Question de : M. Serge Muller (Nouvelle-Aquitaine - Rassemblement National)

M. Serge Muller interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les conséquences du désengagement massif des agriculteurs du programme bio. Entre janvier et août 2022, sur 60 000 fermes certifiées bio, 4 à 5 % on choisit le chemin de la déconversion. Ainsi, c'est précisément 2 174 producteurs qui ont décidé de repasser en conventionnel. La hausse des désengagements, accompagnée d'une baisse de 37 % de conversions ne sont pas anodines. Elles sont le résultat de l'effondrement des prix auquel s'ajoute le phénomène de l'inflation chez les producteurs. En effet, la consommation de produits bio en France est en baisse de 6,3 % depuis 2022, les consommateurs étant de plus en plus à la recherche de produits locaux et non bio, synonymes de produits couteux. Par conséquent, les produits agricoles vendus en conventionnel sont désormais mieux valorisés qu'en bio. La loi dite « EGalim » était une bonne initiative, visant à instaurer 20 % de produits bio dans les cantines scolaires et à renforcer la logique de construction du prix des produits alimentaires soit via sa fixation à partir des coûts de production des agriculteurs ; mais encore faut-il qu'elle soit réellement appliquée. Effectivement, en pratique, la conseil départemental de la Dordogne poursuit sa politique du 100 % bio dans les cantines. Toutefois, les producteurs peinent toujours à faire des bénéfices, avec en cause un mauvais rapport entre le coût de production et le prix de vente. Vu le coût actuel de production du blé, il devrait être vendu au minimum 500 euros la tonne. Aujourd'hui, ce prix ne dépasse pas les 300 euros par tonne, voire les 200 euros dans certains cas. Il en va alors de la perte de dynamisme de la filière biologique dont le mécanisme n'encourage pas les producteurs à y adhérer. En plus des problèmes rencontrés relatifs à l'inflation, s'ajoutent le cahier des charges ainsi que les contraintes de la certification bio dont le coût pour un producteur partisan de la filière n'est pas négligeable. Par conséquent, nombre d'agriculteurs se trouvent réticents à l'idée de s'engager au sein du programme, moyennant certes des coûts dans la pratique mais également en cas de désengagement. En effet, pour répondre à cette crise du bio l'État avait mis en place un fonds d'urgence, s'élevant à 10 millions d'euros au niveau national, dont 202 000 euros pour la Dordogne comptant 448 fermes engagées en bio, soit 23 % des exploitations du département. Parmi plus de 120 dossiers déposés, 28 fermes ont été aidées avec le versement d'un montant en moyenne de 5 000 à 6 000 euros. Ce montant, jugé insuffisant, doit être remboursé par le producteur qui décide de se désengager du programme bio. Or généralement, un agriculteur engageant sa déconversion le fait pour des raisons économiques, le coût relatif à l'exploitation bio étant beaucoup trop onéreux. Ainsi, opposer la restitution des aides perçues aux producteurs se désengageant constitue une double peine pour ces derniers, susceptible de conduire la filière bio à la désuétude. Il serait plus habile de permettre à ceux souhaitant s'engager dans le bio de pouvoir tester dans un délai déterminé ce type d'exploitation, permettant, avant son échéance, à l'exploitant de bénéficier d'un droit d'option visant soit à son engagement au sein de la filière, soit au retour au système conventionnel sans moyenner aucun frais. Il l'interroge donc quant aux solutions qu'il compte apporter aux agriculteurs souhaitant s'engager ou l'étant déjà au sein du programme bio face à une situation économique devenant intenable pour la plupart d'entre eux.

Réponse publiée le 11 juin 2024

Face aux difficultés rencontrées par les exploitants en agriculture biologique, la France a mis en place un plan de soutien de plus de 110 millions d'euros (M€) en 2023 qui comprenait une aide d'urgence visant à aider les exploitations agricoles bio en difficulté, ainsi que des mesures dédiées à la communication et à la promotion des produits biologiques, qui constituent un levier majeur pour soutenir et relancer la demande de produits bio. Une enveloppe supplémentaire de 90 M€ a été ouverte en 2024. Dans le cadre du chantier de la planification écologique, 5 M€ par an pendant trois ans sont par ailleurs alloués à la communication, avec un effort supplémentaire de 3 M€ en 2024, portant le montant total alloué à la communication à 8 M€ en 2024. Dans un contexte de crise de la demande, la communication constitue en effet un axe stratégique majeur de consolidation et de développement de l'agriculture biologique. Ces moyens conjoncturels supplémentaires viennent s'ajouter aux moyens dédiés à l'agriculture biologique dans le cadre du plan stratégique national pour la politique agricole commune 2023-2027 avec un soutien spécifique alloué aux agriculteurs engagés dans la production biologique,  via l'écorégime dont le montant est augmenté pour l'agriculture biologique, les mesures agro-environnementales et climatiques et l'encouragement au développement des surfaces biologiques via les aides à la conversion (CAB). Le crédit d'impôt accordé aux producteurs en agriculture biologique, augmenté de 1 000 euros (€) pour atteindre 4 500 € par an depuis le 1er janvier 2023 constitue également un soutien pérenne aux agriculteurs bio. L'agriculture biologique a également accès à l'ensemble des dispositifs de droit commun, avec pour un certain nombre d'entre eux un accès privilégié (exemple : prêts garantis par l'État à hauteur de 2 milliards d'euros…). En outre, le Fonds Avenir Bio, qui vise à financer la structuration de filières a vu son enveloppe portée de 13 à 18 M€. Par ailleurs, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a lancé le 24 avril 2024 le programme Ambition bio 2027 qui constitue une feuille de route commune élaborée avec l'ensemble des parties prenantes. Ainsi dans ce cadre, des actions de diverses natures sont prévues, comme par exemple la mobilisation pour atteindre les objectifs des lois EGALIM : si la restauration collective progresse dans la mise en œuvre de ces objectifs, la part de produits durables et de qualité qu'elle propose reste encore insuffisante. Pour 2022, la moitié des mouvements de déconversion constatés provient de départ en retraite. Le solde demeure positif entre les conversions et les déconversions en bio. Le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire est donc, et restera, pleinement mobilisé pour apporter des réponses aux défis structurels et conjoncturels du secteur de l'agriculture biologique, avec l'ambition de renouer avec la croissance de l'offre et de la demande en produits biologiques, à travers un large éventail d'actions et politiques qui s'inscrivent dans la durée.

Données clés

Auteur : M. Serge Muller (Nouvelle-Aquitaine - Rassemblement National)

Type de question : Question écrite

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture et souveraineté alimentaire

Ministère répondant : Agriculture et souveraineté alimentaire

Dates :
Question publiée le 26 décembre 2023
Réponse publiée le 11 juin 2024

partager