Question au Gouvernement n° 1539 :
Avenir constitutionnel de la Corse

16e Législature

Question de : M. Michel Castellani
Haute-Corse (1re circonscription) - Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires

Question posée en séance, et publiée le 25 janvier 2024


AVENIR CONSTITUTIONNEL DE LA CORSE

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani. Après les émeutes qui ont succédé au drame de la prison d’Arles, le Président de la République a décidé d’ouvrir un dialogue de fond avec les élus de la Corse qui a été nommé « processus de Beauvau ». Je puis témoigner de l’engagement du ministre de l’intérieur et rendre hommage à sa volonté d’apporter une réelle réponse à la question corse.

La situation de la Corse est particulière, par sa géographie certes, mais aussi par l’existence historique d’un peuple, avec sa culture, ses traditions, la profondeur de son sentiment d’appartenance, qui a permis à tant de femmes et d’hommes de venir partager un destin commun sur cette île. Cette réalité est difficile à prendre en compte dans la structure centralisée d’un État-nation, comme il est difficile, en cette période de crise, de prendre en compte les difficultés économiques et sociales, l’acculturation ou la dépossession foncière. Or on traite mal une situation particulière avec des lois générales. L’idée n’est donc pas de se singulariser par coquetterie mais de trouver un chemin institutionnel qui permette de porter le progrès global que les Corses attendent depuis deux siècles.

Le processus de Beauvau avance péniblement, en dépit de l'engagement de la collectivité de Corse et de l’impulsion qu’a voulu lui donner le Président de la République. Je vous demande donc, monsieur le Premier ministre, quel est votre sentiment et quelle suite vous entendez donner au processus dont votre gouvernement a la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et Écolo-NUPES.)

Mme la présidente. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. Le 28 septembre 2023, à Ajaccio, à l'occasion du quatre-vingtième anniversaire de la libération de la Corse, le Président de la République a pris des engagements clairs et en cohérence avec une nouvelle approche qu’il avait eu l'occasion d'exprimer à plusieurs reprises, notamment pendant la dernière campagne présidentielle. Monsieur le député, je vous le dis de manière très claire au nom de mon gouvernement, nous tiendrons ces engagements.

D'abord, nous allons poursuivre les travaux visant à faire apparaître dans la Constitution la mention de la Corse, en affirmant au sein d'un article spécifique la reconnaissance d'une communauté insulaire historique, linguistique et culturelle. Cet engagement du Président de la République lie le Gouvernement.

Ensuite, des responsabilités nouvelles seront données à la collectivité de Corse pour tirer les leçons des insuffisances du statut actuel. Concrètement, il s'agit de pouvoir adapter les règles, et même les lois. Là encore, le Président a témoigné d’une ambition nouvelle et forte. Nous pouvons, si les élus de Corse le décident, bâtir une forme d'autonomie à la Corse, c'est-à-dire une autonomie pour l'île et dans la République. Le dialogue a commencé – je prends connaissance des positions des uns et des autres – et se poursuivra.

Enfin, nous devons avancer ensemble autour de bien d'autres sujets : mieux enseigner le corse ; créer un service public de l'enseignement qui favorise le bilinguisme – dans mes précédentes fonctions de ministre de l'éducation nationale, j'ai eu l'occasion de travailler sur cette question, notamment avec le recteur, qui est très dynamique à propos de l'enseignement public du corse ;…

M. Patrick Hetzel. Il faudrait faire pareil pour l'Alsace, monsieur le Premier ministre !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . …relever le défi immobilier sur l'île ; créer une métropole pour Ajaccio ; renforcer la chambre des territoires ; revoir le mode de scrutin pour les élections territoriales, etc. Toutes ces pistes sont discutées par les formations politiques insulaires et doivent être approfondies dans une logique de consensus.

Maintenant, comment avancer ? Le Président de la République a invité les responsables politiques corses à consolider un accord dans les six mois. Dans cet état d'esprit, le ministre de l'intérieur se rendra en Corse début février pour faire un point d'étape et recueillir la contribution de l'ensemble des acteurs. Sur cette base, le Gouvernement poursuivra ses travaux en vue de proposer au Parlement les textes constitutionnels et organiques nécessaires. Comme le Président de la République l'a rappelé, il nous faut bâtir un nouveau modèle qui soit pleinement corse. Ce modèle doit être celui de la Corse dans la République et celui d'une autonomie qui permette de construire un avenir ensemble, avec l'engagement de l'État. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et LIOT.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani. Je prends acte avec plaisir de l'intervention importante du Premier ministre. Nous espérons tous que le processus de Beauvau constituera une étape dans l’histoire de la Corse contemporaine. Il serait également important que Bastia, ville que le Premier ministre n'a pas évoquée et qui a été totalement ignorée en raison d'un centralisme régional exacerbé, trouve enfin la place qui doit lui revenir dans la vie politique et institutionnelle de la Corse. J'espère que le Premier ministre s'emploiera à corriger ce déséquilibre dommageable. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)

Données clés

Auteur : M. Michel Castellani

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Patrimoine culturel

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 janvier 2024

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