Question écrite n° 16096 :
Surpopulation carcérale et conditions de vie dans les maisons d'arrêt françaises

16e Législature

Question de : M. Jérôme Guedj
Essonne (6e circonscription) - Socialistes et apparentés

M. Jérôme Guedj alerte M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la surpopulation carcérale dans le pays. Dans un arrêté du 6 juillet 2023, la Cour européenne des droits de l'Homme a de nouveau condamné la France, en lui imposant de prendre des mesures concrètes et fortes pour remédier immédiatement à la suroccupation des maisons d'arrêt ainsi qu'aux conditions indignes qui en sont la conséquence. Pourtant, l'année 2023 s'est achevée avec un record tristement historique : 75 677 personnes étaient incarcérées au 1er décembre 2023, un nombre qui contraint près de 2 500 détenus à dormir sur des matelas posés à même le sol de leurs cellules. Cette surpopulation se concentre principalement dans les maisons d'arrêts, qui accueillent les personnes en attente de jugement et celles condamnées à des peines courtes. Bien que la détention provisoire ne doive être utilisée qu'en dernier recours, fin 2023, 19 755 personnes étaient détenues sous le statut de prévenus alors qu'ils étaient 18 779 au 31 décembre 2022. Ces incarcérations massives, au titre de la détention provisoire, contribuent largement à la surpopulation carcérale. La dissolution de la commission de suivi de la détention provisoire, le 7 décembre 2020, qui devait en évaluer le plus finement possible les ressorts, ne contribue pas à la résolution de ce problème. Dans le même sens, la comparution à délai différé, introduite par la loi du 19 mars 2019, qui autorise le procureur à incarcérer une personne jusqu'à son jugement pour une durée qui peut atteindre deux mois a connu une croissance spectaculaire, avec une augmentation de 38 % en un an et atteignant 4 200 placements en détention provisoire dans ce cadre, en 2021. Au vu de ces éléments, il l'interroge sur les actions que le Gouvernement compte mettre en œuvre pour réduire la surpopulation carcérale et, plus largement, améliorer les conditions de détentions des prisons françaises.

Réponse publiée le 14 mai 2024

Le ministère de la Justice poursuit son engagement afin d'assurer l'effectivité de la réponse pénale, améliorer les conditions de travail des personnels pénitentiaires et améliorer les conditions de détention. L'ambitieux programme immobilier de livraison de 15 000 places supplémentaires de prison, souhaité par le président de la République, doit permettre d'atteindre un taux d'encellulement individuel de 80 % sur la totalité des établissements du parc dès 2027. Les établissements sont implantés dans les territoires qui connaissent les taux de surpopulation les plus importants, à savoir principalement dans les grandes agglomérations. Au total, près de la moitié des établissements seront opérationnels en 2024, sur les 50 que compte le plan 15 000. Ce programme se caractérise par une typologie diversifiée des établissements pénitentiaires pour mieux adapter les régimes de détention au profil des personnes détenues selon leur parcours, leur peine et leur projet de réinsertion : des maisons d'arrêt sécurisées et à sûreté adaptée, mais également des structures d'accompagnement vers la sortie (SAS). Ces établissements ont vocation à accueillir des personnes condamnées dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à deux ans et proposent un régime de détention adapté, orienté autour de la responsabilisation de la personne détenue afin de préparer efficacement son retour à la vie libre et d'éviter la réitération de son comportement délinquant. Enfin, trois établissements tournés vers le travail dénommés InSERRE (Innover par des structures expérimentales de responsabilisation et de réinsertion par l'emploi) seront également livrés. Outre la création de nouvelles places, les récentes évolutions législatives sont intervenues afin de favoriser, pour les infractions de faible gravité, le recours aux alternatives à l'incarcération. Elles permettent également de prévenir la récidive et de favoriser la réinsertion des personnes placées sous main de justice. En effet, la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a permis de renforcer le sens et l'efficacité des peines prononcées en limitant le recours aux courtes peines d'incarcération, en favorisant les aménagements de peine ab initio pour les peines inférieures ou égales à un an et en prohibant les peines d'emprisonnement inférieures à un mois. Plus encore, la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire est venue réaffirmer le principe selon lequel la détention provisoire doit demeurer exceptionnelle. Ses dispositions visent à favoriser le recours à l'assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE). A cet égard, le recours à cette mesure a augmenté de manière sensible : 309 mesures en janvier 2020 et 446 en janvier 2022. La loi du 22 décembre 2021 introduit également une mesure de libération sous contrainte de plein droit, dans le but d'éviter les sorties sèches et prévenir la récidive. Il est à noter qu'au 1er décembre 2023, 18 334 personnes écrouées ont bénéficié d'une mesure d'aménagement de peine. Depuis l'été 2022, les directeurs centraux de l'administration pénitentiaire, des affaires criminelles et des grâces ainsi que des services judiciaires ont rencontré l'ensemble des chefs de cour et de juridictions au sein des directions interrégionales afin d'échanger sur la problématique de la surpopulation carcérale et d'identifier les leviers existants. Aussi, la direction de l'administration pénitentiaire, particulièrement vigilante à la régulation des effectifs des établissements les plus suroccupés, mène une politique volontariste d'orientation des personnes détenues vers les établissements pour peine, y compris à faible reliquat de peine. Les actions de pilotage mises en œuvre permettent un suivi en temps réel des besoins et capacités d'accueil des établissements pénitentiaires. Cette politique a donné des résultats significatifs puisque, si au 1er juin 2020, le taux d'occupation des quartiers centre de détention (QCD) et des centres de détention (CD) était de 84,1 %, au 1er décembre 2023, il était de 96,9 %. 

Données clés

Auteur : M. Jérôme Guedj

Type de question : Question écrite

Rubrique : Lieux de privation de liberté

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 12 mars 2024
Réponse publiée le 14 mai 2024

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