Question de : M. Thomas Ménagé (Centre-Val de Loire - Rassemblement National)

M. Thomas Ménagé attire l'attention de M. le Premier ministre sur le fardeau normatif excessif en France et ses répercussions sur l'économie. Les données récentes illustrent que les professionnels de santé, à l'instar des médecins, allouent près de 14 % de leur temps hebdomadaire aux obligations administratives, tandis que les agriculteurs y consacrent entre 9 et 12 heures, aggravant ainsi leur charge de travail déjà conséquente. La sphère administrative engendre, selon certaines estimations, un coût annuel de 100 milliards d'euros pour les entreprises, ce qui équivaut à 3 % du PIB national. L'expansion du volume des normes, ayant presque doublé de 22,5 millions de mots en 2002 à 42,4 millions en 2021, met en évidence une inflation normative préoccupante. Bien que la circulaire du 26 juillet 2017 ait prévu un mécanisme de compensation des normes afin de limiter cette croissance, les résultats escomptés semblent loin d'être atteints et l'effectivité de son application pose question. À l'inverse, des nations, comme l'Allemagne et la Belgique, ont significativement réduit les coûts administratifs pesant sur leurs entreprises en instaurant des conseils nationaux de contrôle des normes et en appliquant la méthode « one in, one out » qui devrait, en théorie, être appliquée dans le pays. Le Royaume-Uni, avec sa politique « one in, three out », démontre également qu'une gestion plus rigoureuse des normes est non seulement possible mais également bénéfique. Alors que la lutte contre l'inflation normative pourrait produire une économie annuelle potentielle de 20 milliards d'euros pour la France, ces exemples étrangers démontrent que des stratégies de simplification normative efficaces peuvent considérablement alléger le fardeau administratif et stimuler la productivité économique. Dans ce contexte, il lui demande quelles initiatives compte prendre le Gouvernement pour contrecarrer l'inflation normative en France afin de soulager les professionnels et les entreprises du poids des démarches administratives et de contribuer ainsi à la revitalisation de notre économie, en s'inspirant éventuellement des modèles de gestion des normes des voisins européens.

