16ème législature

Question N° 168
de Mme Christine Arrighi (Écologiste - NUPES - Haute-Garonne )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Personnes handicapées
Ministère attributaire > Personnes handicapées

Rubrique > personnes handicapées

Titre > Impact de la modification de la méthode de calcul de la pension d'invalidité

Question publiée au JO le : 21/02/2023
Réponse publiée au JO le : 01/03/2023 page : 1866

Texte de la question

Mme Christine Arrighi appelle l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées, sur les effets négatifs pour les travailleurs handicapés de la modification des règles de calcul de la pension d'invalidité, notamment pour les travailleurs handicapés, impactés négativement par le décret du 23 février 2022 relatif au cumul de la pension d'invalidité avec d'autres revenus et modifiant diverses dispositions relatives aux pensions d'invalidité. Ce décret applicable depuis le mois de décembre 2022 avait pour but affiché de favoriser l'emploi des personnes pensionnées invalides au travers d'une prise en compte plus juste de la réalité des revenus de l'assuré, un cumul pension-revenus potentiellement plus élevé grâce à de nouvelles modalités de calcul du salaire de comparaison et une possibilité de cumul pension-revenus plus élevée pour une part importante des pensionnés grâce à une diminution moindre de la pension en cas de dépassement du salaire de comparaison. Dans les faits, ce décret porte un fort préjudice à certains salariés handicapés. Ainsi, les personnes invalides dont les revenus d'activité dépassent le plafond de la sécurité sociale (43 992 euros en 2023) voient le montant de leur pension d'invalidité considérablement diminué ou en sont mêmes privées, ce qui n'était pas le cas avant. Ils sont des milliers de personnes, rassemblés en collectifs, Mme la députée pense notamment au collectif « Les oubliés de la réforme » qui juge discriminatoire ce nouveau mode de calcul car celui-ci prévoit un calcul sur 12 mois glissant au lieu de 3 et ajoute un plafond de ressources : les 43 992 euros annuels de sécurité sociale que Mme la députée a précédemment évoqués. Cette situation engendre la réduction, la suspension voire même la suppression du versement de leur pension d'invalidité alors même que leur invalidité, elle, n'a pas bougé. À cela s'ajoutent les effets négatifs du décret sur les rentes perçues au titre de contrats de prévoyance, qui sont conditionnées au versement de pensions d'invalidité. Certains bénéficiaires ont d'ailleurs perdu le droit à leur rente de prévoyance. Pour de nombreux salariés, ce nouveau calcul oblige à faire un choix, non sans conséquence, entre refuser toute reconnaissance salariale en refusant les augmentations et les primes pour éviter un dépassement de plafond ou réduire le temps de travail afin que le salaire en conséquence diminue sous le seuil du plafond. Face à cette situation, elle lui demande comment elle entend corriger de manière pérenne ces manquements, notamment envers les perdants de cette réforme qui veulent poursuivre leur activité.

Texte de la réponse

CALCUL DES PENSIONS D'INVALIDITÉ


Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Arrighi, pour exposer sa question, n°  168, relative au calcul des pensions d'invalidité.

Mme Christine Arrighi. Elle concerne les effets négatifs, notamment pour les travailleurs handicapés, de la modification des règles de calcul de la pension d’invalidité, consécutive au décret du 23 février 2022 relatif au cumul de la pension d'invalidité avec d'autres revenus et modifiant diverses dispositions relatives aux pensions d'invalidité.

Ce décret est entré en vigueur en décembre 2022, ses effets n’étaient donc pas perceptibles auparavant. Le but affiché était de favoriser l'emploi des personnes pensionnées invalides grâce à une prise en compte plus juste des revenus réels de l'assuré ; grâce à de nouvelles modalités de calcul du salaire de comparaison, qui autorisent un cumul potentiellement supérieur des montants de la pension et des revenus ; grâce à une moindre diminution de la pension en cas de dépassement du salaire de comparaison, permettant également un cumul plus élevé.

Dans les faits, ce décret porte un fort préjudice à certains salariés handicapés. Ainsi, les personnes invalides dont les revenus d'activité dépassent le plafond annuel de la sécurité sociale (Pass) voient le montant de leur pension d'invalidité considérablement diminué, voire en sont privées, ce qui n'était pas le cas auparavant. Des milliers de personnes, rassemblées en collectifs, je pense notamment aux Oubliés de la réforme, jugent discriminatoire ce nouveau mode de calcul car il repose sur douze mois glissants au lieu de trois et ajoute un plafond de ressources. Cette situation engendre la réduction, la suspension, voire la suppression du versement de leur pension d’invalidité, alors même que leur invalidité, vous vous en doutez, n’a pas changé.

À cela s'ajoutent les effets négatifs du décret sur les rentes perçues au titre de contrats de prévoyance, qui sont conditionnées au versement d'une pension d’invalidité. Certains bénéficiaires ont ainsi perdu le droit à leur rente de prévoyance.

Pour de nombreux salariés, le nouveau mode de calcul oblige, non sans conséquences, à refuser toute revalorisation salariale ou promotion impliquant des augmentations et des primes, pour éviter un dépassement de plafond, ou à réduire leur temps de travail, afin d'abaisser leur salaire en dessous du plafond.

Comment entendez-vous corriger de manière pérenne ces préjudices, notamment pour les perdants de la réforme qui veulent poursuivre leur activité ? On sait combien il est difficile pour les personnes handicapées de trouver un travail et de s’y accomplir.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées. Vous m'interrogez sur les conséquences, pour certains travailleurs en situation de handicap, de l'application du décret du 23 février 2022. L'ambition était d’améliorer le maintien en emploi des personnes handicapées. Ce décret a permis d'améliorer la situation de plus de 60 000 personnes, cependant il est vrai que son application a révélé des effets indésirables pour près de 8 000 personnes, dont les revenus excèdent le plafond de la sécurité sociale, soit 3 666 euros par mois. Nous devons corriger ces répercussions contraires aux intentions du législateur et à l’esprit du décret.

Le premier effet concerne les recouvrements d’indus réclamés par les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM), pour la période d'avril à novembre 2022. J’ai déjà donné à la Caisse nationale de l’assurance maladie l’instruction d’annuler immédiatement ces indus. Toutes les demandes de recouvrement sont donc nulles et non avenues.

Deuxièmement, la plupart des contrats de prévoyance subordonnent la prise en charge complémentaire au versement d'une pension d'invalidité. Certains organismes de prévoyance ont donc interrompu leurs versements lorsque la CPAM a suspendu celui de la pension. Je recevrai prochainement les représentants des organismes complémentaires pour évoquer avec eux ce sujet et partager notre analyse. Selon moi, la réduction intégrale de la pension n'entraîne aucunement sa suppression et encore moins la suspension du statut de pensionné d'invalidité. Nous allons donc ouvrir la discussion avec les organismes complémentaires, afin qu’ils puissent continuer à verser les rentes.

Enfin, concernant la part obligatoire de l'assurance maladie, le décret intègre la référence au Pass, mais il ne modifie pas la méthode de calcul de la pension d'invalidité, qui dépendait déjà d'un pourcentage variable du salaire annuel moyen dans la limite du Pass – tout cela est très complexe.

La réforme vise à favoriser le retour à l'emploi et la poursuite de l'activité professionnelle. J’ai donc demandé une adaptation du dispositif pour ces 8 000 personnes qui subissent des effets négatifs et j’aurai très prochainement l’occasion de vous présenter des mesures correctives. Il faudra un peu de temps, mais je veux rassurer toutes les personnes concernées : nous résoudrons rapidement les problèmes.