Etiquetage des fromages fermiers
Question de :
Mme Delphine Lingemann
Puy-de-Dôme (4e circonscription) - Démocrate (MoDem et Indépendants)
Mme Delphine Lingemann attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur un projet de décret notifié par la France auprès de la Commission européenne le 20 décembre 2023 (notification 2023/0739/FR) relatif à l'étiquetage des fromages fermiers, en particulier les fromages fermiers affinés en dehors de la ferme interrogent de nombreux producteurs de fromages. C'est le cas des producteurs de la filière de Saint-Nectaire qui pourraient, avec ces nouvelles règles, avoir des conséquences néfastes économiquement. En effet, en tant que première filière fermière française, avec plus de 8 000 tonnes de Saint-Nectaire fermier fabriquées au sein des 210 exploitations fermières de la zone d'appellation, l'AOP Saint-Nectaire est particulièrement concernée par les modalités d'étiquetage des fromages fermiers. Actuellement et historiquement, 80 % des volumes de Saint-Nectaire fermier sont affinés en dehors de la ferme par des affineurs spécialisés habilités en AOP Saint-Nectaire, qui assurent la mise en marché et le rayonnement de l'appellation Saint-Nectaire au niveau national. Les volumes de fromages AOP fermiers représentent des tonnages significatifs en Saint-Nectaire, reblochons mais aussi Salers, Munster, fromages de chèvre, Abondance parmi lesquels entre 75 % et 80 % de la production sont affinés en dehors de la ferme. Les diverses organisations professionnelles de ces filières sont attachées à l'information juste et loyale du consommateur et suivent l'objectif, fixé dans la loi n° 2020-699 du 10 juin 2020 relative à la transparence de l'information sur les produits agricoles et alimentaires, d'informer le consommateur sur l'affinage des fromages fermiers lorsqu'il a lieu en dehors de la ferme. Cependant, les modalités de mise en œuvre de cette information telles qu'elles sont présentées aujourd'hui posent des problèmes opérationnels importants et sont de nature, si elles devaient être adoptées en l'état, à fortement fragiliser économiquement ces filières. Deux points majeurs interpellent les professionnels. Tout d'abord, l'application de ces dispositions aux produits vendus à la coupe avec pour obligation un étiquetage complet systématique sur support rigide pour chaque article vendu. Cette disposition semble inapplicable et pourrait entraîner la fin de la commercialisation sous cette forme de ces produits au sein des points de vente. Cette obligation va au-delà de l'intention initiale du législateur. Ensuite, le libellé de la mention complémentaire « affiné en dehors de la ferme par la fromagerie X » est plus dévalorisant pour le produit que celui actuel « fabriqué à la ferme, puis affiné par X » alors que le message reste identique. La taille de police imposée pour cette mention est quasiment aussi importante que celle de la mention « fermier » et sans aucune souplesse sur la présentation de l'étiquette. Mme la députée tient à rappeler l'importance du partenariat entre producteurs et affineurs dont la collaboration fait l'objet de contrôles par des organismes certificateurs et encadrés systématiquement par des cahiers des charges. Elle souhaite connaître la position du Gouvernement sur cette problématique d'étiquetage afin de ne pas fragiliser la filière de producteurs de fromages fermiers.
Réponse publiée le 28 mai 2024
Le décret n° 2007-628 du 27 avril 2007 relatif aux fromages et spécialités fromagères comporte, à l'article 9-1, une disposition indiquant que « La dénomination "fromage fermier" ou tout autre qualificatif laissant entendre une origine fermière est réservée à un fromage fabriqué selon les techniques traditionnelles par un producteur agricole ne traitant que les laits de sa propre exploitation sur le lieu même de celle-ci ». Il est toutefois admis, sous certaines conditions, que l'affinage d'un fromage fermier puisse être réalisé hors de l'exploitation, par un affineur, sans pour autant que cela remette en cause le caractère « fermier » du fromage. Afin que le consommateur puisse avoir connaissance de cette pratique au moment de son acte d'achat, l'article 6 de la loi n° 2020-699 du 10 juin 2020 relative à la transparence de l'information sur les produits agricoles et alimentaires a modifié l'article du code rural et de la pêche maritime relatif à l'utilisation de la dénomination « fermier » pour des fromages affinés en dehors de l'exploitation. Cette nouvelle disposition prévoit, que pour les fromages fermiers, lorsque le processus d'affinage est effectué en dehors de l'exploitation en conformité avec les usages traditionnels, l'information du consommateur doit être assurée selon des modalités fixées par décret. Un projet de décret a été élaboré par les services du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, après consultations des différentes filières concernées, avec les représentants desquelles les services des deux ministères chargés de cette question ont des échanges fréquents. Le projet de décret a été notifié à la Commission européenne le 20 décembre 2023 au titre de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des règlementations techniques et des règles relatives aux services de la société d'information. La Commission a transmis aux autorités françaises un avis circonstancié sur ce projet de décret fin mars 2024. Les ministères concernés, qui connaissent l'importance de la dénomination « fromage fermier » pour les filières laitières, travaillent suite à cet avis sur une version révisée du décret, avec le double objectif d'adopter une approche équilibrée et pragmatique, et de respecter les exigences du droit de l'Union européenne.
Auteur : Mme Delphine Lingemann
Type de question : Question écrite
Rubrique : Agroalimentaire
Ministère interrogé : Agriculture et souveraineté alimentaire
Ministère répondant : Agriculture et souveraineté alimentaire
Dates :
Question publiée le 12 mars 2024
Réponse publiée le 28 mai 2024