16ème législature

Question N° 1613
de M. Loïc Prud'homme (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Gironde )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture et souveraineté alimentaire
Ministère attributaire > Agriculture et souveraineté alimentaire

Rubrique > produits dangereux

Titre > Réglementation de la teneur en cadmium des engrais phosphatés

Question publiée au JO le : 27/09/2022 page : 4173
Réponse publiée au JO le : 20/06/2023 page : 5547

Texte de la question

M. Loïc Prud'homme interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur le non-respect des recommandations de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) relatives aux teneurs en cadmium dans les engrais phosphatés. Le cadmium est un élément trace métallique reconnu cancérogène, mutagène et toxique pour la reproduction. Lors d'une exposition prolongée il est notamment la cause chez l'homme d'atteinte tubulaire rénale et de pathologies osseuses. La population française présente une exposition au cadmium très inquiétante. En effet, selon une enquête de Santé publique France en 2021, près de la moitié de la population adulte française montre une cadmiurie supérieure à la concentration critique de cadmium urinaire. Exceptée la contamination liée au tabac, la source principale d'exposition de la population générale au cadmium est l'alimentation. Cette exposition par voie alimentaire est d'autant plus préoccupante qu'elle dépasse la valeur toxicologique de référence pour 15 % des enfants et 0,6 % des adultes (EAT2 ; Anses, 2011). Face à ce constat, il apparaît urgent d'agir sur les sources de cadmium dans l'alimentation et par extension dans les sols agricoles. Il apparaît alors clairement que la réglementation de la teneur en cadmium des engrais minéraux phosphatés constitue un levier d'action puissant puisqu'ils représentent près de la moitié des apports de cadmium sur les sols agricoles français (Rapport ADEME-SOGREAH ; 2007). L'ANSES dans son avis 2015-SA-040 du 17 juin 2019 considère que seul un abaissement de la teneur maximale en cadmium dans les engrais phosphatés à 20 mg Cd. kg P2O5 -1, contre 60 mg Cd. kg P2O5 -1 actuellement, permettrait de garantir à moyen ou long terme des concentrations en cadmium dans les produits alimentaires inférieures à la valeur toxicologique de référence. Il lui demande de lui indiquer les mesures envisagées par le Gouvernement dans le sens de cette recommandation de l'ANSES pour garantir une alimentation saine aux consommateurs français et limiter la contamination des sols agricoles.

Texte de la réponse

Le cadmium (Cd) est un élément trace métallique présent à l'état naturel dans la croûte terrestre, que l'on retrouve dans les différents compartiments de l'environnement. Il entre ainsi dans la chaîne alimentaire et présente un caractère préoccupant pour la santé du fait de ses caractères bioaccumulable et toxique. La nécessité de diminuer l'exposition de la population au Cd est un objectif partagé par la communauté scientifique. Cette exposition résulte notamment de la consommation de denrées alimentaires provenant de sols contaminés, principalement par la fertilisation. Pour cette raison, la réglementation a fixé de longue date des teneurs maximales pour les matières fertilisantes mises sur le marché ou épandues. En 2015, il a cependant été demandé à l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) de réaliser une vaste étude sur le sujet afin d'actualiser les connaissances (saisine 2015-SA-0140), et notamment de proposer des niveaux en Cd dans les matières fertilisantes et supports de culture permettant de maîtriser la pollution des sols agricoles et la contamination des productions végétales. En réponse, l'Anses a recommandé de limiter le flux annuel d'apport en Cd à 2 grammes par hectare et par an, tous fertilisants confondus. L'Anses a également indiqué qu'une teneur en Cd égale ou inférieure à 20 milligrammes par kilogramme de P2O5 dans les engrais minéraux phosphatés permettrait de ne pas dépasser ce flux annuel compte tenu des quantités d'engrais habituellement apportées. La réglementation nationale sur la qualité agronomique et l'innocuité des fertilisants est en cours de révision. Afin de maîtriser les apports en Cd, elle agira sur deux leviers, qui sont d'une part la limitation des teneurs maximales en Cd des différentes matières fertilisantes et d'autre part le plafonnement des flux d'apports sur les parcelles fertilisées. Cette réglementation sera adoptée en application de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (dite loi AGEC) et de l'ordonnance n° 2020-920 du 29 juillet 2020 relative à la prévention et à la gestion des déchets. Cette dernière prévoit ainsi qu'un décret fixe les critères de qualité agronomique et d'innocuité selon les conditions d'usage pour les matières fertilisantes et les supports de culture, afin de s'assurer que leur mise sur le marché et leur utilisation ne porte pas atteinte à la santé publique, à la santé animale et à l'environnement. Les travaux sont en cours et ont déjà donné lieu à l'avis de l'Anses 2020-SA-0146 publié en mars 2021 et à plusieurs consultations des parties prenantes. Conformément aux recommandations de l'Anses, il est envisagé de baisser significativement les valeurs limites actuelles en Cd dans les fertilisants et les apports fertilisants. Le projet de réglementation fera l'objet très prochainement d'une consultation du public ainsi que d'une notification à la Commission européenne au titre des règles techniques. Il devra également être présenté pour avis du conseil national d'évaluation des normes, au comité national de l'eau et du conseil supérieur de la prévention des risques technologiques. Son entrée en vigueur est prévue pour 2024.