Question écrite n°16880 : Persistance des inégalités hommes-femmes dans le monde de la culture

16ème Législature

Question de : Mme Sophie Blanc (Occitanie - Rassemblement National)

Mme Sophie Blanc interroge Mme la ministre de la culture sur la persistance des inégalités hommes/femmes dans le monde culturel. L'Observatoire de l'égalité entre femmes et hommes dans la culture et la communication a constaté dans son dernier rapport paru le 8 mars 2024 des disparités salariales. Les écarts de salaires restent défavorables aux femmes avec -20 % dans l'ensemble des secteurs culturels. Les architectes femmes sont payées 32 % de moins que les hommes. Dans le spectacle vivant, les différences de perception des droits d'auteur sont de l'ordre de 41 % en défaveur des femmes. Seules les professeures d'art femmes sont mieux payées que les hommes, avec 5 % de plus. On note également peu de femmes aux postes à responsabilités. Avec seulement 15 % de présidentes ou de directrices générales au sein des cent premières entreprises du secteur culturel en matière de chiffre d'affaires en 2020, le privé fait moins bien que le public, où l'on compte par exemple trois femmes sur cinq au poste de présidence des entreprises de l'audiovisuel public. La parité est atteinte dans les services à compétence nationale, à la tête des DRAC et quasiment au ministère de la culture (45-55 %). Pour autant, il demeure des inégalités avec d'un côté le spectacle vivant qui ne compte qu'une femme pour huit hommes à la direction des établissements publics au 1er janvier 2024 et de l'autre 65 % de femmes à la tête des musées nationaux. Dans les structures soutenues par le ministère de la culture, la présence de femmes aux postes de direction reste minoritaire (38 %) et il n'existe par exemple aucune femme à la tête d'un centre national de création musicale. Enfin, la part des femmes progresse aux directions des établissements de l'enseignement supérieur, pour atteindre 44 %. En 2023-2024, les femmes ont été moins programmées dans le secteur artistique : seulement 40 % des représentations dans le secteur du spectacle vivant et 29 % des quelques 1 900 représentations d'opéra sont mises en scène par une femme au cours de la saison 2023-2024. Les femmes sont également très minoritaires dans la direction musicale (12 %) et dans la composition (7 %). Dans les arts plastiques, les acquisitions d'œuvres par le Fonds national (60 % en 2022 contre 52 % en 2021) et les fonds régionaux (54 %) d'art contemporain sont majoritairement féminines et la parité a été dépassée dans quelques-unes des plus grandes expositions artistiques. Côté cinéma, les femmes réalisatrices de longs-métrages restent minoritaires (30 %) se tournant plutôt vers les courts-métrages. À la télévision, on peut voir moins de femmes aux heures de forte audience (36 %) alors que la parité est presque atteinte sur les ondes, avec 45 % de voix féminines sur la tranche horaire matinale, à forte audience. D'une manière générale, les aides accordées aux femmes pour la création restent moins élevées que pour les hommes. Dans le domaine du cinéma, en 2021, sur les 58 projets bénéficiant de l'avance sur recettes du Centre national du cinéma et de l'image animée, 28 % ont été réalisés par des femmes, soit l'inégalité la plus forte depuis quatre ans. La situation est plus égalitaire dans le domaine de la littérature avec, selon le Centre national du livre, 59 % d'aides accordées aux autrices au titre du soutien à la création et à la traduction littéraire par domaine éditorial même si le montant moyen alloué est inférieur à celui des hommes de 29 %. Les domaines pour lequel les écarts sont les plus prononcés sont le théâtre avec des aides attribuées aux femmes inférieures de moitié à celles des hommes et le roman avec un montant moyen d'aide accordé inférieur de 30 % à celui des hommes en 2023. Elle lui demande ce qu'elle compte faire pour lutter contre les inégalités hommes-femmes dans le monde culturel et plus précisément dans le domaine des rémunérations et aides, toujours bien inférieures aux hommes.

