Financement du projet de centre de tri à Masseube
Question de :
Mme Sylvie Ferrer
Hautes-Pyrénées (1re circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale
Mme Sylvie Ferrer attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur le projet de centre de tri à Masseube dans le Gers. Le projet d'un centre de tri de déchets secs prévu à Masseube (dans le Gers) pose de nombreuses questions d'ordres environnemental et démocratique, sans réponses claires données aux habitants et associations environnementales. Il s'agit d'un projet conséquent puisqu'il concerne un bassin de 600 000 habitants (10 % de la région Occitanie, 1 % de la population française) répartis sur 4 départements (Gers/Hautes-Pyrénées/Haute-Garonne/Ariège) et 1 200 communes pour 35 000 t de déchets secs collectés, transportés, traités puis retransportés et 30 millions d'euros d'investissements pour la construction (sans tenir compte de l'augmentation des matériaux), subventionnés seulement à hauteur de 9 % (par la région Occitanie, l'ADEME et CITEO). Pour couvrir le reste du coût, nulle autre solution que l'emprunt, dans un contexte d'augmentation des taux. Un emprunt qui risque d'entraîner mécaniquement l'augmentation de la TEOM (taxe d'enlèvement des ordures ménagères), fiscalité locale facultative de la taxe foncière. Mais au-delà de ces aspects, si ce projet interroge, c'est par sa localisation : au cœur d'un département enclavé, sur une zone agricole partiellement inondable par la rivière Gers qui la jouxte, près d'une départementale dont la DDT a déploré l'état inadapté et sans la moindre intermodalité (au contraire des centres de tri que ce projet va remplacer). Ce projet, c'est davantage de camions, plus d'empreinte carbone, moins d'emplois sur le bassin concerné et tout cela dans un contexte de désengagement de l'État (aucun financement) et d'incertitude concernant la production et le traitement du plastique. De surcroît, ce projet n'a bénéficié d'aucune concertation auprès des autorités compétentes, à savoir les intercommunalités, ceci au regard de la loi en vigueur (précisément la loi « NOTRe » depuis 2015 et ses précisions en 2020), puisqu'il a été conçu dans l'entre-soi d'un système de délégation de service public qui a pour effet de restreindre l'accès aux informations et à la prise de décisions. Ces collectivités locales devront justifier et supporter une augmentation de cette TEOM pour financer un projet conçu et porté sans elles, sans les SICTOM, dans un échafaudage institutionnel local opaque et un entre-soi préoccupant, ne serait-ce qu'au regard de la crise globale que l'on traverse et qui nécessite une gestion des déchets transparente et collective. Aussi Mme la députée en vient à sa question : des garanties financières pour la réalisation du projet doivent couvrir 91 % manquants à aujourd'hui. Tout d'abord cette part semble-elle justifiée à M. le ministre au vu des enjeux et au regard du peu d'engagements des parties prenantes que sont la région d'Occitanie, CITEO et l'ADEME couvrant à elles trois 9 % du cout initial ? Si le dossier était mis à jour avec des données complètes et actualisées, son financement par l'ADEME serait très probablement problématique. Ensuite, les emprunts bancaires prévus ne pourront être couverts que par l'augmentation de la TEOM, qui sera votée par les intercommunalités. Si celles-ci refusent de la voter ou si elles ne peuvent l'assumer, quelle sera alors l'alternative pour les porteurs du projet ? Dans ce cas-là, le service public de gestion des déchets serait gravement menacé. Il faut préciser que l'augmentation considérable du coût du tri de ces déchets passe pour le Gers de 161 euros à 240 euros la tonne de déchets traitée. Enfin, le désengagement de l'État, qui laisse ainsi les collectivités locales supporter ce problème grandissant du traitement et recyclage, est-il bien le reflet de la volonté politique du Gouvernement de faire prendre en charge par un service public local les conséquences du choix de ne pas imposer une réduction de l'ensemble de la chaîne emballages, objets et produits déchets ? Et sur la question démocratique locale : tous les ans, le président de l'EPCI compétent en matière de déchets doit obligatoirement réaliser avant le 30 juin de l'année N (année en cours) un rapport annuel sur le prix et la qualité du service public pour l'année N-1 (article D. 2224-1 du CGCT). Ce rapport doit être présenté en conseil communautaire et porté à la connaissance du public avant le 30 septembre de l'année N. Il doit également être transmis aux communes membres pour qu'il soit présenté au conseil municipal et mis à disposition du public. Il concerne les services des déchets, de l'eau et de l'assainissement. Mme la députée constate que cette obligation, qui s'inscrit dans un contexte en matière de traitement des déchets complexe et parfois dispendieux, n'est pas rendue. Les citoyens se devraient d'être informé sur la qualité du service et du prix qui forme la TEOM, dont ils constatent les augmentations inflationnistes à tort ou à raison qui grèvent leur budget. Il va de soi que ces informations réglementaires au public favoriseraient la transparence et la vie démocratique dans le pays. Il serait souhaitable de rappeler aux EPCI et aux maires leurs devoirs de respecter l'article D. 1114-1 du CGCT. Elle lui demande quelles sont les sanctions applicables pour ce type d'infraction et quelles sont les mesures que le Gouvernement souhaite prendre pour l'amélioration de la transparence et de vie démocratique en la matière.
