Question orale n° 16 :
Application de l'ouverture de la PMA à toutes les femmes

16e Législature

Question de : Mme Prisca Thevenot
Hauts-de-Seine (8e circonscription) - Renaissance

Mme Prisca Thevenot attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur l'application des dispositions relatives à la procréation médicalement assistée (PMA) issues de la loi relative à la bioéthique du 2 août 2021. Ce texte important, voté grâce à la volonté et l'engagement de la majorité, représente une avancée fondamentale puisqu'il permet à toutes les femmes, sans critères médicaux d'infertilité, d'accéder à la procréation médicale assistée. Si cette avancée est indéniable, elle doit aujourd'hui, un an après sa promulgation être appréciée sur le terrain. Alertée par de nombreuses associations, collectifs de patientes et acteurs du monde médical, Mme la députée se fait par cette question leur relais. Les retours portent principalement sur deux points : les délais de prise en charge, d'une part, et d'autre part l'existence d'inégalités de procédures rencontrées par les femmes seules et pouvant varier d'un centre à l'autre. Depuis la promulgation de la loi, les délais de prise en charge se sont sensiblement rallongés : ils sont en moyenne entre 12 et 22 mois et peuvent s'étendre jusqu'à trois ans d'attente. L'Agence de biomédecine note en effet une forte hausse des demandes de prises en charge, du nombre de donneurs ainsi que de demandes de conservations d'ovocytes et de spermatozoïdes. Ce constat entraîne deux principales conséquences. La première est que les femmes qui en ont les moyens financiers continuent de se rendre dans un pays voisin, notamment l'Espagne. Or on ne peut que regretter que les Françaises se voient dans l'obligation de se rendre à l'étranger pour répondre à leur désir d'enfant sans pouvoir bénéficier de la sécurité, du suivi et de l'accompagnement qu'offre la France, simplement parce que l'on n'est pas en capacité de les prendre en charge dans le temps imparti. La deuxième conséquence de ces délais allongés est une perte de chance indéniable pour beaucoup de femmes de voir leur parcours de PMA réussir. Enfin, Mme la députée tient à alerter M. le ministre sur le fait que de nombreuses patientes dénoncent des inégalités de traitement et des procédures de prises en charge qui peuvent varier d'un centre à l'autre, d'une situation personnelle à l'autre. C'est pourquoi elle lui demande, sans attendre la prochaine révision de la loi de bioéthique, quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour assurer la bonne prise en charge des demandes de procréation médicalement assistée, avec un point d'attention particulier sur la mise en place de délais raisonnables.

Réponse en séance, et publiée le 23 novembre 2022

OUVERTURE DE LA PMA À TOUTES LES FEMMES
Mme la présidente. La parole est à Mme Prisca Thevenot, pour exposer sa question, n°  16, relative aux suites de l'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes.

Mme Prisca Thevenot. La PMA pour toutes représente, pour notre majorité, et plus encore pour la société tout entière, l’aboutissement de notre promesse d’égalité ainsi qu'une avancée sociétale majeure. Grâce à la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique, nous avons proclamé le droit fondamental à enfanter ; nous avons reconnu qu’il existe plusieurs types de familles en France, et que seul l’amour que l’on porte à un enfant doit être pris en compte. Désormais, toutes les femmes, sans critères médicaux d’infertilité, peuvent accéder à la procréation médicalement assistée.

Si cette avancée est indéniable, nous devons, un an après la promulgation de la loi, en apprécier les effets sur le terrain. J'ai été alertée par de nombreuses associations, des collectifs de patientes et des acteurs du monde médical ; je souhaite, par cette question, me faire le relais de leurs préoccupations. Les retours qui me sont parvenus du terrain portent principalement sur deux points : d'une part, sur les délais de prise en charge et, d’autre part, sur les inégalités de procédures rencontrées par les femmes seules, le traitement de leur demande pouvant varier d'un centre à l'autre.

Depuis la promulgation de la loi relative à la bioéthique, les délais de prise en charge se sont sensiblement allongés : en moyenne entre douze et vingt-deux mois, l'attente peut parfois durer trois ans. L'Agence de la biomédecine (ABM) note une forte hausse des demandes de prises en charge, du nombre de donneurs ainsi que de demandes de conservations d’ovocytes et de spermatozoïdes.

