Question orale n°145 : Débat sur l'anticipation de la fin de la trêve hivernale

16ème Législature

Question de : M. François Piquemal (Occitanie - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale)

M. François Piquemal attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement, sur l'anticipation de la fin de la trêve hivernale et ses conséquences pour les mal-logés.

Réponse en séance, et publiée le 8 février 2023

ANTICIPATION DE LA LOI PORTANT SUR LA TRÊVE HIVERNALE
Mme la présidente. La parole est à M. François Piquemal, pour exposer sa question, n°  145, relative à l'anticipation de la loi portant sur la trêve hivernale.

M. François Piquemal. Il y a quelques semaines, je me suis rendu à Nice, où j'ai rencontré Simone et Christiane. Ces sœurs jumelles de 75 ans vivaient dans un immeuble du vieux Nice depuis leur naissance. En octobre, elles ont été expulsées de ce logement par un promoteur qui a racheté l'appartement. Elles n'avaient pas de contrat de location en bonne et due forme, mais seulement un accord avec l'ancienne propriétaire : elles remplissaient des tâches de conciergerie en entretenant les parties communes de l'immeuble ; en échange, elles ne payaient pas de loyer. Comme elles n'avaient pas de contrat, le promoteur a demandé et obtenu leur expulsion. Elles se sont donc retrouvées à la porte de leur appartement, dont la serrure avait été changée, leurs affaires étant restées à l'intérieur.

Elles ont alors décidé de faire acte de résistance en allant dans la cave de l'immeuble. Depuis, elles vivent dans un box sombre, insalubre, humide, sordide.

Du fait de la proposition de loi de M. Kasbarian et Mme Bergé qui vient d'être adoptée au Sénat, Simone et Christiane seront désormais passibles de trois ans de prison ferme et de 45 000 euros d’amende. Cette proposition de loi vise en effet à permettre de condamner toutes les personnes occupantes sans droit ni titre à l'initiative des propriétaires. Dans cet exemple, une double peine s'applique : non seulement ces personnes sont victimes d'un promoteur qui n'est pas très humain, mais elles peuvent être condamnées comme voleuses et squatteuses, puisque ce sont des occupantes sans droit ni titre, à des peines de prison. Ce cas précis a été un peu médiatisé et il est symptomatique des effets délétères de la loi Kasbarian-Bergé du groupe Renaissance, qui plagie une proposition de loi de 2018 émanant du Rassemblement national et que toutes les associations ont dénoncée : la Fondation Abbé-Pierre, l'Unicef, la Défenseure des droits, et j'en passe.

Quelques semaines après, la poussière est-elle un peu retombée, le Gouvernement a-t-il retrouvé la raison ? Compte-t-il revenir sur cette proposition de loi ?

Quelles solutions proposez-vous concrètement à Simone et Christiane, ainsi qu'aux autres personnes dans une situation similaire ?

À l'approche du 31 mars et de la fin de la trêve hivernale, avec l'augmentation des prix de l'électricité, du gaz, et l'absence d'encadrement des loyers dans de nombreux territoires, que ferez-vous pour répondre à la crise du logement, de plus en plus prégnante dans le pays ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l’écologie.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l’écologie. La lutte contre le sans-abrisme nécessite d’identifier et de prévenir les ruptures pouvant conduire à la perte de son logement. La prévention des expulsions locatives constitue un des rôles du volet préventif du plan Logement d’abord. L'État déploie d'importants moyens opérationnels et financiers, notamment dans le cadre du troisième plan d'action de prévention des expulsions, qui améliore les outils de prévention et renforce les dispositifs d’accompagnement des locataires. Il a également été demandé aux préfets de maintenir au maximum les personnes dans leur logement en indemnisant les bailleurs et de proposer un relogement, ou au moins un hébergement, aux personnes qui ne peuvent être maintenues dans leur logement. Dans la continuité des instructions des 26 avril 2021 et 29 mars 2022, des consignes spécifiques seront données aux préfets pour la sortie de la trêve hivernale. Le Gouvernement souhaite également renforcer les commissions de coordination des actions de prévention des expulsions (CCAPEX) et moderniser la prévention en facilitant le recours à la dématérialisation.

Par ailleurs, le ministre chargé de la ville et du logement a déclenché un plan d’urgence pour garantir une prise en charge prioritaire des familles et enfants encore à la rue, dans des squats ou des bidonvilles, vers des logements dès que cela est possible – ou à défaut vers des solutions d’hébergement. De plus, il réunit très régulièrement les associations du secteur pour réfléchir aux voies d'amélioration.

Enfin, le Gouvernement maintient le parc d’hébergement d’urgence à un niveau historiquement haut. Cette stratégie vise à faciliter la gestion des épisodes de froid et à éviter les ruptures de parcours à la sortie de l’hiver. Il s’agit de soutenir les personnes sans abri tout au long de l’année, tout en conservant des mesures spécifiques pendant les périodes de grand froid.

Mme la présidente. La parole est à M. François Piquemal.

M. François Piquemal. Je vous remercie pour les quelques éléments de réponse que vous avez donnés, même s'ils ne répondent pas vraiment à ma question. Vous vous enorgueillissez du plan Grand froid et d'un parc d'hébergement record, mais ce record tient au fait qu'il n'y a jamais eu autant de personnes sans abri dans notre pays. Selon le dernier rapport de la Fondation Abbé-Pierre, plus de 330 000 personnes sont actuellement sans abri, contre 300 000 l'an passé. Le paradoxe est qu'il y a dans notre pays 3,1 millions de logements vacants. Pour une personne à la rue dans notre pays, il y a donc dix logements vides ! Tant que la puissance publique n'exercera pas le bon droit, c'est-à-dire la loi de réquisition sur les logements vacants depuis un certain nombre d'années ou qui mériteraient d'être réhabilités, cette situation perdurera.

Mon temps de parole est écoulé, mais j'espère qu'une solution sera trouvée pour Simone et Christiane et pour tous ceux dont les agissements risquent d'être criminalisés.

Données clés

Auteur : M. François Piquemal (Occitanie - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale)

Type de question : Question orale

Rubrique : Logement

Ministère interrogé : Ville et logement

Ministère répondant : Ville et logement

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 31 janvier 2023

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