16ème législature

Question N° 13886
de M. Bastien Lachaud (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Seine-Saint-Denis )
Question écrite
Ministère interrogé > Éducation nationale et jeunesse
Ministère attributaire > Éducation et jeunesse

Rubrique > laïcité

Titre > Respect de la laïcité dans les cantines scolaires

Question publiée au JO le : 19/12/2023 page : 11386
Réponse publiée au JO le : 07/05/2024 page : 3665
Date de changement d'attribution: 09/02/2024

Texte de la question

M. Bastien Lachaud alerte M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur le respect de la laïcité dans les cantines scolaires. La presse a révélé qu'un maire cherche à imposer aux enfants de se voir servir de la viande, dans les cantines de sa commune, au nom de la laïcité. Pourtant, la laïcité n'est pas l'interdiction de pratiquer sa religion, l'opposition à toute religion, ou un athéisme d'État. La loi de 1905, loi fondatrice de la laïcité en France, l'énonce clairement dès son article 1 : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public ». En conséquence, la loi de 1905 prévoit le libre exercice des cultes dans les lieux de privation de liberté, sur financement public, au nom de la liberté de conscience : « Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d'aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons ». Obliger des enfants à se voir servir de la viande qu'ils ne souhaitent pas consommer pour des raisons religieuses relève non seulement de la maltraitance la plus évidente, mais aussi d'une violation flagrante du principe de laïcité. Les élèves sont parfaitement fondés à ne pas manger de la viande s'ils ne le souhaitent pas, que ce soit pour des raisons philosophiques, religieuses, ou simplement par goût personnel. Des mairies envisagent-elles de contraindre les enfants à absorber leur repas ? Aussi M. le député souhaite-il savoir ce que M. le ministre compte faire pour que les élèves soient protégés contre de telles mesures s'apparentant à des châtiments corporels. Il souhaite notamment savoir s'il compte demander la mise sous tutelle de la commune concernée par le préfet du département. Il souhaite enfin connaître les mesures qu'il compte prendre pour le respect du principe de laïcité à l'école, notamment s'agissant de la liberté de conscience.

Texte de la réponse

Le principe de laïcité, consacré par la Constitution, vise expressément à garantir la liberté de conscience de chaque individu. Dans les établissements scolaires, ce principe implique le strict respect de la neutralité du service public à l'égard de l'ensemble des convictions religieuses comme philosophiques. Le principe de laïcité n'interdit pas, néanmoins, que certains aménagements puissent être apportés au fonctionnement du service, afin d'assurer le respect des convictions et le libre exercice des cultes. Ainsi le vade-mecum « La laïcité à l'École », dont la dernière mise à jour date de décembre 2023, rappelle qu'en application du principe de neutralité auquel sont soumis tous les services publics, dont celui de la restauration scolaire, le fait de prévoir des menus différenciés, liés ou non à des pratiques confessionnelles des élèves, ne constitue ni un droit pour les usagers, ni une obligation pour les collectivités territoriales. Pour autant, rien ne s'oppose à ce que le service public prévoie de faciliter l'exercice, par les élèves, de leur liberté de conscience, à condition que soient respectés l'ordre public, la santé publique, le bon fonctionnement du service, et les droits et libertés d'autrui. Par une décision du 11 décembre 2020, le Conseil d'État a ainsi confirmé que « lorsque les collectivités ayant fait le choix d'assurer le service public de la restauration scolaire définissent ou redéfinissent les règles d'organisation de ce service public, il leur appartient de prendre en compte l'intérêt général qui s'attache à ce que tous les enfants puissent accéder à ce service public, en tenant compte des exigences du bon fonctionnement du service et des moyens humains et financiers dont elles disposent ». Dès lors, nul ne peut imposer aux enfants de se voir servir de la viande à la cantine, au nom du principe de laïcité. Ainsi, la bonne application du principe de laïcité à l'école implique d'abord sa bonne compréhension. C'est pourquoi la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse considère que la formation de tous les personnels du ministère constitue un levier essentiel pour une meilleure mise en oeuvre, mais aussi une meilleure transmission, du principe de laïcité dans les établissements scolaires. Depuis la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, la formation à ce principe constitutionnel est obligatoire pour tous les fonctionnaires de l'État et des collectivités territoriales. Dans l'institution scolaire, un plan national de formation a été lancé à la rentrée 2021 et prévoit la formation de tous les personnels de l'éducation nationale sur quatre ans. Il a déjà permis de former plus de 500 000 personnes, et l'ensemble des agents du ministère devrait en bénéficier d'ici 2025. Une formation spécifique des chefs d'établissement et de leurs adjoints a été déployée à partir de février 2023 et a déjà bénéficié à la quasi-totalité d'entre eux. Lors de ces formations dispensées par les équipes académiques valeurs de la République, il est recommandé d'inclure dans les formations à la laïcité les personnels chargés du service de cantine, personnels dépendant des collectivités territoriales, mais qui sont placés, dans le second degré, sous l'autorité fonctionnelle du chef d'établissement, chargé le cas échéant de faire les rappels nécessaires à la loi et au règlement. Il s'agit notamment de faire comprendre aux personnels qu'il convient de veiller à ne pas assigner un élève à une appartenance religieuse, réelle ou supposée, qui conduirait à présupposer qu'il mange ou ne mange pas certains aliments. Ces formations au principe de laïcité permettront ainsi à tous les personnels chargés du service public de l'éducation, y compris sur le temps de la restauration scolaire, de mieux appliquer et faire respecter les principes et valeurs de la République.