16ème législature

Question N° 14201
de M. Julien Bayou (Écologiste - NUPES - Paris )
Question écrite
Ministère interrogé > Travail, plein emploi et insertion
Ministère attributaire > Travail, santé et solidarités

Rubrique > femmes

Titre > Rendre l'égalité professionnelle réelle

Question publiée au JO le : 02/01/2024 page : 47
Réponse publiée au JO le : 14/05/2024 page : 3908
Date de changement d'attribution: 12/01/2024

Texte de la question

M. Julien Bayou interroge M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur l'index de l'égalité professionnelle. Instauré par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018, l'index de l'égalité professionnelle a été mis en œuvre dans le but de sanctionner les entreprises qui ne respectent pas l'égalité salariale. Depuis son entrée en application, les entreprises de plus de 50 salariés doivent calculer et afficher publiquement leur index au 1er mars de chaque année. Si le score est inférieur à une note de 75/100, des mesures correctives doivent être mises en place sous peine de sanctions financières. Cet index est largement critiqué et à juste titre, pour ses biais et son incapacité à résorber l'écart salarial encore observé aujourd'hui. Un rapport de la Cour des comptes datant du 14 septembre 2023 regrette le retard pris par l'exécutif sur le sujet et estime que les mesures prises par le Gouvernement n'ont eu que des « effets limités ». En effet, le calcul des points de l'index reste à la main des entreprises qui profite d'un barème trop progressif et d'une absence de contrôle sur le détail des calculs ou des justificatifs à fournir. De plus, l'administration et les entreprises profitent de l'opacité totale dans laquelle les sanctions administratives sont décidées (ou pas). Pourtant, la transparence des sanctions est un élément essentiel de l'efficacité d'un tel index. Ainsi, M. le député demande la publication des noms de toutes les entreprises sanctionnées ainsi que le montant des sanctions assorties. La divulgation de ces noms est légitime et proportionnée, puisqu'elle est nécessaire à l'information du public et à l'intérêt général ainsi qu'à la concrétisation du principe de l'égalité de rémunération « pour un même travail ou un travail de valeur égale » décidé par le législateur dans la loi du 22 décembre 1972. À défaut, il demande la publication du nombre d'entreprises sanctionnées ainsi que le montant des amendes. M. le député demande également le nom des entreprises qui sont exclues de la procédure de passation des marchés publics au titre de la méconnaissance de l'obligation de négociation prévue au 2° de l'article L. 2242-1 du code du travail. De plus, il interroge le ministre sur la transposition par la France de la directive (UE) 2023/970 du 10 mai 2023 visant à renforcer l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes pour un même travail ou un travail de même valeur par la transparence des rémunérations. Quelles sont les mesures prévues pour mettre en conformité les règles actuelles de l'index de l'égalité professionnelle avec la directive européenne ? En particulier l'article 17 sur les mesures coercitives et l'article 23 sur les sanctions, disposant que les sanctions doivent garantir un effet dissuasif réel en cas de violation des droits et obligations relatifs au principe de l'égalité des rémunérations. Cette transposition est tant un véhicule législatif qu'une opportunité politique pour le Gouvernement d'enfin lutter efficacement contre l'écart des rémunérations.