Cela entraîne deux principales conséquences.

Premièrement, les femmes qui en ont les moyens financiers continuent de se rendre dans des pays voisins, notamment l’Espagne. On ne peut que le regretter ! La décision de ces femmes de se rendre à l'étranger pour assouvir leur désir d'enfant, sans pouvoir bénéficier de la sécurité, du suivi et de l’accompagnement qu’offre la France, s'impose tout simplement parce que nos centres ne sont pas capables de les prendre en charge dans des délais raisonnables.

Deuxièmement, l'allongement des délais induit, pour beaucoup de femmes, une perte de chance indéniable de voir leur parcours de PMA aboutir.

Enfin, nombreuses sont les patientes qui dénoncent des inégalités de traitement, les procédures étant susceptibles de varier d’un centre à l’autre, d’une situation personnelle à l’autre. Je le précise, les critères actuellement en vigueur n’ont pas été décidés par le législateur.

Ayant exposé ces difficultés, je souhaiterais connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre, sans attendre la prochaine révision de la loi relative à la bioéthique, pour assurer la bonne prise en charge des demandes de procréation médicalement assistée dans des délais raisonnables.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. La limitation des délais d’accès aux techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP) constitue une priorité du Gouvernement. Afin d’assurer la pleine effectivité de ce nouveau droit ouvert à toutes les femmes par la loi relative à la bioéthique – qui, vous l'avez rappelé, est une avancée majeure –, un comité de suivi national, associant l’ensemble des parties prenantes, a été institué en novembre 2021 au sein du ministère de la santé.

Ce comité, qui s’est réuni pour la quatrième fois le 17 octobre dernier, assure un suivi au plus près des préoccupations du terrain, rend compte de l'application de la loi et identifie toutes les difficultés, que des mesures correctrices viendront résoudre. Pour mesurer l'impact de la loi sur l'activité des centres, il s'appuie notamment sur la réalisation d’enquêtes régulières effectuées par l'ABM. Les résultats observés du 1er janvier au 30 juin 2022, qui viennent compléter les études dont les conclusions ont été présentées lors des précédentes réunions du comité de suivi, confirment une tendance à la hausse des demandes de prise en charge, du nombre de donneurs mais également des demandes d’autoconservation médicale.

Des financements exceptionnels, à hauteur de 7,3 millions d’euros en 2021 et de 5,5 millions d’euros en 2022, ont été fléchés vers les centres responsables des procédures de PMA afin d'assurer l’acquisition de matériel et le recrutement de personnels. Ce soutien financier et la mobilisation des centres ont permis de limiter l’augmentation des délais d’accès à une procédure d'AMP. À la fin du mois de juin 2022, les centres estimaient ces délais à 13,8 mois en moyenne, alors qu'ils les évaluaient à 12 mois en décembre 2021. Cet allongement s'explique à la fois par l'ouverture de la PMA à de nouveaux publics et par le nouveau cadre réglementaire sur les conditions d’âge.

Le niveau d’activité, les délais de prise en charge et les moyens engagés continueront à faire l’objet d’un suivi rapproché en 2022 et en 2023, dans le cadre des enquêtes précitées, ce qui permettra de compléter, le cas échéant, le soutien financier apporté aux centres. Le niveau de financement pour 2023 sera défini sur la base du niveau d’activité de 2022 et sera précisé en fonction des besoins identifiés dans le cadre du comité de suivi.

Enfin, une concertation entre centres publics et privés, annoncée lors du comité de suivi du 17 octobre 2022, sera lancée dans les prochaines semaines. Elle permettra d’identifier les leviers disponibles pour limiter le délai d’accès moyen à une procédure d'assistance médicale à la procréation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Prisca Thevenot.

Mme Prisca Thevenot. Je vous remercie, madame la ministre déléguée, d'autant que vous avez répondu à la question que je m'apprêtais à vous poser sur la mise à contribution du secteur privé, surtout en cette période tendue, dans laquelle l'allongement des délais induit une perte de chance pour de nombreuses femmes. Je serai particulièrement attentive aux conclusions des études que vous avez évoquées.

Données clés

Auteur : Mme Prisca Thevenot

Type de question : Question orale

Rubrique : Femmes

Ministère interrogé : Santé et prévention

Ministère répondant : Santé et prévention

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 novembre 2022

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