Rubrique > enseignement secondaire
Titre > Conséquences de la réforme « choc des savoirs »
M. Arnaud Le Gall interroge et alerte Mme la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, sur les conséquences de la mise en place de la réforme « choc des savoirs » annoncée par Gabriel Attal, alors ministre de l'éducation nationale, le 5 décembre 2023. Cette réforme décidée sans concertation instaure des groupes de niveaux en français et mathématiques pour les élèves de 6e et 5e dès la rentrée 2024. Elle est massivement rejetée par l'ensemble des personnels éducatifs et des parents d'élèves. Les motions contre cette réforme et les votes s'opposant aux tableaux de répartition des moyens se multiplient dans les conseils d'administration des établissements du Val-d'Oise et partout en France. Si tous les acteurs de l'éducation s'accordent sur la nécessité d'élever le niveau de l'école, la réponse apportée par le Gouvernement est à l'opposé des attentes et des besoins des personnels de terrain. En juillet et novembre 2023, M. le député alertait déjà, comme de nombreux parlementaires, via deux questions écrites, restées sans réponse : la survie de l'école publique suppose avant tout de revaloriser le métier d'enseignant pour lutter contre la pénurie de recrutements, de permettre à chaque élève d'avoir face à lui un enseignant formé et de réduire les effectifs par classe pour permettre un meilleur accompagnement des élèves (il faut rappeler que, d'après les statistiques du ministère de l'éducation nationale, la France a les classes les plus chargées d'Europe). Or la réforme « choc des savoirs » annoncée par Gabriel Attal ne répond à aucun de ces besoins. Pire, elle viendra accentuer les inégalités sociales, stigmatisera des enfants dès la 6e en abaissant leur estime de soi et désorganisera le fonctionnement des établissements. Les groupes de niveaux en français et mathématiques n'auront pour effet que de rompre la dynamique d'entraide en groupe-classe. Outre qu'elle permet d'augmenter collectivement le niveau, l'entraide en classe permet aussi aux élèves de développer des valeurs républicaines telles que la fraternité, l'acceptation des différences, la tolérance et la bienveillance. C'est la fin du collège unique et une nouvelle rupture d'égalité qu'annonce la mise en place de cette réforme. De plus, toutes les études scientifiques sur le sujet s'accordent sur le fait que les regroupements permanents, tels que les groupes de niveau, sont inefficaces et ne permettent pas une progression réelle. À l'inverse, les groupes flexibles et transitoires, les ateliers, les groupes de besoin au sein de la classe, l'apprentissage en petits groupes, la co-animation ou encore le tutorat donnent des résultats encourageants. Cette approche souple doit s'inscrire dans une réflexion menée par les équipes pédagogiques et être adaptée aux besoins de chaque établissement, variables d'un établissement à un autre, y compris au sein d'une même commune. Au contraire, la mise en place des groupes de niveau contraindra les enseignants à une pratique pédagogique figée et indifférenciée. Les moyens humains et financiers déployés ne sont même pas suffisants pour mettre en place cette réforme : quand certains établissements réussissent à obtenir des moyens supplémentaires, encore insuffisants, d'autres voient leurs dotations horaires globales (DHG) baisser drastiquement comme le collège Stendhal de Fosses, dans la circonscription de M. le député, dont la DHG 2024 diminue de 48 heures, passant de 911 heures en 2023 à 873 heures en 2024. Cette réforme « choc des savoirs » se fait donc au détriment de projets et aménagements mis en place par les établissements, qui se voient contraints de supprimer de nombreux dispositifs d'accompagnement, notamment pour aider les élèves en difficulté. Par exemple, le collège Stendhal de Fosses fermera sa classe relais à la rentrée 2024. Enfin, la mise en place de cette réforme entraînera une nette dégradation des conditions de travail pour l'ensemble des personnels : fin de l'interdisciplinarité du français et des mathématiques avec d'autres disciplines, fin de la liberté pédagogique, impossibilité pour les enseignants de français et de mathématiques d'être professeurs principaux en 6e et en 5e, emplois du temps contraints. M. le député demande donc à Mme la ministre si elle va tenir compte des remontées des personnels éducatifs et de direction, des parents d'élèves et des syndicats, qui s'opposent unanimement à la mise en place des groupes de niveau. Envisage-t-elle d'ajourner la mise en œuvre de cette réforme pour lancer une véritable concertation avec les acteurs de l'éducation, afin de construire une école qui répondrait aux besoins exprimés de longue date et permettrait une véritable élévation du niveau des élèves : revalorisation des salaires, réduction des effectifs par classe, attractivité du métier, reconnaissance du statut des AESH et amélioration de l'accompagnement des élèves en situation de handicap ? Par ailleurs, s'il persiste dans la mise en place de cette réforme, il lui demande comment le ministère compte répondre aux besoins supplémentaires induits en enseignants en français et en mathématiques, alors même que la profession subit une grave crise des recrutements, que tous les postes mis aux concours ne sont pas pourvus et que le manque de remplaçants en cas d'absence est massif.