16ème législature

Question N° 14554
de Mme Catherine Couturier (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Creuse )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture et souveraineté alimentaire
Ministère attributaire > Agriculture et souveraineté alimentaire

Rubrique > agriculture

Titre > NTG : risque pour la liberté de choix et l'agriculture biologique

Question publiée au JO le : 30/01/2024 page : 557
Réponse publiée au JO le : 30/04/2024 page : 3422

Texte de la question

Mme Catherine Couturier attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur le projet de règlement concernant les nouvelles techniques cénomiques (NTG), en cours de négociation dans les institutions européennes. Ce projet propose de faciliter la commercialisation des OGM nouvelle génération, en affaiblissant considérablement la législation actuelle encadrant les OGM. En effet, la majorité des OGM obtenus via les NTG sera exemptée d'évaluation des risques, ainsi que de traçabilité et d'étiquetage. Au nom du principe de précaution inscrit dans la Constitution, il est impensable et irresponsable d'exempter ces plantes et produits de toute évaluation des risques. Par ailleurs, ce projet menace la filière agricole et alimentaire sans OGM - dont l'agriculture biologique et l'agroécologie - à cause de la contamination génétique, phénomène inévitable, qui touchera indubitablement les cultures sans OGM. En pratique, il n'y aura plus de choix possible pour les agriculteurs, qui vivront toujours dans le doute d'une éventuelle contamination. L'ensemble des acteurs de la filière bio s'oppose à ce projet, en témoigne la tribune récemment publiée dans Le Monde et signée par près de 150 distributeurs et opérateurs du secteur. Enfin, c'est la liberté de choix alimentaire des citoyens qui est mise en danger : sans traçabilité ni étiquetage, les consommateurs ne pourront pas savoir si les aliments qu'ils achètent contiennent des OGM. Deux droits citoyens fondamentaux sont bafoués : le droit à l'information et la liberté de choix. Pourtant, la majorité des citoyens s'oppose à ce projet. Près de 520 000 citoyens ont signé une pétition contre l'autorisation de ces nouveaux OGM en Europe et près de 80 % des Français souhaitent que les nouveaux OGM fassent l'objet d'une réglementation stricte (sondage Greenpeace et Kantar, 2022). Il est de la responsabilité des élus politiques d'écouter et de respecter ces voix unies contre un projet aux conséquences potentiellement néfastes et irréversibles. Malgré ces questions fondamentales qui n'ont obtenu aucune réponse satisfaisante, le Gouvernement semble favorable à ce projet. Alors que M. le ministre va être amené à se prononcer sur le projet dans les semaines à venir, elle souhaiterait savoir dans quelle mesure le Gouvernement s'estime légitime d'engager la voix de la France à l'encontre de sa position historique contre les OGM, ainsi que de la volonté de ses citoyens et de l'ensemble des opérateurs de la filière biologique et sans OGM.

