16ème législature

Question N° 16791
de Mme Sophie Blanc (Rassemblement National - Pyrénées-Orientales )
Question écrite
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Rubrique > propriété intellectuelle

Titre > Morta

Question publiée au JO le : 02/04/2024 page : 2501
Réponse publiée au JO le : 11/06/2024 page : 4789
Date de changement d'attribution: 23/04/2024

Texte de la question

Mme Sophie Blanc alerte M. le Premier ministre sur la position de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) relative à son refus de dépôt d'un nom seul déposé comme indication géographique (IG). Cette disposition est unique au monde et fragilise le patrimoine national comme le montre le cas de l'association ABAM (Association biéronne des artisans du Morta). Le Morta est un matériau unique, emblématique de la région des pays de la Loire exploité par les entreprises artisanales locales depuis des siècles. Le Morta est un chêne en cours de fossilisation, vieux de 5 000 ans qui est extrait artisanalement, grâce à un savoir-faire ancestral, dans les marais de Brière en Loire-Atlantique. L'association ABAM a voulu susciter des vocations pour faire perdurer cet artisanat tout en protégeant le Morta des importateurs de chênes des marais issus des différents pays d'Europe centrale et de Russie. L'INPI a donc refusé le dépôt du lieu « Morta » et a voulu imposer « Morta de Brière » ce qui va à l'encontre de la doctrine des IG qui permet à des noms seuls et ancrés dans leurs territoires d'être protégés. Les dispositions légales actuelles pour les IG artisanales, qui avaient été largement inspirées des IG agricoles, n'imposent pas cette vision restrictive. L'INPI sacrifierait le nom « Morta » en lui conférant une signification générique, dès lors, le Morta ne serait plus un produit purement français. Déjà la contrefaçon met à mal les artisans avec un préjudice annuel estimé à plus de 3 millions d'euros. L'INPI prive de leur nom les producteurs légitimes d'un produit issu du patrimoine du pays. Sans protection, le Morta, nom venant du patois de Brière, pourra être chinois ou russe. Elle lui demande ce qu'il compte faire pour faire appliquer au Morta, comme c'est déjà le cas pour le Reblochon ou le Muscadet, le dépôt à l'INPI du seul nom « Morta ». Il en va de la défense du patrimoine et des artisans.

Texte de la réponse

La France accorde une grande importance aux indications géographiques (IG) car elles favorisent le développement des savoir-faire artisanaux, préservent les emplois locaux et contribuent à la croissance économique des territoires. C'est pourquoi le Gouvernement s'est engagé depuis 2014 à l'élaboration d'un dispositif juridique pour valoriser cet actif immatériel et soutient fermement une reconnaissance de cette homologation sur le plan européen. L'État conduit actuellement, en collaboration avec l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), une analyse minutieuse du règlement européen adopté le 18 octobre 2023 relatif aux IG industrielles et artisanales (IA) afin d'améliorer les dispositifs et de s'assurer de leur exhaustivité. Les décisions de l'INPI quant aux homologations des noms des IG IA sont prises conformément à une procédure d'instruction rigoureuse encadrée par le code de la propriété intellectuelle et notamment les articles L. 721-2 et suivants. L'INPI considère sur cette base que la dénomination d'une IG doit être composée par le type de produit associée au nom géographique. Pour l'exercice de ses compétences, l'INPI est un organisme indépendant non soumis à une autorité de tutelle, pleinement attentif à établir un traitement équitable et cohérent pour l'ensemble des dossiers. Les contestations des décisions de l'INPI peuvent faire l'objet d'un recours en annulation devant la cour d'appel territorialement compétente. Les juges statuent dans ce cadre sur la régularité des décisions prises. L'État est conscient de l'importance de garantir de la transparence dans le processus de délivrance des IG et il est résolu à poursuivre les efforts pour assurer une protection adéquate des savoir-faire associés à ces appellations. Il est important de préciser que la question de l'origine demeure centrale à toute indication géographique, qui doit témoigner d'un lien évident entre d'une part sa qualité, sa réputation ou une autre caractéristique déterminée et de l'autre son origine. La nécessité d'un tel lien demeurera avec l'adaptation du droit français au règlement des indications géographiques pour les produits artisanaux et industriels (IG PIA), entrant en vigueur au 1er décembre 2025. Ce règlement étant d'application directe, la dénomination d'une indication géographique pourra être « un nom géographique du lieu de production du produit, ou un nom utilisé dans la vie des affaires ou dans le langage courant pour décrire ce produit ou y faire référence dans l'aire géographique délimitée » (article 9 dudit règlement) ».