Déductions fiscales et financement public de la guerre génocidaire à Gaza
Question de :
Mme Andrée Taurinya
Loire (2e circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale
Mme Andrée Taurinya alerte M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur l'existence d'un mécanisme de financement illégal de la guerre génocidaire que l'État d'Israël mène à Gaza par des fonds publics. Plus de 100 jours après le début de l'offensive, la journaliste Justine Brabant a révélé dans un récent article de Médiapart que des associations franco-israéliennes ont continué de proposer des défiscalisations de dons pour « soutenir » les soldats israéliens en leur procurant des équipements dits de confort (essentiellement de la nourriture, des couvertures et des séances de kinésithérapeutes) alors que le ministère avait déjà reconnu à l'automne que ces dispositifs étaient considérés comme illégaux (https://www.liberation.fr/checknews/pour-bercy-le-soutien-aux-soldats-de-tsahal-ne-peut-donner-lieu-a-deduction-fiscale-plusieurs-associations-dans-lillegalite-20231116_KYTEYX6AMZGVNK25ZBGXPGOVCM/?redirected=1). En effet, de telles activités ne rentrent certainement pas dans le champ d'application de l'article 200 du code général des impôts (CGI). Elles n'ont pas de caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, elles ne concourent pas à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises. Le fait de délivrer sciemment des documents, tels que des certificats, reçus, états, factures ou attestations permettant à un contribuable d'obtenir indûment une réduction d'impôt est passible d'une amende en vertu de l'article 1740 A du CGI. Pourtant, ces associations ont continué de proposer avec insistance les déductions fiscales ou de délivrer des formulaires Cerfa permettant de procéder à de telles déductions. Par exemple, l'association Libi France a récolté plus de 457 000 euros de dons depuis le mois d'octobre 2023, cette somme n'incluant pas les dons versés via la plateforme Hello Asso, ni ceux récoltés via Paypal. Pour cette seule association, le manque à gagner en matière de recettes fiscales pour l'État s'élève à près de 300 000 euros, une somme finançant indirectement les forces de défense d'Israël qui ne cessent de commettre des exactions passibles de poursuites devant la Cour pénale internationale. Le 26 janvier 2024, la Cour internationale de justice enjoignait à Israël de s'abstenir de commettre un génocide dans la bande de Gaza. Le risque génocidaire étant identifié, tous les États parties à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide - dont la France - sont tenus de faire appliquer cette ordonnance pourvue de l'autorité de la chose jugée. Ce détournement des politiques publiques en soutien au tissu associatif est alarmant. Mme la députée demande donc à M. le ministre de bien vouloir lui communiquer le coût estimé de ces opérations pour les finances publiques. Elle souhaiterait également connaître le nombre de contrôles fiscaux effectués depuis le mois de novembre 2023, c’est-à-dire depuis que le ministère a eu connaissance de ces informations, pour faire disparaître ces pratiques aussi illégales que déshonorantes, l'inertie du Gouvernement pouvant conduire à rendre la France complice des atrocités actuellement commises à Gaza.
Réponse publiée le 4 juin 2024
En vertu des dispositions des articles 200 et 238 bis du code général des impôts (CGI), ouvrent droit à une réduction d'impôt les dons et versements effectués au profit d'organismes d'intérêt général dont les activités présentent l'un des caractères éligibles limitativement énumérés par la loi, notamment social ou humanitaire. La condition tenant au caractère d'intérêt général de l'organisme implique que l'activité de ce dernier ne soit pas lucrative, que sa gestion soit désintéressée et que l'organisme ne fonctionne pas au profit d'un cercle restreint de personnes. Ces dispositions sont d'application générale. En conséquence de ce cadre juridique, l'administration fiscale s'attache à vérifier que seuls les dons et versements consentis à des organismes exerçant concrètement des activités éligibles ouvrent droit aux réductions d'impôt existantes en faveur du mécénat. À cet effet, le pouvoir de contrôle de l'administration fiscale des organismes sans but lucratif a été notablement renforcé. Ainsi, depuis le 1er janvier 2018, l'article L. 14 A du livre des procédures fiscales (LPF) lui permet de contrôler que les montants portés sur les reçus fiscaux délivrés aux particuliers par des organismes bénéficiaires de dons pour permettre aux contribuables de bénéficier des avantages fiscaux prévus aux articles 200, 238 bis, 885 0 V bis A 2 et 978 du CGI correspondent à ceux des dons et versements effectivement perçus. Plus récemment, l'article 18 de la loi n° 2021 1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a renforcé ce contrôle en étendant son périmètre. Désormais, l'administration peut contrôler que les organismes délivrant des reçus fiscaux à leurs donateurs satisfont à l'ensemble des conditions prévues aux articles 200, 238 bis et 978 du CGI requises pour bénéficier du régime fiscal du mécénat. Par ailleurs, la délivrance irrégulière et intentionnelle de reçus ouvrant droit à ces avantages fiscaux est sanctionnée par l'application d'une amende, prévue à l'article 1740 A du CGI, dont le taux est égal à celui de la réduction d'impôt ou du crédit d'impôt en cause et dont l'assiette est constituée par les sommes indûment mentionnées sur les documents délivrés au contribuable. Le secret fiscal imposé par les dispositions de l'article L. 103 du LPF fait obstacle à ce que des précisions soient données sur la situation individuelle des associations évoquées. L'article 19 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021, codifié à l'article 222 bis du CGI, impose désormais aux organismes bénéficiaires de dons de déclarer les dons au titre desquels ils ont émis des reçus fiscaux indiquant aux contribuables qu'ils sont en droit de bénéficier des réductions d'impôt prévues par le régime de faveur du mécénat. L'obligation déclarative porte sur le nombre de reçus émis au titre de la dernière année civile ou du dernier exercice ainsi que sur le montant total en euros des dons correspondants. L'administration ne dispose toutefois pas d'élément déclaratif qui permettrait d'établir des statistiques concernant les domaines d'activités des organismes concernés. S'agissant de l'organisme mentionné dans la question, les règles relatives au secret fiscal n'autorisent pas la divulgation des informations concernant le traitement individuel de son dossier. La fraude a pour effet de grever les recettes publiques nécessaires à la solidarité nationale et au financement des services publics et fausse la concurrence loyale entre les acteurs économiques. C'est pourquoi la direction générale des finances publiques continue d'adapter son action pour mieux détecter, appréhender, et sanctionner les fraudes fiscales, tout particulièrement les fraudes les plus graves, y compris lorsqu'elles s'appuient sur des montages complexes.
Auteur : Mme Andrée Taurinya
Type de question : Question écrite
Rubrique : Associations et fondations
Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Dates :
Question publiée le 20 février 2024
Réponse publiée le 4 juin 2024