16ème législature

Question N° 15682
de M. Florian Chauche (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Territoire de Belfort )
Question écrite
Ministère interrogé > Travail, santé et solidarités
Ministère attributaire > Personnes âgées et personnes handicapées

Rubrique > personnes handicapées

Titre > Salaires des travailleuses et travailleurs en ESAT

Question publiée au JO le : 27/02/2024 page : 1385
Réponse publiée au JO le : 23/04/2024 page : 3332
Date de changement d'attribution: 05/03/2024

Texte de la question

M. Florian Chauche alerte Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités sur la situation des travailleurs en ESAT. L'Assemblée nationale a voté le 3 octobre 2023 de nouveaux droits pour ces travailleurs, comme le droit d'adhérer à un syndicat et le droit de grève, ainsi que la prise en charge par l'employeur des frais de transport vers le lieu de travail, le bénéfice des titres-restaurants et des chèques-vacances ou encore d'une complémentaire santé. C'est une avancée importante alors que l'accès à l'emploi relève encore du parcours du combattant, notamment pour les personnes en situation de handicap psychique, qui ne sont que 19 % à être en emploi (enquête Unafam, 2016) pour 38 % de travailleurs handicapés. Avancée qui, cependant, se fait à budget constant pour des établissements, les ESAT, qui risquent d'être très fragilisés économiquement : il faut rappeler qu'en 2022, 27 % des ESAT étaient déjà déficitaires, avant la mise en œuvre des mesures de la loi pour le plein emploi et possible évolution du système de rémunération. De plus, malgré ces avancées subsistent encore des discriminations ou difficultés auxquelles sont confrontés ces travailleurs. Car ils bénéficient certes d'un « accompagnement renforcé » mais ne disposent pas de tous les droits ouverts aux salariés par le code du travail et restent encore bien souvent en situation de précarité : ils gagnent cinq euros de l'heure, ne cotisent pas pour l'assurance-chômage et, s'ils cotisent pour la retraite, le montant est tel que nombreux sont ceux qui, ayant pourtant travaillé toute leur vie, doivent se contenter du minimum vieillesse une fois à la retraite. Enfin, ils ne peuvent prétendre à aucune augmentation de salaire puisque le montant de leur allocation adulte handicapé (AAH) baisse automatiquement en cas de revalorisation de leur rémunération. Pis encore, toute augmentation de la rémunération directe au-delà de 20 % au-dessus du Smic entraîne automatiquement une réduction de l'aide au poste de l'État. Aucune progression de carrière n'est donc possible dans ces conditions. Pourquoi ne pas privilégier la rémunération sur l'AAH et décorréler le salaire des prestations perçues ? Il lui demande donc si elle prévoit de faire évoluer la rémunération des travailleurs d'ESAT tout en accompagnant ces établissements pour leur permettre d'assumer ces évolutions successives et ainsi, davantage valoriser les travailleurs handicapés.