Texte de la réponse

L'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes est inscrite dans la loi depuis 1972. Pourtant, à travail égal ou de valeur égale, le salaire des femmes demeure inférieur à celui des hommes, bien que l'écart tende à diminuer. C'est pour mettre un terme à cette situation que le Président de la République a fait de l'égalité entre les femmes et les hommes la grande cause de son premier quinquennat, renouvelée au cours du second. Dans ce contexte, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a créé un index de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes qui instaure, d'une part, une obligation de transparence à travers la publication des résultats obtenus sur le site internet de l'entreprise, et, d'autre part, une obligation de résultat, à savoir l'obtention d'un index supérieur ou égal à 75 points dans un délai maximal de trois ans. Toutes les entreprises d'au moins 50 salariés doivent ainsi, depuis le 1er mars 2020, procéder chaque année au calcul et à la publication de leur index de l'égalité professionnelle. Celui-ci est composé de quatre ou cinq indicateurs en fonction de l'effectif de l'entreprise (écarts de rémunération, de taux d'augmentations et de promotions, retour de congé maternité, dix plus hautes rémunérations), aboutissant à une note globale sur 100 points. L'index permet, à travers ces différents critères, de mesurer les écarts de rémunération et de situation entre les femmes et les hommes dans l'entreprise, tout en mettant en exergue les points de progression sur lesquels agir. L'index a ainsi été conçu comme un outil pratique visant à faire progresser l'égalité salariale au sein des entreprises. Il vise à mesurer de façon objective les écarts de rémunération et de situation entre les femmes et les hommes, en mettant en évidence tant les inégalités de rémunération existantes que les points de progression pour lesquels il convient de mettre en œuvre des actions correctives. La mise en place progressive de l'index est allée de pair avec une évolution positive et conséquente des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. Ainsi, en 2022, l'écart de salaire entre femmes et hommes continue de se réduire puisque les femmes gagnent en moyenne 14 % de moins que les hommes en équivalent temps plein, contre 16,8 % en 2017. Au regard des publications de l'INSEE, on constate que de 2017 à 2019, l'écart de salaire entre femmes et hommes en équivalent temps plein est passé de 16,8 % en 2017 à 16,1 % en 2019, et que, de 2019 à 2022, la réduction de cet écart a été plus rapide puisqu'il est passé de 16,1 % à 14 %. Certes, cette évolution positive repose, en plus de l'index, sur d'autres leviers qu'il convient de mobiliser pour contrer ces inégalités : la négociation collective, et plus largement le dialogue social au sein des branches professionnelles et des entreprises qui constituent des voies tout particulièrement essentielles pour favoriser la mixité des métiers et l'accès des femmes aux postes à responsabilité, tout en permettant une mise en avant de la question de l'orientation professionnelle. Cela étant, l'évolution des résultats obtenus à l'index par les entreprises démontre à elle seule une dynamique positive en matière d'égalité professionnelle. En effet, début mars 2024, la note moyenne obtenue à l'index est de 88 points, contre 86 points en 2022. La note moyenne à l'index des entreprises de 1 000 salariés et plus a augmenté de 7 points entre 2019 et 2024, passant de 83 à 90. La même tendance est observée dans les entreprises et UES de taille intermédiaire, de 251 à 999 salariés, dont la note a augmenté de 6 points, passant de 82 en 2019 à 88,5 en 2024 et dans les entreprises de 50 à 250 salariés où la note a augmenté de 5 points, passant de 83 à 88 points entre 2020 et 2024. Tout particulièrement, l'indicateur relatif au retour de congé de maternité est passé de 11/15 en 2020 à 13/15 en 2024. En tant que dispositif imposé et déterminé au niveau légal et réglementaire, l'index constitue un outil standardisé et contrôlé de manière uniforme sur l'ensemble du territoire par l'Inspection du travail. Pour ce faire, un important dispositif d'accompagnement des entreprises par l'Etat est à souligner : un réseau des référents Egalité salariale femmes-hommes a été constitué dans l'ensemble des DREETS ; dans chaque département, un référent a été nommé, ainsi qu'un coordinateur régional dans chaque région. La mise en œuvre des contrôles par l'inspection du travail a pour vocation première de faire progresser les entreprises vers une réduction effective des écarts de rémunération et non une finalité uniquement coercitive ; c'est le cas en matière de publication de l'index. Les pénalités concernent pour l'heure des manquements aux obligations de moyens (obligation de publier l'index, obligation de définir des mesures de correction adéquates et pertinentes) et non des manquements à l'obligation de résultat (atteindre au moins 75 points à l'index) qui ne peuvent être relevés qu'au terme de quatre ans d'application de la réglementation relative à l'index. Ces pénalités consécutives aux manquements aux obligations de moyens ne sont mises en œuvre qu'à l'issue de mises en demeure infructueuses. Ainsi, si, depuis 2019, 857 mises en demeure ont été notifiées aux entreprises pour défaut de publication ou absence de définition de mesures de correction adéquates et pertinentes, seules 70 entreprises ont fait l'objet d'une pénalité, les autres entreprises ayant régularisé leur situation avant la fin de la procédure de mise en demeure. Il ne peut ainsi être conclu que le dispositif souffre d'une absence de contrôle, lequel serait effectué de manière opaque. Pour preuve, l'action à la fois informative et coercitive de l'action des services d'inspection du travail a permis d'augmenter le nombre d'entreprises respectant l'obligation de publier leur index (72 % en 2022 à 77 % en 2024) et de faire progresser la note moyenne des entreprises.  Par ailleurs, le dispositif de l'index repose sur une exigence de transparence, tant au niveau de sa déclaration que des éventuelles sanctions retenues, accroissant la visibilité des entreprises en la matière. En particulier, le décret n° 2021-265 du 10 mars 2021 relatif aux mesures visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans l'entreprise et portant application de l'article 244 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 est venu renforcer ces exigences de transparence et de visibilité. Depuis le 1er juin 2021, la note globale ainsi que l'ensemble des indicateurs de l'index doivent être publiés de manière visible et lisible sur le site internet de l'entreprise. En parallèle, les résultats obtenus doivent être transmis à l'administration via le site internet du ministère du travail, de la santé et des solidarités, et communiqués au comité social et économique de l'entreprise via la base de données économiques, sociales et environnementales. L'entreprise qui ne publierait pas ses résultats de manière visible et lisible s'expose à une pénalité pouvant atteindre jusqu'à 1 % de sa masse salariale annuelle. Pour pouvoir être appliquée, cette exigence de transparence doit être proportionnée. Concernant tout particulièrement la divulgation du nom des entreprises sanctionnées, il convient de rappeler que l'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration qui reprend les dispositions de l'article 6 de la loi du n° 78-753 du 17 juillet 1978, dispose notamment que : « ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs, dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret en matière commerciale et industrielle […] » ou « faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice ». Or, les entreprises sanctionnées peuvent être considérées comme directement concernées par les décisions des directeurs régionaux d'appliquer une pénalité relative à l'égalité professionnelle. Elles sont donc les seules intéressées par la communication de tels documents. Les décisions de mise en œuvre de la pénalité correspondent en outre bien au champ de l'article L. 311-6 du Code des relations entre le public et l'administration (CRPA), et notamment à la divulgation d'un comportement pouvant porter préjudice à une personne, la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) ayant jugé que cette exception s'appliquait également aux personnes morales (CADA 25 avril 2013, direction départementale des territoires de l'Aveyron). Dès lors, la publication de manquements à des obligations est susceptible de porter préjudice aux personnes physiques et morales au sens de l'article L. 311-6 du CRPA, et, par suite, aux entreprises assujetties à l'index. Enfin, ainsi qu'annoncé lors de la conférence sociale du 16 octobre 2023, le Gouvernement a pour objectif de poursuivre la lutte contre les inégalités salariales dans le cadre de la transposition de la directive « transparence salariale ». L'objectif de cette transposition est de rendre les obligations de transparence des entreprises en matière d'égalité plus ambitieuses à travers des obligations renforcées de déclaration mais également d'information par les employeurs et la définition de sanctions associées. Le Gouvernement est ainsi pleinement mobilisé en faveur de l'égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes.