de moyens alloués à la justice en Pays de Savoie. Depuis 2017, les moyens alloués à la justice n'ont cessé de croître. La loi de finances pour 2023 consacre, pour la troisième année consécutive, une augmentation de 8 % des moyens du ministère de la justice, qui s'élèvent désormais à 9,6 milliards d'euros, soit une hausse de plus de plus de 40 % depuis 2017. Mme la députée se félicite de cette ambition nécessaire pour restaurer la justice du pays, garantir les droits et libertés de chacun et contribuer à apaiser la société. Par ailleurs, suite aux États généraux de la justice lancés fin 2021, M. le garde des sceaux a dévoilé le 5 janvier 2023 un plan d'action pour remédier aux lenteurs et à la complexité de la justice, plan accompagné de mesures budgétaires supplémentaires, démontrant ainsi sa volonté de produire un effort constant. Toutefois, sur le territoire national, dans différentes juridictions, les files d'attente s'allongent encore, l'impatience des justiciables est là et l'usure des professionnels (magistrats, greffiers) est bien réelle. Par exemple, la situation de la cour d'appel de Chambéry, dont le ressort couvre les départements du 73 et du 74, pour une population de plus de 1,2 million de personnes, avec 13 juridictions réparties sur 7 sites, est alarmante. Cette cour d'appel connaît une activité soutenue de plus de 52 000 décisions par an, avec, du fait de l'attractivité des territoires et de la situation géographique (deux frontières avec l'Italie et la Suisse), une tendance forte à la hausse du nombre de dossiers. Pourtant, alors que la France compte en moyenne 10,9 juges pour 100 000 habitants, sur le ressort de la cour d'appel de Chambéry le ratio est de seulement 5,75 juges pour 100 000 habitants, ce qui constitue indéniablement un des points noirs de l'organisation territoriale française. Le stock des affaires civiles en Savoie se situe à des niveaux jamais atteints par le passé et les délais d'audiencements n'ont jamais été aussi longs. Le manque d'outil fiable d'évaluation de la charge de travail et donc des besoins en nombre de juges dans les territoires est certes une réalité qui conduit malheureusement à raisonner de manière théorique pour affecter les magistrats. Ce travail est en cours d'élaboration au niveau national, mais la situation critique imposerait que l'on agisse très rapidement. Bien que M. le garde des sceaux agisse avec force et responsabilité pour résoudre les problèmes structurels du système judiciaire, elle l'interroge afin de savoir dans quelle mesure il serait possible de répondre dans des délais raisonnables au manque de moyens alloués à la justice en Pays de Savoie.
Réponse en séance, et publiée le 8 février 2023
MOYENS DE LA JUSTICE EN SAVOIE
Mme la présidente. La parole est à Mme Marina Ferrari, pour exposer sa question, n° 137, relative aux moyens de la justice en Savoie.
Mme Marina Ferrari. Madame la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, bien que nous ayons une excellente faculté de droit à Chambéry, ma question ne concerne pas votre portefeuille, puisqu'elle concerne la justice, mais je suis certaine que vous pourrez y répondre.
On peut faire un constat simple : depuis 2017, sous l'impulsion du garde des sceaux et celle du Gouvernement, ainsi que des gouvernements précédents, les moyens alloués à la justice n’ont cessé de croître. La loi de finances pour 2023 consacre, pour la troisième année consécutive, une augmentation de 8 % des moyens du ministère de la justice, qui s’élèvent désormais à 9,6 milliards, soit une hausse de plus de 40 % depuis 2017. Je me félicite de cette ambition nécessaire pour restaurer la justice de notre pays, garantir les droits et libertés de chacun et contribuer ainsi, je le crois, à apaiser notre société. Par ailleurs, à la suite des états généraux de la justice lancés fin 2021, le garde des sceaux a dévoilé le 5 janvier dernier un plan d'action pour remédier aux lenteurs et à la complexité de la justice, plan accompagné de mesures budgétaires supplémentaires, démontrant ainsi sa volonté de produire un effort constant. Toutefois, sur le territoire national, dans différentes juridictions, les files d’attente s’allongent encore, l’impatience des justiciables est là et l’usure des professionnels, magistrats et greffiers notamment, est bien réelle.
Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement et du garde des sceaux sur la situation particulière de la cour d'appel de Chambéry, dont le ressort couvre les départements de Savoie et de Haute-Savoie, pour une population de plus de 1,2 million de personnes, avec treize juridictions réparties sur sept sites. Notre cour d’appel connaît une activité soutenue de plus de 52 000 décisions par an avec une tendance forte à la hausse du nombre de dossiers, du fait de l’attractivité de nos territoires et de leur situation géographique aux frontières de l’Italie et de la Suisse. Pourtant, alors que la France compte en moyenne 10,9 juges pour 100 000 habitants, sur le ressort de la cour d'appel de Chambéry, ce ratio est de seulement 5,75, ce qui constitue, indéniablement, un des points noirs de l’organisation territoriale française. Le stock des affaires civiles en Savoie se situe à des niveaux jamais atteints par le passé et les délais d’audiencement n’ont jamais été aussi longs.
Le manque d’outil fiable d’évaluation de la charge de travail, donc des besoins en nombre de juges dans les territoires, est une réalité qui conduit malheureusement à raisonner de manière théorique pour affecter les magistrats. Un travail pour réaliser ces affectations de manière plus pertinente est certes actuellement en test en Savoie, mais la situation critique imposerait que l’on agisse plus rapidement.
Madame la ministre, vous qui agissez, avec le garde de sceaux et le Gouvernement, avec force et responsabilité pour résoudre les problèmes structurels de notre système judiciaire, pourriez-vous me dire dans quelle mesure il serait possible de répondre dans des délais raisonnables au manque de moyens alloués à la justice en pays de Savoie ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Avec une enveloppe budgétaire sans précédent de 9,6 milliards d'euros, le ministère de la justice bénéficie en 2023 d'une nouvelle augmentation de 8 % de son budget suivant les deux précédentes hausses de 8 % déjà accordées en 2022 et 2021. Ce sont ainsi 710 millions supplémentaires qui viendront abonder en 2023 le service public de la justice. Avec 2 milliards d'euros de crédits supplémentaires accordés au total sur trois budgets consécutifs, le budget de la justice est passé ainsi de 7,6 milliards en 2021 à 9,6 milliards en 2023, soit une hausse inédite de 26 % en trois ans et de plus de 40 % depuis 2017. Les 10 000 emplois supplémentaires qui seront créés d'ici à 2027 représentent une hausse de 11 % du nombre d'emplois en cinq ans au service, entre autres, du renfort des effectifs dans les juridictions. Seront notamment créés 1 500 postes de magistrats et 1 500 postes de greffiers. S'il est difficile de rattraper en quelques mois des décennies d'insuffisance, les recrutements de magistrats connaîtront une augmentation historique en 2023 grâce à 380 postes offerts aux auditeurs de justice et 80 postes offerts au concours complémentaire. Les emplois de contractuels ont, quant à eux, été pérennisés.
Les effectifs de magistrats au sein du ressort de la cour d'appel de Chambéry ont augmenté de près de 6 % en l'espace de cinq ans. S'agissant des personnels de greffe, le ressort de la cour d'appel de Chambéry a été doté de dix-neuf emplois supplémentaires en 2022, soit une évolution des effectifs de 5,5 %. Ce vaste plan de renforcement des moyens humains a déjà produit des effets au sein de la cour d'appel de Chambéry où, grâce à ces renforts et à l'engagement des magistrats et de greffiers, on observe une diminution du stock pénal et une réduction des stocks en matière civile pour les années 2021 et 2022. Par ailleurs, les 1 500 postes de magistrats et les 1 500 postes de greffiers que nous créerons dans les cinq prochaines années bénéficieront à toutes les juridictions et donc à celle de Chambéry.
Auteur : Mme Marina Ferrari
Type de question : Question orale
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 31 janvier 2023