Question orale n° 165 :
Projet d'autoroute A31bis

16e Législature

Question de : M. Laurent Jacobelli
Moselle (8e circonscription) - Rassemblement National

M. Laurent Jacobelli interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports, sur le projet de contournement autoroutier A31bis. Ce projet est supposé être une solution aux embouteillages que subissent les travailleurs frontaliers. Or non seulement il ne résoudrait en rien ces problématiques, mais il provoquerait de graves problèmes en Moselle. L'A31bis ne serait pas une solution viable du fait qu'elle serait payante (autour de 8 euros l'aller-retour), ce qui risque de réduire drastiquement le trafic sur cette nouvelle autoroute, de déporter ce trafic vers les routes secondaires et de diminuer encore le pouvoir d'achat des habitants. Ce projet serait également un massacre écologique et social en ce qu'il nécessiterait d'exproprier de nombreux résidents, dénaturerait le paysage et perturberait la faune et la flore. Ces arguments sont avancés et défendus par de nombreuses associations locales et nationales, ainsi que par la population, fermement opposée à l'A31 bis, rejoint par toujours plus d'élus. Alors qu'il existe des solutions alternatives telles que l'amélioration du transport ferroviaire, le covoiturage, l'élargissement de l'autoroute déjà existante de deux à trois voies ou bien encore la valorisation de la VR52, il demande à M. le ministre les raisons de l'entêtement des pouvoirs publics pour ce projet depuis plus de 35 ans.

Réponse en séance, et publiée le 8 février 2023

A31 BIS
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour exposer sa question, n°  165, relative à l'autoroute A31 bis.

M. Laurent Jacobelli. Chaque jour, 120 000 travailleurs frontaliers vivent un véritable calvaire pour rejoindre le Luxembourg à partir du Nord Mosellan : une heure et demie de bouchons, des transports express régionaux (TER) bondés, en retard ou annulés ; bref, il est temps de trouver une solution.

On nous propose un contournement de la ville de Thionville par une autoroute A31 bis dont quatre tracés ont été présentés. Malheureusement, ces tracés rallient contre eux les habitants, les associations et un certain nombre d'élus. En effet, ce contournement aggravera les problèmes existants au lieu d'y apporter une solution.

Alors que l'autoroute actuelle est gratuite, la nouvelle sera payante, à hauteur de 8 euros l'aller-retour. Ceux qui font ce trajet chaque jour devront donc payer 8 euros pour 8 minutes de temps de transport en moins, selon les rapports, soit 1 euro la minute ! Reconnaissez qu'au moment où le prix de l'essence et celui des péages flambent, tout cela est un peu fort : cela représente 170 euros de dépenses supplémentaires par mois !

La première conséquence est évidente : les travailleurs frontaliers qui n'en ont pas les moyens prendront des routes alternatives, traverseront des villes et des villages, et on créera ainsi de nouveaux problèmes. Et pour faire des économies, les transporteurs routiers traverseront eux aussi nos villes.

Bien sûr, cette aggravation des embouteillages produite par le contournement censé régler le problème aura mécaniquement un effet catastrophique sur la pollution de l'air, ainsi que sur la santé des habitants de la région et des villes qui subiront de plein fouet ces nouveaux flux.

Toujours sur le volet de l'environnement, le paysage local s'en trouvera dénaturé, des espèces rares seront détruites pour construire cette éventuelle autoroute et le patrimoine mosellan sera endommagé. Enfin, la construction de cette autoroute se fera probablement à grands coups d'expropriations, créant une vraie détresse sociale pour beaucoup d'habitants.