Réponse publiée le 11 juin 2024

L'Observatoire de l'égalité entre les femmes et les hommes a permis d'objectiver, depuis sa création, les écarts de salaire ou d'accès aux moyens de production et de diffusion dans les secteurs culturels. Toutefois, ces données doivent être mises en regard avec les chiffres produits par cet organisme les années précédentes. En l'occurrence, le dernier rapport paru en mars 2024 témoigne des nombreux progrès réalisés : au 1er janvier 2024, les femmes occupent 50 % des postes de direction régionale des affaires culturelles, contre 24 % en 2017 ; elles sont 42 % à la tête des établissements publics, contre 30 % en 2017, et 53 % à la tête des musées de France, hors musées nationaux. Par ailleurs, la moyenne des indices Egapro (index de l'égalité professionnelle) des établissements du ministère se maintient à 93, tandis que la moyenne nationale du secteur arts, spectacle et activités récréatives s'établit à 89 en 2023, soit 3 points de plus qu'en 2022. Ces évolutions découlent d'un engagement fort du ministère de la culture : celui de permettre aux femmes d'accéder, au sein des structures relevant du ministère mais aussi dans l'ensemble des secteurs culturels et artistiques, à des postes à responsabilités, ainsi qu'à des rémunérations au moins égales à celles de leurs homologues masculins. L'engagement du ministère en matière d'égalité femmes-hommes n'est pas nouveau et a été consacré en 2017, lors de la publication de la première Feuille de route égalité 2018-2022, engagement renouvelé en décembre 2023, avec la présentation des Axes de travail égalité 2023-2027. Le premier volet de ce document prévoit de « Promouvoir un égal accès aux responsabilités et opportunités professionnelles ainsi qu'aux financements », en instaurant notamment un conditionnement des aides publiques à l'observation de la parité entre les femmes et les hommes dans les équipes (action 1) et en étendant progressivement les dispositifs de bonification des aides publiques pour privilégier les projets dont les équipes sont paritaires (action 2). Ces engagements se manifestent de manière très concrète, tant en interne qu'au sein des politiques culturelles. L'accès des femmes aux postes à responsabilités étant une des pistes de résorption des inégalités de salaire, le ministère encourage en interne leur accès aux postes à responsabilité, en objectivant les processus de recrutement et de mobilité dans leur ensemble via l'usage de grilles de critères de sélection et en imposant la présence d'au moins deux personnes à chaque entretien. Par ailleurs, le ministère a développé une stratégie de communication forte pour encourager la féminisation des corps de métiers traditionnellement masculins au moyen de « Mots d'elles », une série de podcast à la rencontre des femmes dont la carrière a marqué le ministère de la culture, projet lauréat du Fonds en faveur de l'égalité professionnelle de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), mais aussi par le biais de « Cultur'elles », le réseau des femmes du ministère qui propose des ressources pour engager une mobilité ou pour le passage d'un concours. En matière d'inégalités salariales, le ministère s'attache à la résorption progressive des disparités qui peuvent exister en son sein. En 2020, le service des ressources humaines a adapté aux métiers et statuts de la culture les indicateurs des disparités salariales mis au point en 2019 par la DGAFP, afin d'identifier les causes des inégalités. L'écart moyen de rémunération entre agentes et agents de la culture a ainsi pu être calculé à 287 euros en 2022 (soit 7 % du salaire moyen masculin). L'objectivation de ces écarts de rémunération et le constat de telles inégalités entre les agentes et les agents titulaires et contractuels ont permis au ministère d'obtenir une enveloppe de 500 000 euros (100 000 euros par an) sur la période 2018-2022 en vue de commencer à résorber ces disparités. Dans un premier temps, 263 000 euros ont été consacrés à l'attribution, en 2020, d'une indemnité exceptionnelle de revalorisation décernée aux agentes et agents à temps partiel. Cette mesure dite « temps partiel » a touché 729 agentes et agents, dont 85 % de femmes, pour un montant moyen de 361 euros par agente et agent. Cette mesure a été reconduite pour le même périmètre et pour un montant équivalent en 2021, puis en 2022 (mesure autofinancée). Les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) du ministère de la culture sont, eux aussi, engagés dans cette dynamique : depuis 2019, ils mènent une politique systématique de correction des écarts de salaire grâce au surcadrage budgétaire accordé par le ministère de l'économie et des finances en 2019. De son côté, la Bibliothèque nationale de France a engagé, à la suite d'une concertation avec les organisations syndicales, une