16ème législature

Question N° 16585
de M. Alexis Corbière (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Seine-Saint-Denis )
Question écrite
Ministère interrogé > Culture
Ministère attributaire > Culture

Rubrique > presse et livres

Titre > Délais de paiement : les librairies et la culture en danger

Question publiée au JO le : 26/03/2024 page : 2295

Texte de la question

M. Alexis Corbière attire l'attention de Mme la ministre de la culture concernant la réduction des délais de paiement, prévue par la Commission européenne, qui représente un risque pour la survie des librairies. En effet, le 13 septembre 2023, la Commission européenne a déposé une proposition de règlement dans le but de réduire les délais de paiement à 30 jours. Actuellement, la loi de modernisation de l'économie de 2008 les fixe, lors des transactions commerciales, à 60 jours, si un accord est trouvé entre l'entreprise et le prestataire. Or les retards de paiement sont la première cause de faillite d'entreprise en France puisqu'ils représentent 25 % des défaillances de celles-ci. Ainsi, il ne s'agit pas ici de remettre en cause la lutte contre les faillites d'entreprise mais bien d'alerter sur les conséquences que vont entraîner ces délais raccourcis, plus particulièrement pour les librairies françaises. Dans un communiqué de presse du 16 février 2024, le syndicat des librairies françaises affirme, grâce notamment à une étude menée par l'institut Xerfi, que ce n'est pas moins d'un tiers des librairies françaises, soit 1 300 enseignes, qui risquent de fermer pour cessation de paiement si ce délai de retard de paiement venait à être réduit à 30 jours. L'univers des livres fonctionne différemment de toute autre entreprise qui a recours à des transactions commerciales. En effet le délai de paiement au sein des librairies est en moyenne de 80 jours pour celles vendant exclusivement des livres, contre 15 jours pour les entreprises françaises. Ainsi, 8 librairies sur 10 paient leurs fournisseurs à plus de 60 jours. En moyenne, un livre se vend 100 jours après sa date d'achat. Seul 5 % des titres vendus en librairie le sont à plus de 20 000 exemplaires. Il faut donc, en ce sens, prendre en compte les particularités de la filière du livre. Aujourd'hui, certaines lois protègent les librairies mais la proposition de règlement de la Commission européenne risque pourtant de menacer directement les enseignes. En 2010, la loi relative aux délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre a ainsi permis aux librairies de ne pas être soumis aux délais de paiement fixés par la loi de 2008 et permet que les échéances de paiement soient définies librement par le fournisseur. Enfin, les librairies bénéficient du droit de retour : si un livre n'est pas vendu après une certaine période, il peut être renvoyé chez son éditeur. Ce système permet à la librairie d'enregistrer moins de pertes et aux enseignes de proposer un éventail d'ouvrages variés et de ne pas proposer uniquement des « best-sellers ». La réduction des délais de paiement va représenter un réel choc de trésorerie pour les librairies. Réduire les délais de paiement, c'est aussi réduire la diversité des ouvrages au sein d'une enseigne, les obligeant à privilégier les livres qui auront le plus de chance de se vendre. Cette mesure serait donc une réelle atteinte au droit à la culture diversifiée. En ce sens, il lui demande de bien vouloir mesurer la gravité de cette proposition de la Commission européenne qui menace les librairies françaises. Il souhaite savoir comment assurer qu'aucune librairie ne sera condamnée à mettre la clé sous la porte.

Texte de la réponse