Face à l'inutilité de ce projet, à son coût financier et aux dommages collatéraux, je pose solennellement une question au Gouvernement : après plus de trente-cinq ans d'entêtement des pouvoirs publics en faveur de ce contournement, êtes-vous enfin prêts à repartir d'une feuille blanche afin de résoudre réellement les problèmes de transport des travailleurs frontaliers ? Êtes-vous prêts à travailler avec les habitants, les associations et les élus locaux à la mise en place de solutions alternatives, qui profiteront à tous, telles que l'amélioration du réseau de transport ferroviaire, par exemple, la réhabilitation – qui pourrait être une solution – de la ligne TER entre Hayange et Fontoy, qui ne fonctionne plus actuellement, la gratuité du parking autour des gares SNCF pour encourager les habitants à prendre le train, ou encore l'amélioration du réseau autoroutier existant à travers l'élargissement à trois voies de l'autoroute A31 dans son dessin actuel, la valorisation de la voie rapide VR52 et l'incitation positive au covoiturage ?

C'est une évidence, ces solutions additionnées seraient moins coûteuses et surtout plus efficaces que le projet d'A31 bis qui risque de ne servir à rien, de créer de nouveaux bouchons et de coûter beaucoup d'argent à une population déjà touchée par l'inflation.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l’écologie.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l’écologie. Le projet d’aménagement d'une A31 bis vise à répondre à la saturation actuelle de l’autoroute A31. L’État a donné la priorité à l’aménagement du secteur nord entre Thionville et le Luxembourg, où les congestions sont les plus importantes, et qui pourrait être financé par voie de concession pour en accélérer la réalisation.

L’aménagement consiste en l’élargissement de l’A31 au nord de Thionville et la création d’un nouveau barreau de liaison, indispensable pour détourner les trafics croissants de l'A31 dans la traversée de Thionville. Les péages évoqués, qui ne constituent à ce stade que de premières estimations, permettraient le financement d’ouvrages onéreux, notamment des tunnels d'une longueur importante pour certaines variantes, destinés à réduire les nuisances pour les riverains et l’impact sur l’environnement.

Cette solution permettrait à l’A31 bis de capter l’essentiel des trafics de transit, et ainsi de soulager nettement la traversée de Thionville. Elle vise un équilibre financier de la concession, qui ne nécessiterait pas de subvention d’équilibre.

Le nouvel aménagement accorde par ailleurs une place importante aux transports en commun. La création d’une voie de covoiturage pourrait également être expérimentée.

L’État est naturellement à l’écoute des acteurs du territoire, et très attentif aux échanges intervenus pendant la concertation publique qui s’achève sur le projet.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Jacobelli.

M. Laurent Jacobelli. Merci de votre réponse, madame la secrétaire d'État.

Naturellement, investir plusieurs milliards pour déplacer un bouchon constitue une dépense somptuaire. En effet, cette A31 bis restera sur deux voies. Le problème des bouchons sera certes décalé, mais il sera toujours présent, d'autant que le Luxembourg entend réfréner l'arrivée de voitures sur son territoire.

De plus, qui paiera 8 euros par jour, au moment où le litre d'essence coûte 2 euros, où l'inflation – mal maîtrisée, je dois le dire, par le Gouvernement – augmente ? Bien évidemment, les gens trouveront d'autres itinéraires et les villages que nous voulons protéger par ce projet d'A31 bis seront de nouveau traversés par des flux de voitures.

Bref, on ne règle ni le problème des transports, ni celui de la pollution. Au contraire, on crée un nouveau problème de perte de pouvoir d'achat. Soyez raisonnables, écoutez la voix des associations, des habitants et de certains élus : trouvons d'autres solutions, notamment grâce au transport ferroviaire. Je suis tout à fait d'accord pour élargir à trois voies l'autoroute existante, mais contourner Thionville ne réglera pas le problème des frontaliers : au lieu de subir une heure trente de bouchons le matin, ils en subiront une heure vingt-six, le tout pour 4 euros. Sincèrement, ce n'est pas une solution.

Données clés

Auteur : M. Laurent Jacobelli

Type de question : Question orale

Rubrique : Transports routiers

Ministère interrogé : Transports

Ministère répondant : Transports

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 31 janvier 2023

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