Réponse publiée le 19 mars 2024
La réduction de la mise en décharge des déchets est une des priorités du Gouvernement. Pour ce faire, il s'appuie à la fois sur l'accroissement du nombre et du champ des filières à responsabilité élargie des producteurs, comme prévu par la loi anti-gaspillage de février 2020. La filière des emballages dispose ainsi désormais d'un nouveau cahier des charges, publié au journal officiel le 10 décembre dernier, qui renforce notablement les objectifs de la filière. Ce nouveau cahier des charges impose des objectifs en matière de réemploi des emballages et demande à ce que les éco-organismes développent des gammes d'emballages standardisés et donc plus facilement réemployables. Il fixe également un montant minimal de contribution au soutien d'actions de recherche et développement afin de favoriser l'éco-conception des emballages. Il détermine des pourcentages minimaux de réduction des déchets de bouteilles pour boissons en plastique à usage unique d'ici à 2030. Par ailleurs, les taux de soutien des actions de collecte et de tri des collectivités locales ont été notoirement revus à la hausse. Par ailleurs, l'Etat soutient fortement les investissements des collectivités locales pour la mise en place de centres de tri modernisés à travers le fonds économie circulaire doté en 2024 de 300 M€. L'Etat fait donc sa part dans la modernisation des conditions de collecte et de tri pour faciliter le recyclage des matériaux des déchets d'emballage. Pour le cas du projet de centre de tri du département du Gers, si ce projet est conforme au Plan régional de prévention et de gestion des déchets, établi, depuis la loi NOTRE, par le conseil régional, il rentre donc a priori dans la planification au niveau local des centres de tri. La modernisation des centres est une condition indispensable à la réduction de la mise en décharge, sachant que l'unique décharge du département du Gers est désormais relativement ancienne et se heurte localement à des difficultés d'acceptation de la part d'associations environnementales. Pour ce qui concerne son financement, CITEO ne finance pas seulement l'investissement, mais aussi l'amortissement, ainsi que les coûts de fonctionnement. Il en est de même des ventes des matières recyclées produites par le centre de tri. La pédagogie est certainement déterminante pour la conduite des politiques en matière de déchets, et le rapport annuel sur le prix et la qualité du service public des déchets, mentionné à l'article D 2224-1 du code général des collectivités territoriales est un outil utile pour mieux connaître les coûts des équipements nécessaires à leur gestion. Le code ne prévoit toutefois pas de sanction en cas de non-respect de cette disposition. Cependant, l'obligation de publication de ce rapport, obligation qui concerne également l'assainissement des eaux usées, est rappelée régulièrement par les services des préfectures aux élus. Enfin, même si la TEOM demeure une taxe facultative, il est à noter qu'elle est plébicitée par les collectivités locales pour financer le service public de gestion des déchets puisqu'en 2021 93,8 % des recettes fiscales finançant ce service provenaient de la TEOM.
Auteur : Mme Sylvie Ferrer
Type de question : Question écrite
Rubrique : Déchets
Ministère interrogé : Transition écologique et cohésion des territoires
Ministère répondant : Transition écologique et cohésion des territoires
Dates :
Question publiée le 13 février 2024
Réponse publiée le 19 mars 2024