Question au Gouvernement n° 1472 :
Concurrence sur les marchés agricoles

16e Législature

Question de : Mme Hélène Laporte
Lot-et-Garonne (2e circonscription) - Rassemblement National

Question posée en séance, et publiée le 20 décembre 2023


CONCURRENCE SUR LES MARCHÉS AGRICOLES

Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Laporte.

Mme Hélène Laporte. Monsieur le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, le Conseil européen a décidé le 14 décembre d’ouvrir les négociations en vue de l’adhésion de l’Ukraine et de la Moldavie à l’Union européenne, une perspective qui inquiète nos agriculteurs – inquiétude légitime, renforcée par votre engagement transparent.

En cas d’adhésion, l’Ukraine deviendrait la première puissance agricole de l’Union européenne, et de très loin la première bénéficiaire de la politique agricole commune (PAC) : elle recevrait, selon les prévisions, 186 milliards d'euros sur sept ans, soit le triple de ce qu'aura perçu la France entre 2021 et 2027. L’Ukraine ne joue pas selon les mêmes règles que nous : son modèle agricole est industriel et productiviste, reposant sur d’immenses exploitations et presque entièrement tourné vers l’exportation.

Il y a deux jours, interrogé sur le sujet, vous émettiez le souhait que le géant agricole ukrainien, une fois intégré à l’Union européenne, cherche à conquérir des marchés dans le monde sans entrer en concurrence avec nos producteurs. Mais qui peut croire un instant que nous serions en mesure d’éviter une telle concurrence, alors que l’Union européenne est déjà le premier marché d’export des produits alimentaires ukrainiens qui, portés par des coûts de revient dérisoires, ne font que progresser ?

Monsieur le ministre, lorsque vous êtes interpellé sur l’injustice subie par nos producteurs et la concurrence déloyale, votre réponse est malheureusement souvent la même. L’interdiction des semences de betteraves enrobées, alors que nos voisins peuvent utiliser l’acétamipride et que leurs produits se vendent en France, vous n’y pouvez rien : c’est l’Europe. La réglementation permettant l’opacité sur l’origine des mélanges de miels, malgré la crise de la filière apicole française – de nombreux courriers vous interpellent sur le sujet –, vous n’y pouvez rien : c’est l’Europe. La dégradation du nutri-score du pruneau d’Agen – sujet important pour mon département –, vous n’y pouvez rien : c’est l’Europe. Des exemples de ce type, il y en a hélas dans toutes les filières.

Votre rôle, monsieur le ministre, n'est pas d'acquiescer aux demandes de la Commission européenne. Nos agriculteurs attendent autre chose. Alors que vous avez renoncé à défendre les éleveurs français contre la suspension des droits de douane sur les produits ukrainiens, allez-vous enfin placer notre agriculture en tête de votre engagement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la députée, j'ai l'impression que vous connaissez mal l'Europe. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe RN.)

Mme Julie Lechanteux. La blague !

M. Marc Fesneau, ministre. Écoutez donc la réponse, même si elle vous gêne ! Vous ne savez manifestement pas que c'est le défaut de décisions européennes qui nous met en difficulté. S'agissant du miel, c'est parce que nous n'avons pas d'étiquetage européen que nous avons un problème. Quant au nutri-score, c'est un dispositif que nous avons créé à six, sans l'Union. Ne venez donc pas imputer à l'Europe ce qui n'est pas de son ressort : même si cela arrange votre combat et va dans le sens de votre idéologie, on ne peut pas dire n'importe quoi ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)

Mme Hélène Laporte. Répondez à ma question sur votre action !

M. Marc Fesneau, ministre. J'essaie précisément de vous répondre. Deuxième élément : j'aurais aimé que vous disiez un mot sur la solidarité qu'on doit à l'Ukraine ! La désorganisation des marchés mondiaux, ce n'est pas l'Ukraine, mais vos amis russes qui l'ont provoquée. La guerre, c'est le fait des Russes, non des Ukrainiens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.) L'inflation est causée par les Russes, non par les Ukrainiens. Nous devons donc être solidaires de ceux-ci, ce qui n'empêche pas d'être lucides, et nous le sommes dans les négociations.

Si vous connaissiez l'Europe, vous sauriez qu'un processus d'adhésion est long, et qu'un pays candidat doit satisfaire à l'acquis communautaire, c'est-à-dire suivre les mêmes règles que les pays membres.

M. Sébastien Chenu. Gardez vos leçons !

M. Marc Fesneau, ministre. Dernier élément : c'est la France, par ma voix (Rires sur les bancs du groupe RN), qui a réussi, dans le débat sur l'ouverture des marchés, à prévoir une période courte et une clause de revoyure au mois de juin. (Les rires continuent.)

M. Jean-Philippe Tanguy. Tu vas le voir, le mois de juin !

M. Sébastien Chenu. « Par ma voix »… Ça va, le melon ?

M. Marc Fesneau, ministre . Oui, par ma voix, car c'est le ministre de l'agriculture qui s'exprime sur ces sujets ; pardon de vous le dire ! On a donc pris des mesures pour éviter de déstabiliser les marchés. Je le répète cependant, la déstabilisation des marchés est imputable à vos amis russes, et vous en portez la responsabilité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

Mme Laure Lavalette. Cette réponse est une honte !

Données clés

Auteur : Mme Hélène Laporte

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture et souveraineté alimentaire

Ministère répondant : Agriculture et souveraineté alimentaire

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 décembre 2023

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