Question orale n° 141 :
Responsabilité élargie du producteur (REP)

16e Législature

Question de : M. Thierry Benoit
Ille-et-Vilaine (6e circonscription) - Horizons et apparentés

M. Thierry Benoit attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur la responsabilité élargie du producteur (REP). La responsabilité élargie du producteur (REP) des produits ou matériaux de construction du secteur du bâtiment, en vigueur depuis le 1er janvier 2022, est en train de se concrétiser et va opérer probablement un bouleversement dans l'organisation des sociétés de collecte et de recyclage. Les appels d'offres en cours lancés par les futurs éco-organismes va déboucher sur des situations de monopoles de grands groupes au détriment des petites sociétés qui maillent le territoire. S'agissant de la responsabilité élargie du producteur (REP) des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB), les conséquences sont les suivantes : instauration par les éco-organismes d'un appel d'offres limitatif avec uniquement 2 acteurs par département ; impossibilité pour tous les autres de négocier, traiter ou massifier la moindre tonne du plus gros marché de déchets national ; fin d'un marché ouvert et concurrentiel avec un cahier des charges auquel ne pourront répondre que les majors. La liberté d'entreprendre qui est l'essence même de leurs métiers va désormais être fortement entravée puisqu'ils seront cantonnés pour les déchets du bâtiment à un territoire sans possibilité d'expansion. En effet et pour rappel, il est prévu que la distance moyenne à l'échelle régionale entre le lieu de production des déchets et l'installation de reprise des déchets soit de l'ordre de 10 km (décret du 31 décembre 2021). Les PME (notamment familiales) craignent, à bon droit, que ces restructurations occasionnent pour des entreprises comme les leurs des pertes d'activité, de chiffres d'affaires et avec à la clé des atténuations de bénéfice, voire des licenciements. Cela sous-entend par conséquent la mort à petit feu de ces petites sociétés et la concentration de la filière vers des oligopoles et des nébuleuses économiques et financières. Il lui demande ce que le Gouvernement compte faire pour protéger le tissu de PME familiales qui irriguent d'emplois les territoires, menacées par des grands groupes dont le monopole ne cesse de croître et dont l'influence échappe aux pouvoirs publics.

Réponse en séance, et publiée le 8 février 2023

RESPONSABILITÉ ÉLARGIE DU PRODUCTEUR
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit, pour exposer sa question, n°  141, relative à la responsabilité élargie du producteur.

M. Thierry Benoit. La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite Agec, a consacré la responsabilité élargie du producteur (REP). Des éco-organismes lancent actuellement des appels d'offres qui débouchent ou vont déboucher sur le monopole de certains grands groupes, au détriment des petites entreprises familiales proches des territoires.

S'agissant de la responsabilité élargie du producteur dans le secteur du bâtiment, quelles sont les conséquences ? On assiste à l'instauration par des éco-organismes d'appels d'offres limitatifs, avec seulement deux acteurs par département. Il devient impossible pour tous les autres de négocier, traiter ou massifier la moindre tonne du plus gros marché national de déchets. Cela signe aussi la fin des marchés ouverts et concurrentiels, avec un cahier des charges auquel ne pourront répondre que les grands groupes.

Cela pose donc un problème de concurrence. Ainsi, dans le domaine du tri, de la collecte et du recyclage, de grands groupes comme Paprec ou Derichebourg vont avoir une emprise sur certaines filières. La liberté d'entreprendre est donc questionnée.

Dans le secteur du bâtiment, à l'échelle régionale, il est prévu que la distance moyenne entre le lieu de production des déchets et l'installation de reprise des déchets soit de l'ordre de 10 kilomètres.

Cela signifie que seuls les grands groupes industriels possédant plusieurs sites répartis dans une région ou un département pourront répondre au cahier des charges établi par les éco-organismes, ce qui mettra en difficulté les entreprises familiales de proximité qui, pour la plupart, sont installées au cœur des territoires et dont les dirigeants sont bien connus localement. Ainsi, le système de responsabilité élargie des producteurs déstructure insidieusement la filière, risquant de faire disparaître des emplois dans les territoires au profit des grands groupes, généralement concentrés dans les métropoles.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l’écologie.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l’écologie. Vous vous inquiétez des conséquences des appels d’offres concurrentiels des éco-organismes sur les PME qui collectent et recyclent déjà les déchets du bâtiment. Je souhaite d'abord rappeler que la loi Agec a créé cette nouvelle filière REP pour trois raisons : mettre fin aux dépôts sauvages en instaurant une collecte gratuite des déchets du bâtiment, diminuer la mise en décharge pour atteindre l'objectif de diviser par deux les quantités de déchets enfouis d'ici 2025, et développer le réemploi et le recyclage dans le secteur du bâtiment. Elle a été conçue pour soutenir le projet ambitieux de préserver notre environnement tout en développant les filières industrielles de l'économie circulaire, qui génèrent dix fois plus d'emplois que la mise en décharge.

Bien évidemment, nous ne partons pas de zéro. De nombreuses entreprises assurent déjà la collecte, le tri et le recyclage des déchets du bâtiment. La création de cette nouvelle filière REP vise à soutenir leur activité et à favoriser la création d'autres entreprises semblables. L'objectif est de s’appuyer sur le tissu d'opérateurs de collecte de déchets existant et de le pérenniser. Pour cela, la loi Agec permet à toute entreprise qui le souhaite d'accéder à un contrat type de soutien financier destiné à couvrir les coûts de la reprise des déchets du bâtiment.

Lorsqu’il sera nécessaire de créer de nouveaux points de reprise des déchets ou de renforcer les sites de recyclage existants, les éco-organismes devront alors passer des appels d'offres. Afin de garantir une sélection juste et équilibrée des prestataires, la loi Agec prévoit l'application obligatoire de critères d’attribution transparents, non discriminatoires, et de critères relatifs au principe de proximité. Vous avez raison de souligner qu'il faut veiller à ce que les éco-organismes respectent les conditions de déploiement de cette nouvelle filière REP ; sachez que j'y suis particulièrement attentive.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Je tiens à appeler l'attention du Gouvernement sur le fait que les grands groupes ont la mainmise sur les éco-organismes chargés de la collecte, du tri et du recyclage des déchets. Cela soulève la question de la concentration de l'économie dans des oligopoles privés, qui se pose d'ailleurs également pour l'eau, l'énergie ou encore l'alimentation. Ainsi, la hausse actuelle des prix de l'énergie s'explique par la concentration de ce secteur, dominé par quelques énergéticiens. Dans le secteur de l'alimentation, quelques grands groupes de distribution s'imposent sur le marché en concentrant leurs commandes dans des centrales d'achat internationales hébergées à l'étranger. De même, l'emprise des grands industriels de la collecte et du tri sur la création des éco-organismes promus par le système REP nous invite à nous interroger sur la concentration. Au niveau français comme européen, nous devons tout mettre en œuvre pour permettre aux PME de coexister avec les grands groupes familiaux et de continuer à fonctionner en toute indépendance. Ces entreprises localement identifiées, dont les dirigeants vivent au cœur des territoires, représentent un atout précieux qu'il convient de préserver. Il faut donc prévoir des garde-fous, y compris dans la filière du tri et du recyclage.

Données clés

Auteur : M. Thierry Benoit

Type de question : Question orale

Rubrique : Déchets

Ministère interrogé : Transition écologique et cohésion des territoires

Ministère répondant : Transition écologique et cohésion des territoires

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 31 janvier 2023

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