politique de résorption des écarts salariaux des chefs de services contractuels et titulaires qui a porté ses fruits et qui constitue un véritable exemple en la matière. Au sein des politiques culturelles, le ministère mène une politique d'incitation financière forte au moyen du conditionnement des aides publiques et de mécanismes de bonification. Outre le conditionnement au suivi d'un protocole VHSS (violences et harcèlement sexistes et sexuels) dans les secteurs du cinéma, de la musique, du livre, du spectacle vivant et des arts visuels, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) conditionne ses aides au dépôt de données relatives au nombre d'hommes et de femmes occupant des postes clés dans la production de l'œuvre. Ainsi, depuis le 1er janvier 2023, un formulaire spécifique précisant l'identité et le genre des personnes occupant ces fonctions est systématiquement intégré dans les dossiers de demande d'autorisation préalable, d'autorisation définitive et de demandes d'aide à la préparation. Par ailleurs, les mécanismes de bonus se développent dans différents secteurs. Le CNC applique, depuis le 1er janvier 2019, un bonus de 15 % au soutien financier mobilisé pour les films dont les principaux postes artistiques et techniques respectent la parité, c'est-à-dire qui comptent au moins autant de femmes que d'hommes dans les postes clés de la production et de la création d'un film (36 % de films d'initiative française agréés en 2023 éligibles au bonus parité) ; le Centre national de la musique (CNM) développe, depuis 2022, un dispositif test d'incitation financière pour les projets de production phonographique respectant la parité dans le secteur de la musique (en 2023, parmi les 546 demandes déposées en commission phonographique musiques actuelles, 350 ont intégré une demande de bonus et 155 d'entre elles l'ont obtenu, soit 44 % pour un montant total de 107 327 euros). Aussi, depuis 2016 une circulaire relative aux résidences a été mise en place. Cette dernière comporte un objectif de parité dans l'accueil et l'accompagnement des artistes. De plus, des concours et des fonds spécifiques ont été créés pour soutenir financièrement les artistes femmes dans leur processus de création et leur permettre d'accéder à davantage de moyens et de reconnaissance. Par exemple, depuis 2020, le concours La Maestra, organisé par la Philharmonie de Paris et le Paris Mozart Orchestra, donne un coup de projecteur sur douze cheffes d'orchestre professionnelles de tous âges sélectionnées dans le monde entier. La dotation du concours comprend plusieurs prix, des engagements professionnels, ainsi qu'un accompagnement de carrière. Dans le secteur de la photographie le ministère de la culture a lancé, en novembre 2021, la plateforme numérique « Ellesfontlaculture ». Ce service, très récemment relancé après une pause de plusieurs mois, a pour vocation de rendre les dispositifs de soutien plus accessibles aux femmes photographes, et à terme, de faciliter leurs programmations et leurs recrutements. La direction générale de la création artistique a engagé, en 2023, un travail sur l'égalité de rémunération entre les artistes-auteurs, en concertation avec les secteurs culturels et artistiques concernés et conformément à la mesure numéro 2 du Plan artistes-auteurs annoncé en mars 2021. Il s'agit, au sein de groupes de travail, d'établir le constat de l'inégale rémunération entre les femmes et les hommes, d'en identifier l'origine et de résorber ces écarts. Le ministère travaille de concert avec les syndicats au renouvellement du Protocole d'accord sur l'égalité professionnelle signé en novembre 2018. Les inégalités salariales doivent être envisagées sous un prisme large pour en saisir la complexité des causes. Il ne s'agit pas uniquement de travailler à la résorption directe des écarts, mais bien aux causes qui les génèrent. Favoriser l'accès des femmes à des positions élevées, leur prise de confiance en elles mêmes, valoriser des exemples de femmes dans les différents secteurs culturels et artistiques, constituent autant de pistes de travail vers l'égalité salariale. La Mission diversité égalité du secrétariat général du ministère de la culture est dotée d'un budget dont elle se sert pour soutenir des associations et entreprises qui œuvrent en la matière, via des projets d'études, de mentorat, prix pour des œuvres produites par des femmes, etc. Le ministère s'assure ainsi de la complétude de son action en matière d'égalité entre les femmes et les hommes.

Données clés

Auteur : Mme Sophie Blanc (Occitanie - Rassemblement National)

Type de question : Question écrite

Rubrique : Culture

Ministère interrogé : Culture

Ministère répondant : Culture

Dates :
Question publiée le 9 avril 2024
Réponse publiée le 11 juin 2024

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