Question écrite n° 14788 :
Contrôle de la non-négociabilité de la matière première agricole par la DGCCRF

16e Législature

Question de : M. Grégoire de Fournas
Gironde (5e circonscription) - Rassemblement National

M. Grégoire de Fournas attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les dispositions de la loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite « Egalim 2 », relatives à la non-négociabilité de la matière première agricole. L'objectif de ces dispositions était de sanctuariser le prix de la matière première agricole en empêchant que la négociation commerciale porte sur celle-ci afin de permettre aux agriculteurs d'être plus justement rémunérés. L'article 4 de la loi prévoit ainsi de rendre obligatoire, dans le cadre des négociations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, la transparence sur la part des matières premières agricoles dans le volume et le tarif des produits alimentaires. La négociation ne peut porter sur la part, dans le tarif du fournisseur, correspondant au prix des matières premières agricoles. Les acheteurs doivent ainsi faire figurer ces informations dans les conditions générales de vente (CGV) : soit en indiquant, pour chacun des produits transformés, le pourcentage de chaque matière première en volume et en pourcentage du tarif ; soit en indiquant ces mêmes informations de manière agrégée pour chaque produit transformé ; soit en faisant intervenir un tiers indépendant aux frais du fournisseur pour certifier que la négociation n'a pas porté sur la part de l'évolution du tarif du fournisseur résultant du prix des matières premières agricoles. Dans les deux premiers cas, l'acheteur peut, à ses frais, demander au fournisseur de mandater un tiers indépendant pour attester l'exactitude des éléments figurant dans les CGV. Si cet article 4 tente de protéger la rémunération des agriculteurs en sanctuarisant le prix de la matière première agricole, la question des contrôles menés afin d'en faire respecter les dispositions se pose. En effet, la crise connue par la filière agricole oblige à être particulièrement attentif à l'application de ces mesures afin de permettre aux producteurs d'être plus justement rémunérés dans un contexte où l'inflation et les difficultés liées à l'escalade des normes environnementales menacent notre agriculture tout entière. M. le député rappelle que, dans le rapport d'information déposé en application de l'article 145-7 alinéa 1 du Règlement de l'Assemblée nationale par la commission des affaires économiques sur l'application de la loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs dont il a été rapporteur en juillet 2022, il avait déjà demandé que l'application de ces contrôles soit effective. Il lui demande de bien vouloir lui détailler les actions menées par la DGCCRF pour les années 2022 et 2023, ainsi que leur nombre, afin de faire respecter l'article 4 de la loi Egalim 2.

Réponse publiée le 11 juin 2024

Le fait pour un acheteur de produits agricoles de faire pratiquer à son fournisseur des prix abusivement bas est prohibé par l'article L. 442-7 du code de commerce. Le caractère abusivement bas du prix s'apprécie, en application des dispositions de cet article, au regard des indicateurs de coûts de production mentionnés aux articles L. 631-24, L. 631-24-1, L. 631-24-3 et L. 632-2-1 du code rural et de la pêche maritime ou, le cas échéant, de tous autres indicateurs disponibles dont ceux établis par l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires mentionné à l'article L. 682-1 du même code. Dans le cas d'une première cession, il est également tenu compte des indicateurs figurant dans la proposition de contrat émise par le producteur agricole. Le non-respect de ces dispositions est passible de sanctions civiles. Les services chargés de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont amenés à réaliser une enquête lorsque les signalements reçus en matière de prix abusivement bas sont suffisamment précis. Toutefois, les enquêtes menées jusqu'à présent n'ont pas permis de caractériser un non-respect des dispositions de l'article L. 442-7 du code de commerce sur les prix abusivement bas. En effet, le prix abusivement s'appréciant dans les conditions prévues par l'article susvisé, il ne peut être analysé au regard des coûts de production d'une exploitation déterminée qui s'estimerait victime d'un tel prix, mais au regard des seuls indicateurs évoqués plus haut. Or, dans la très grande majorité des cas analysés à ce jour, les prix pratiqués par les fournisseurs ne sont pas apparus abusivement bas au regard des indicateurs mentionnés à l'article susvisé ainsi que des prix du marché. Dans la mesure où, hormis dans le secteur du lait, les opérateurs restent réticents à la contractualisation écrite, il n'a par ailleurs jamais été possible d'apprécier le prix pratiqué au regard des indicateurs figurant dans la proposition de contrat émanant du producteur, de telles propositions n'existant pas. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a à cet égard annoncé plusieurs mesures d'injonction mises en œuvre par la direction générale de la concurence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et visant de premiers acheteurs de produits agricoles ayant un fort pouvoir de marché afin que l'obligation de contractualisation écrite soit mieux respectée. En outre, pour caractériser la pratique, il ne suffit pas de démontrer que la vente s'est faite à un prix qui serait abusivement bas par rapport aux indicateurs mentionnés par la législation, il est au surplus nécessaire de prouver que c'est bien l'acheteur qui a contraint son fournisseur à pratiquer ce prix, dans le cadre d'une relation commerciale déséquilibrée. En effet, la législation française n'interdit pas à un producteur ou à un transformateur de vendre à perte (cela peut même, le cas échéant s'avérer utile notamment en cas de surproduction, ou dans le cadre d'opérations dites de dégagement). Seule la revente à perte d'un produit en l'état est en effet pénalement réprimée par l'article L. 442-5 du code de commerce. Ainsi, les services chargés de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes doivent être en mesure de recueillir des éléments matériels suffisants permettant d'aboutir à la caractérisation d'un délit civil de pratique de prix abusivement bas pour que des conclusions en intervention puissent être déposées au nom du ministre, notamment dans le cadre d'une action intentée par un vendeur à l'encontre de son acheteur. En l'absence d'éléments suffisamment probants concernant la contrainte exercée par l'acheteur, les services du ministère ne sont donc pas en mesure d'intervenir sur la base des dispositions de l'article L. 442-7 du code de commerce. Au-delà de cette difficulté juridique relativement à la mise en œuvre des dispositions sur les prix abusivement bas, le secteur viticole du Médoc évoqué par le parlementaire connaît effectivement une crise structurelle due à une production supérieure à la demande, celle-ci étant en baisse depuis plusieurs années. Pour faire face à cette situation, le Gouvernement a mis en place un fonds d'urgence de 80 M€ pour soutenir nos viticulteurs qui connaissent des difficultés de trésorerie générées par de nombreux aléas. Le dispositif cadré au niveau national de façon générale a été mis en œuvre rapidement, sous la responsabilité des préfets des départements des bassins viticoles en crise. Il est d'ores et déjà déployé, avec une ouverture des demandes en préfecture dès le lundi 5 février 2024, et des premiers paiements avant le salon international de l'agriculture. Un appui structurel de l'État à hauteur de 150 M€ a également été décidé, en complément des crédits du programme national vitivinicole (OCM) pour mettre en œuvre une restructuration différée, comprenant une option d'arrachage « sans replantation » en vue d'une diversification agricole, tout en assurant la continuité des autres actions du programme national d'aide. Cela permettra aux viticulteurs qui se décideraient à se retirer de la production vitivinicole de rester dans l'activité agricole et d'investir dans d'autres productions agricoles, adaptées aux territoires et à leur climat.

Données clés

Auteur : M. Grégoire de Fournas

Type de question : Question écrite

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture et souveraineté alimentaire

Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Dates :
Question publiée le 6 février 2024
Réponse publiée le 11 juin 2024

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