Réponse publiée le 11 juin 2024

Le Gouvernement a placé la simplification des normes au cœur de son action, pour alléger le poids des contraintes qui pèsent sur l'ensemble des acteurs sociaux : entreprises, collectivités, citoyens, dans tous les domaines de l'action publique. Chaque ministère a d'ores-et-déjà élaboré un plan d'actions en la matière, en identifiant dans son champ de compétences dix mesures de simplification qui seront mises en œuvre sans délai. Pour ce qui concerne les normes applicables aux collectivités territoriales, un travail partenarial engagé entre le Gouvernement et le Sénat s'est traduit par la signature le 16 mars 2023 d'une charte de simplification comportant des objectifs communs. Un bilan positif de ces engagements a été présenté au Sénat à l'occasion du premier anniversaire de la charte le 4 avril dernier. Une partie des engagements pris en 2023 concernait les relations entre Gouvernement et le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN). Ils ont tous été tenus, en particulier celui de réduire le nombre de saisines en urgence et en extrême urgence du CNEN par le Gouvernement, puisque ce nombre a été divisé par deux, passant de 26% des textes inscrits à l'ordre du jour en 2022 à 13% en 2023. Cet effort est bien évidemment maintenu en 2024. Au-delà de ces premières avancées, le Gouvernement estime qu'un inventaire des normes pesant sur les collectivités qui ne sont pas nécessaires doit être réalisé. La mission conduite à la demande du Gouvernement par le maire de Charleville-Mézières, M. Boris Ravignon, a formulé des propositions pour y parvenir. Elles sont examinées avec attention et se traduiront par des mesures concrètes. Des propositions de suppression de normes obsolètes sont également attendues du CNEN, dont l'apport dans l'évaluation des normes applicables aux collectivités n'est plus à démontrer. Plus largement, le Gouvernement envisage de mettre en place un vaste chantier de simplification et de « délégalisation », c'est-à-dire la sortie de certains sujets du domaine de la loi. C'est un travail considérable qui n'entre pas en contradiction avec les prérogatives du Parlement. Il doit permettre de résoudre des problèmes concrets que rencontrent nos concitoyens. Le Gouvernement a également sollicité, dans une lettre de mission du 20 mars 2024, le concours du Conseil d'Etat pour l'aider à identifier, en liaison avec les administrations concernées, des cas concrets de complexité normative appelant une simplification. Les travaux du groupe de travail constitué à cet effet viennent de débuter. Les entreprises, et particulièrement les PME et les TPE, ont également des attentes fortes en matière de simplification et d'allègement des contraintes administratives qui pèsent sur leur activité. Un projet de loi en cours d'examen par le Parlement apportera des réponses concrètes à de nombreuses difficultés du quotidien rencontrées par les entreprises. Ce projet a été élaboré à l'issue d'une grande consultation publique ouverte à l'ensemble des acteurs concernés. En outre, le Gouvernement a confié le 29 mai dernier une mission de simplification à six inspections ministérielles, dont le service de l'Inspection générale des finances, le Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies et le service de l'inspection générale de l'administration. Ces inspections sont chargées notamment de remettre dans un délai de six mois un rapport identifiant des procédures à simplifier ou à supprimer pour faciliter la vie des entreprises. Ce grand chantier de simplification doit également se traduire dans le processus d'élaboration de toute nouvelle norme, qui doit être concertée, étudiée, et parfaitement nécessaire avant d'être décidée. A cet égard, l'évaluation préalable des projets de normes doit exposer clairement la nécessité de la nouvelle norme ainsi que les options envisagées et non retenues, et mesurer le plus précisément possible ses impacts attendus. S'agissant des normes intéressant les collectivités, la concertation doit être conduite le plus en amont possible avec les élus locaux et leurs associations représentatives. Comme le mentionne l'auteur de la question, le Gouvernement applique effectivement dans le champ du pouvoir réglementaire autonome le principe de la double compensation réglementaire, dite « deux pour un ». Ce dispositif vise à compenser les contraintes nouvelles créées par les décrets autonomes pris par le Gouvernement à l'égard des collectivités territoriales, des entreprises, des particuliers ou des services déconcentrés par des suppressions ou des allègements de contraintes déjà existantes. Le Royaume-Uni s'est inspiré de la pratique française pour mettre en place un système semblable de compensation des normes nouvelles contraignantes. Depuis l'entrée en vigueur de ce dispositif, en septembre 2017, 71 décrets autonomes ont été identifiés comme entrant dans le champ de la double compensation réglementaire. Après examen, l'entrée en vigueur de 40 de ces décrets a été conditionnée à la mise en place de 95 mesures de compensation (16 abrogations, 76 simplifications et 3 abandons). Le dispositif a produit une économie nette de 2,02 M€ pour l'année 2023, pour un total cumulé de 71,1 M€ depuis 2017. Pour ce qui concerne les normes législatives, il convient de rappeler que l'initiative de celles-ci est partagée entre le Gouvernement et le Parlement, et que la part des propositions de lois dans le total des lois adoptées augmente structurellement depuis 4 ans pour devenir majoritaire par rapport aux projets de lois (en 2023, 21 projets de loi votées contre 35 propositions). En outre, le travail parlementaire contribue à l'augmentation des normes, que ce soit par le biais du nombre d'articles ou du nombre de mesures d'application ajoutés au cours de la navette parlementaire. Au-delà du travail du Gouvernement et du Parlement, l'accroissement des normes traduit également une multiplication des sources du droit : ratification de normes internationales et européennes, règles locales (qu'elles soient établies par les collectivités ou par les autorités déconcentrées), conventions collectives traduites dans la loi ou décision des autorités indépendantes. Par ailleurs, des progrès significatifs peuvent par exemple être soulignés dans le domaine des circulaires, dont le nombre a été rationnalisé dans les dernières années. Ainsi, 1809 circulaires ont été diffusées sur Légifrance en 2012, contre seulement 65 en 2023. Le stock de circulaires considérées comme « en vigueur » est passé de 27 836 au 1er janvier 2018 à 10 405 circulaires au 1er janvier 2022, soit une diminution de 62 %. La lutte contre l'inflation normative est l'affaire de tous et le Gouvernement continuera d'y prendre sa part avec détermination.

Données clés

Auteur : M. Thomas Ménagé (Centre-Val de Loire - Rassemblement National)

Type de question : Question écrite

Rubrique : Administration

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Dates :
Question publiée le 16 avril 2024
Réponse publiée le 11 juin 2024

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