Texte de la réponse

Le plan de transformation des Etablissements et services d'accompagnement par le travail (ESAT) impulsé en 2021 par les pouvoirs publics en concertation avec les représentants du secteur vise à créer les conditions d'une dynamique de parcours au bénéfice des personnes en situation de handicap orientées et accueillies en ESAT et à renforcer les droits sociaux de ces travailleurs. La mise en œuvre du plan a donné lieu depuis 2022 à l'adoption de plusieurs dispositions législatives et réglementaires, à savoir : - la loi 3DS du 21 février 2022 et les décrets des 13 et 22 décembre 2022 modifiant le Code de l'action sociale et des familles (CASF) ainsi que le code du travail et consistant notamment à permettre aux travailleurs d'exercer simultanément une activité à temps partiel en milieu protégé et une activité salariée à temps partiel, à leur ouvrir de nouveaux droits individuels et collectifs et à faire bénéficier les travailleurs sortant d'ESAT d'un parcours renforcé en emploi ; - l'article 1er de la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, qui ouvre la possibilité aux ESAT de faire bénéficier leurs travailleurs d'une prime de partage de la valeur avec une exonération associée ; - l'article 14 de la loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi dont l'objectif est de permettre aux 120 000 travailleurs handicapés accompagnés par environ 1 400 ESAT de bénéficier de l'essentiel des droits individuels et collectifs des salariés tout en restant usagers d'une structure médico-sociale et titulaires d'un contrat qui n'a pas la nature d'un contrat de travail et qui leur offre en réalité une protection renforcée puisque l'ESAT ne peut exercer de pouvoir disciplinaire à leur encontre ou les licencier. Le renvoi aux articles du code du travail permettra d'assurer une évolution parallèle des droits, sans qu'il soit besoin de repasser par un décret. Sur un strict plan juridique, ces dispositions s'inscrivent dans le cadre de l'application de la convention de l'Organisation des Nations unies sur les droits des personnes handicapées et contribuent également à la mise en œuvre du droit de l'Union européenne ainsi qu'à la prise en compte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne sur les personnes handicapées accueillies en ESAT. La Charte des droits fondamentaux du 18 décembre 2000, annexée depuis décembre 2009 au Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), comporte notamment plusieurs articles (27 à 35) constitutifs de droits sociaux fondamentaux pour l'ensemble des travailleurs de l'Union européenne, dont le droit à l'information et à la consultation ainsi que le droit de négociation et d'actions collectives ou bien encore le droit à congés pour concilier vie familiale et vie professionnelle et le droit d'accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux. Par ailleurs, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), dans une décision du 26 mars 2015 (arrêt Fenoll), a jugé que les personnes exerçant une activité professionnelle en ESAT étaient des travailleurs au sens du droit de l'Union européenne, catégorie juridique plus large que celle de salarié en droit national, couvrant également les stagiaires qui sont régis par un contrat de stage et non un contrat de travail. Les nouveaux droits reconnus aux travailleurs d'ESAT par l'article 14 précité de la loi du 18 décembre 2023 couvrent un large champ : - l'inscription de « droits collectifs fondamentaux » dans le CASF : le droit syndical et le droit de grève, le droit d'alerte et de retrait ainsi que le droit d'expression directe et collective ; - le renforcement de l'association aux travaux du comité social et économique de l'ESAT de représentants de l'instance mixte usagers-salariés spécifique aux ESAT ; - la prise en charge des frais de transports domicile-travail ; - l'extension du bénéfice des titres-restaurant et des chèques-vacances ; - le bénéfice d'une complémentaire santé. Ces nouveaux droits sont en vigueur depuis le 1er janvier 2024, à l'exception de la prise en charge des frais de transport domicile-travail, du bénéfice des titres-restaurant et des chèques vacances ainsi que de la complémentaire santé, dont l'entrée en vigueur est fixée au 1er juillet 2024. Par ailleurs, les modalités de mise en œuvre de certains des droits prévus par l'article 14 devront être précisées par décret, en particulier pour ce qui concerne la participation de représentants de l'instance spécifique aux réunions du comité social et économique de l'établissement ou du service et la complémentaire santé. L'inspection générale des affaires sociales et l'inspection générale des finances se sont vues confier une mission d'évaluation des impacts de ces nouveaux droits individuels et collectifs pour le secteur du travail protégé, et les effets d'une augmentation de la part de rémunération financée par l'ESAT. Les résultats de cette mission conduisent à ne pas retenir le passage de la rémunération obligatoire des ESAT de 5 à 15% du salaire minimum interprofessionnel de croissance au regard de la fragilisation économique qu'elle engendrerait pour les structures. Le Gouvernement porte une attention particulière à ce que ces nouveaux droits ne mettent pas en difficulté les ESAT et leurs missions d'accompagnement. Il est essentiel que les ESAT continuent de contribuer à l'autonomie et à l'inclusion sociale et professionnelle des travailleurs handicapés les plus éloignés de l'emploi, et de leur offrir des opportunités d'évolutions de parcours et de statut, via une employabilité et des compétences et qualifications accrues. Pour cela, ils doivent continuer à se transformer, dans la poursuite des travaux engagés depuis plusieurs années. La modernisation de leur outil de production, les partenariats avec le milieu ordinaire, le développement d'activités pérennes, vont dans le sens à la fois d'un meilleur accompagnement des travailleurs et d'une plus grande adaptation des ESAT à la vie économique.