16ème législature

Question N° 1646
de M. Pierre-Henri Dumont (Les Républicains - Pas-de-Calais )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Agriculture et souveraineté alimentaire (Ministre déléguée)
Ministère attributaire > Agriculture et souveraineté alimentaire (Ministre déléguée)

Rubrique > agriculture

Titre > Interdiction de la benfluraline

Question publiée au JO le : 07/03/2024
Réponse publiée au JO le : 07/03/2024 page : 1567

Texte de la question

Texte de la réponse

INTERDICTION DE LA BENFLURALINE


Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Henri Dumont.

M. Pierre-Henri Dumont. Monsieur le Premier ministre, les portes du Salon de l'agriculture viennent à peine de se refermer et déjà vous trahissez vos engagements, trahissez les agriculteurs, trahissez la ferme France.

« Pas d'interdiction sans solution » : telle était votre devise sur les barrages d'agriculteurs ou dans les allées du salon. Pourtant, vous vous apprêtez à sacrifier les filières endives et chicorée, représentant 7 000 emplois, en particulier dans les Hauts-de-France, et près de 300 millions d'euros de chiffre d'affaires.

Ces deux filières emblématiques de notre patrimoine vont subir l'interdiction au niveau européen de la benfluraline, seule molécule efficace pour lutter contre les chénopodes, rendant le désherbage impossible autrement que par une explosion des coûts de main-d'œuvre et privant ainsi ces deux filières de toute compétitivité.

M. Jean-Yves Bony. Eh oui !

M. Pierre-Henri Dumont. Ne nous y trompons pas : si l'Union européenne a interdit cette molécule utilisée depuis environ un demi-siècle, c'est bien parce que la France ne s'y est pas opposée lors du Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l’alimentation animale – Scopaff – de décembre 2022, préférant une honteuse abstention à la préservation de notre souveraineté alimentaire.

M. Maxime Minot. C'est toujours pareil !

M. Pierre-Henri Dumont. Si nos voisins belges et néerlandais pourront continuer à produire, c'est parce qu'ils ont demandé, et obtenu, une dérogation d'utilisation de cette molécule – ce que la France, c'est-à-dire votre gouvernement, se refuse à demander à son tour, créant ainsi les conditions d'une concurrence déloyale.

M. Maxime Minot. Eh oui !

M. Pierre-Henri Dumont. Les filières endive et chicorée ne survivront pas à cette interdiction. Vous préparez un plan social de 7 000 personnes, touchant les producteurs, les sécheurs, les torréfacteurs et leurs familles, mais aussi les collectivités locales rurales où sont implantées les usines. En refusant d'agir, vous incitez à importer des produits étrangers ne respectant pas nos normes, par exemple des cossettes de chicorée issues d'Inde.

Ma question est donc simple : allez-vous, à l'instar des autres pays producteurs européens, demander une dérogation d'utilisation de la benfluraline…

M. Maxime Minot et M. Pierre Vatin . Il serait temps !

M. Pierre-Henri Dumont. …en attendant de trouver, comme vous vous y étiez engagé, une solution alternative à la molécule, solution qui devra être accompagnée par la création d'un fonds de soutien financier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'agriculture et à la souveraineté alimentaire.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée à l'agriculture et à la souveraineté alimentaire. Oui, les producteurs d'endives et de chicorées sont confrontés à une potentielle impasse technique pour le désherbage à la suite du retrait de la benfluraline au niveau européen.

Vous le savez, le Gouvernement soutient pleinement les endiviers. Il est à l'œuvre pour leur apporter des solutions concrètes, d'abord parce que la filière est une fierté française : 95 % de la production vient des Hauts-de-France, nous sommes le leader mondial dans ce secteur. Je suis aux côtés des endiviers de cette région – vous le savez car nous avons en commun ce territoire.

M. Jean-Pierre Vigier. La réponse !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée . En revanche, personne n'ignore, malheureusement, que les résultats des analyses sur les risques écotoxicologiques de cette molécule sont très clairs : il existe une forte suspicion de caractère cancérigène et toxique pour la reproduction. Il nous faut donc travailler à des solutions alternatives.

D'abord, nous avons sécurisé la campagne de 2024 sur la base des autorisations existantes – vous le savez, il serait donc honnête de le rappeler. C'est bien le Gouvernement qui a mené ce travail.

Se pose à présent la question de la production de 2025.

M. Jean-Yves Bony. Nous mangerons des endives belges !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée . Mon ministère est pleinement mobilisé pour permettre que des herbicides adaptés, ou d'autres technologies, soient disponibles. Nous soutenons ainsi des tests sur deux substances d'intérêt qui pourraient se substituer au Bonalan. Nous soutiendrons tous les projets de l'Association des producteurs d'endives de France, qu'il s'agisse de désherbage mécanique automatisé ou de pulvérisation intelligente ultralocalisée.

M. Jean-Pierre Vigier. Nous voulons des solutions !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée . Ces solutions ne sont pas encore arrivées à maturité mais elles existent, sont testées et nous y travaillons. J'ai rendez-vous cette semaine avec l'Anses, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l'Inrae, l'Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement et les organisations professionnelles. Nous travaillons afin que des solutions soient trouvées pour chaque interdiction de molécule, nous ne braillons pas. (M. Thomas Rudigoz applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Henri Dumont.

M. Pierre-Henri Dumont. Il est tout de même dommage que votre parachutage dans le Pas-de-Calais soit déjà marqué par un mensonge aux agriculteurs et aux producteurs de chicorées et d'endives. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)