Question de : M. André Chassaigne
Puy-de-Dôme (5e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine - NUPES

M. André Chassaigne interroge Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation sur la demande d'indication géographique pour le Morta. Le Morta est un matériau unique et emblématique de la région des pays de la Loire, exploité par des entreprises artisanales locales. Ce bois de chêne en cours de fossilisation, vieux de 5 000 ans, est extrait artisanalement dans les marais de Brière, dans le département de la Loire-Atlantique, d'où le nom Morta, issu du patois briéron. Soucieuse de protéger le Morta et les entreprises qui l'exploitent et pour éviter le pillage des ressources, l'Association briéronne des artisans du Morta (ABAM) a sollicité de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) l'homologation d'une Indication géographique (IG) Morta pour se protéger contre l'utilisation abusive du nom de ce matériau. Le nom de Morta est en effet de plus en plus utilisé pour désigner des matériaux similaires, mais non originaire de la Brière, importés de chênes du marais issus des différents pays d'Europe centrale ou de Russie. Or l'INPI a demandé à l'ABAM de modifier le nom de Morta en « Morta de Brière », condition sine qua non afin d'obtenir la protection attendue, censée associer le nom du produit à une zone géographique. Cette exigence revient à reconnaître comme générique un nom usurpé. Elle valide de fait la contrefaçon et la commercialisation par d'autres pays d'un produit appelé Morta alors que le produit est identifié à la région briéronne, avec une réputation attribuée à cette seule origine géographique. Le seul fait de l'associer au nom de Brière rend l'IG Morta inopérante et contredit l'objectif recherché, non seulement par les initiateurs de cette demande d'indication géographique mais aussi par les législateurs, parmi lesquels l'auteur de cette question écrite. Cette décision est indéniablement contraire à l'esprit de la loi qui avait été présentée comme une extension aux produits manufacturés et aux ressources naturelles du label IG des produits alimentaires. Or ce dernier n'exige pas de faire apparaître la région de production. Pour exemples, de nombreux fromages ont été protégés sur leur seul nom sans référence géographique : Brocciu (Corse), Chevrotin (Savoie et Haute-Savoie), Epoisses (Bourgogne), Maroilles (Thiérache française), Picodon (Cévennes). Au regard de ces arguments, il lui demande si elle va intervenir auprès de l'INPI pour que soit respecté l'esprit de la loi afin de permettre que l'indication géographique soit accordée au Morta pour protéger ce matériau emblématique et unique de la région de Brière.

Réponse publiée le 11 juin 2024

La France accorde une grande importance aux indications géographiques (IG) car elles favorisent le développement des savoir-faire artisanaux, préservent les emplois locaux et contribuent à la croissance économique des territoires. C'est pourquoi le Gouvernement s'est engagé depuis 2014 à l'élaboration d'un dispositif juridique pour valoriser cet actif immatériel et soutient fermement une reconnaissance de cette homologation sur le plan européen. L'État conduit actuellement, en collaboration avec l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), une analyse minutieuse du règlement européen adopté le 18 octobre 2023 relatif aux IG industrielles et artisanales (IA) afin d'améliorer les dispositifs et de s'assurer de leur exhaustivité. Les décisions de l'INPI quant aux homologations des noms des IG IA sont prises conformément à une procédure d'instruction rigoureuse encadrée par le code de la propriété intellectuelle et notamment les articles L. 721-2 et suivants. L'INPI considère sur cette base que la dénomination d'une IG doit être composée par le type de produit associée au nom géographique. Pour l'exercice de ses compétences, l'INPI est un organisme indépendant non soumis à une autorité de tutelle, pleinement attentif à établir un traitement équitable et cohérent pour l'ensemble des dossiers. Les contestations des décisions de l'INPI peuvent faire l'objet d'un recours en annulation devant la cour d'appel territorialement compétente. Les juges statuent dans ce cadre sur la régularité des décisions prises. L'État est conscient de l'importance de garantir de la transparence dans le processus de délivrance des IG et il est résolu à poursuivre les efforts pour assurer une protection adéquate des savoir-faire associés à ces appellations. Il est important de préciser que la question de l'origine demeure centrale à toute indication géographique, qui doit témoigner d'un lien évident entre d'une part sa qualité, sa réputation ou une autre caractéristique déterminée et de l'autre son origine. La nécessité d'un tel lien demeurera avec l'adaptation du droit français au règlement des indications géographiques pour les produits artisanaux et industriels (IG PIA), entrant en vigueur au 1er décembre 2025. Ce règlement étant d'application directe, la dénomination d'une indication géographique pourra être « un nom géographique du lieu de production du produit, ou un nom utilisé dans la vie des affaires ou dans le langage courant pour décrire ce produit ou y faire référence dans l'aire géographique délimitée » (article 9 dudit règlement) ».

Données clés

Auteur : M. André Chassaigne

Type de question : Question écrite

Rubrique : Propriété intellectuelle

Ministère interrogé : Entreprises, tourisme et consommation

Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Dates :
Question publiée le 9 avril 2024
Réponse publiée le 11 juin 2024

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