Texte de la réponse

Le Conseil de l'Union européenne (UE) a demandé à la Commission européenne de conduire une étude sur le statut des nouvelles techniques génomiques (NGT) dans le droit de l'UE, à la lumière de l'arrêt de la Cour de justice de l'UE du 25 juillet 2018 sur la mutagenèse. L'étude de la Commission européenne, publiée le 29 avril 2021, montre que la réglementation européenne relative aux organismes génétiquement modifiés (OGM) n'est pas adaptée à certaines NGT ainsi qu'à leurs produits et qu'il est donc nécessaire de l'adapter aux progrès scientifiques et technologiques. Après une étude d'impact, la Commission européenne a présenté le 5 juillet 2023 un projet de règlement visant à adapter la réglementation pour les plantes issues de certaines NGT, ne contenant pas de gènes étrangers provenant d'espèces incompatibles. La Commission européenne propose de distinguer deux catégories de plantes NGT, selon la nature et l'ampleur des modifications génétiques apportées, et prévoit une procédure réglementaire adaptée à chacune de ces catégories. Il n'est pas envisagé de modifier l'encadrement réglementaire applicable aux OGM issus de transgénèse. L'objectif de cette initiative est d'aboutir à une réglementation proportionnée pour ces plantes, et d'adapter les procédures d'autorisation et d'évaluation des risques ainsi que les exigences de traçabilité et d'étiquetage, tout en maintenant un haut niveau de protection de la santé et de l'environnement et en tirant parti des bénéfices de l'innovation pour contribuer aux objectifs des stratégies pacte vert, « De la ferme à la table » et biodiversité. Les nouvelles techniques de sélection accélérée peuvent constituer un outil intéressant, parmi d'autres, pour accompagner la transition écologique, mais aussi l'adaptation des agricultures au changement climatique. Pour la France, il est essentiel de disposer d'un cadre réglementaire adapté à ces NGT, qui garantisse une maîtrise des risques pour la santé humaine et l'environnement, au service d'une agriculture plus durable. Il s'agit d'un enjeu de souveraineté alimentaire, autant que de transition écologique, dans un contexte où l'UE ne doit pas se priver des progrès que la création de nouvelles variétés peut apporter pour atteindre ses objectifs. La France soutient une approche en deux catégories de végétaux NGT incluant une catégorie 1 de plantes semblables aux plantes conventionnelles. La France soutient également les dispositions prévues pour la catégorie 1 concernant l'étiquetage des semences et l'exclusion en agriculture biologique. La traçabilité et l'étiquetage au niveau des semences permettront aux agriculteurs de la filière biologique ou d'autres filières qui souhaiteraient mettre en avant l'absence de NGT d'éviter les NGT au stade de la culture et de mettre en place une traçabilité documentaire tout au long de la chaîne de production. Une telle traçabilité documentaire est déjà requise dans le cadre de la réglementation sur l'agriculture biologique. Des améliorations ont été apportées au texte au cours des négociations sur des points importants pour la France, comme l'exclusion des plantes NGT tolérantes aux herbicides de la catégorie 1, la possibilité d'interdire la culture sur le territoire national (opt-out) pour la catégorie 2 ou le nouvel article sur les brevets prévoyant une étude de la Commission européenne pour 2025. La question des brevets a fait l'objet d'une attention particulière des États membres. Il s'agit de préserver l'équilibre de la filière semences et de protéger les petits obtenteurs. À la demande de certains États membres, dont la France, le calendrier de remise de l'étude de la Commission européenne, initialement prévu pour 2026, a été avancé à 2025, avant l'entrée en application du règlement NGT, prévue 2 ans après son adoption. La Commission européenne devra également, compte tenu des résultats de l'étude, fournir des informations sur les mesures de suivi ou, le cas échéant, présenter une proposition législative. De plus, il est prévu de mettre en place un groupe d'experts chargé de suivre les effets de la réglementation des brevets et de sa mise en œuvre. Lors du Conseil du 11 décembre 2023, la France a rappelé son soutien à l'initiative réglementaire mais a considéré que le texte pourrait encore être amélioré sur certains points, comme la prise en compte de la durabilité ou la prise en compte des connaissances scientifiques pour faire évoluer les critères d'équivalence de la catégorie 1 et s'assurer de leur robustesse. Cette position a été maintenue lors de la réunion du comité des représentants permanents des Gouvernements des États membres de l'UE du 7 février 2024. Le Parlement européen a adopté le 7 février 2024 sa position sur le projet de règlement, en vue des négociations avec les États membres sur la proposition de la Commission européenne. Les négociations sont toujours en cours dans le cadre du Conseil. Un accord à la majorité qualifiée (55 % des États membres représentant au moins 65 % de la population totale de l'UE) sur le texte est nécessaire pour que des discussions puissent être engagées avec le Parlement européen. La France souhaite que les négociations puissent se poursuivre pour pouvoir adopter au plus vite un cadre réglementaire européen adapté et sécurisé qui permettra de mieux accompagner les agriculteurs dans leurs transitions.