16ème législature

Question N° 14166
de M. Ugo Bernalicis (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Nord )
Question écrite
Ministère interrogé > Travail, plein emploi et insertion
Ministère attributaire > Travail, santé et solidarités

Rubrique > travail

Titre > Grève et réquisition à Arcelor Mittal

Question publiée au JO le : 26/12/2023 page : 11702
Réponse publiée au JO le : 14/05/2024 page : 3907
Date de changement d'attribution: 12/01/2024
Date de signalement: 27/02/2024

Texte de la question

M. Ugo Bernalicis attire l'attention de M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur un avis de l'Organisation internationale du travail (OIT) quant à l'application d'un dispositif de réquisition des salariés. Le droit de grève est garanti par le septième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 qui dispose que « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Dans le même esprit, la Cour européenne des droits de l'homme le déduit de l'article 11 relatif à la liberté de réunion. Enfin, au niveau international, le droit de grève est reconnu par les organes de contrôle de l'Organisation internationale du travail (OIT) comme le corollaire indissociable du droit d'association syndicale protégé par la Convention C87 de l'OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical. Depuis le lundi 4 décembre 2023, les salariés d'Arcelor Mittal Dunkerque sont entrés en grève pour l'augmentation de leurs salaires. Dans la nuit du 4 au 5 décembre, à la demande de la direction, le préfet a procédé par arrêté à la réquisition de cinq salariés sous prétexte que le site est classé SEVESO. Il fait ainsi usage de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, dont le 4° prévoit qu'« en cas d'urgence, lorsque l'atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l'exige et que les moyens dont dispose le préfet ne permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des pouvoirs de police, celui-ci peut, par arrêté motivé, pour toutes communes du département ou plusieurs ou une seule d'entre elles, réquisitionner tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l'usage de ce bien et prescrire toute mesure utile jusqu'à ce que l'atteinte à l'ordre public ait pris fin ou que les conditions de son maintien soient assurées ». Or les salariés réquisitionnés sont des salariés affectés à la logistique du site et non des salariés dont l'arrêt du travail met en péril la sécurité de ce dernier. Ainsi, la CGT dénonce une lecture trop permissive du droit débouchant sur une atteinte au droit de grève. Cette situation est d'autant plus préoccupante que la direction n'en est pas à son premier coup d'essai. Une décision du tribunal administratif de Lille du 20 décembre 2016 avait déjà fait tomber ce type de réquisition pour des salariés d'Arcellor Mitall considérant « qu'il n'est pas justifié de l'impossibilité pour l'entreprise, invoquée par le responsable du site dans son courriel, de mettre en œuvre et de faire appliquer les mesures de sécurité et de protection prévues par le plan d'opération interne et par le règlement intérieur de l'établissement ; qu'ainsi, le préfet n'établit pas que la réquisition était le seul moyen de garantir la sécurité des personnes et des biens sur le site et dans son environnement proche ; qu'une telle mesure générale et imprécise porte donc atteinte de manière disproportionnée au droit de grève ». En somme, M. le député demande à M. le ministre de faire respecter le droit de grève et les décisions de l'OIT concernant la réquisition des salariés. Il faut rappeler que la France a déjà fait l'objet d'une plainte devant le Comité de la liberté syndicale (CLS), instance essentielle de l'OIT, qui, dans son rapport n° 362 de 2011, demande au Gouvernement « de privilégier à l'avenir, devant une situation de paralysie d'un service non essentiel, mais qui justifierait l'imposition d'un service minimum de fonctionnement, la participation des organisations de travailleurs et d'employeurs concernées à cet exercice et de ne pas recourir à l'imposition de la mesure par voie unilatérale ». La France a ratifié les Conventions numéro 87 et 98 de l'OIT et doit respecter cette recommandation. Il lui demande s'il compte mettre un terme à toute utilisation discrétionnaire du droit concernant le traitement de la grève des salariés d'ArcelorMittal.

Texte de la réponse

L'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales autorise le préfet « en cas d'urgence, lorsque l'atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l'exige et que les moyens dont dispose le préfet ne permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des pouvoirs de police, […] à réquisitionner tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l'usage de ce bien et prescrire toute mesure utile jusqu'à ce que l'atteinte à l'ordre public ait pris fin ou que les conditions de son maintien soient assurées ». Si les conditions énoncées à cet article sont effectivement réunies, le préfet est juridiquement fondé à recourir à la réquisition pour assurer la sauvegarde de la sécurité des personnes et des biens. Par ailleurs, dans son rapport n° 362 relatif à la plainte contre le Gouvernement de la France présentée par la confédération générale du travail (Cas n° 2841 - novembre 2011), l'organisation internationale du travail a considéré qu'un service minimum peut aussi être « approprié comme solution de rechange possible dans les situations où une limitation importante ou une interdiction totale de la grève n'apparaît pas justifiée et où, sans remettre en cause le droit de grève de la plus grande partie des travailleurs, il pourrait être envisagé d'assurer la satisfaction des besoins de base des usagers ou encore la sécurité ou le fonctionnement continu des installations. » En l'espèce, le préfet a procédé par arrêté, dans la nuit du 4 au 5 décembre 2023, à la réquisition de 5 salariés sur les plus de 3000 salariés du site Arcelor Mittal Dunkerque classé site Seveso « seuil haut » du fait des risques associés à une éventuelle défaillance dans le fonctionnement de ses installations.  D'une manière générale, les décisions de réquisition sont en tout état de cause prises sous le contrôle du juge administratif.