16ème législature

Question N° 17174
de M. Damien Maudet (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Haute-Vienne )
Question écrite
Ministère interrogé > Santé et prévention
Ministère attributaire > Santé et prévention

Rubrique > médecine

Titre > ECOS : les étudiants de médecine ne veulent pas jouer leur avenir à la loterie

Question publiée au JO le : 16/04/2024 page : 2956

Texte de la question

M. Damien Maudet alerte le M. le ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention, au sujet de l'application de la réforme du 2e cycle des études de médecine (R2C). « Nous serons des milliers à faire des recours. Si ça bloque ce sera autant d'étudiants qui ne seront pas internes, qui ne renforceront pas les hôpitaux ». « Après 6 ans, devons-nous réellement remettre le choix de notre spécialité et de façon plus large notre vie, entre les mains du hasard, de la subjectivité et de la chance ? » Arrivés à la fin de de leur deuxième cycle, les plus de 8 000 étudiants de médecine en 6e année ont un concours « classant », qui détermine, selon leurs notes, les spécialités et les régions d'affectations des futurs praticiens. C'est essentiel. Plus l'on arrive haut, plus on a de chance d'avoir la spécialité désirée. C'est un concours d'une importance capitale. Cette année, une réforme du concours est appliquée. Le concours écrit de fin d'année laisse place à une nouvelle formule décomposée en deux temps : un concours écrit en début d'année (qui représente 60 % de la note) et une épreuve pratique en mai les « ECOS », examens cliniques objectifs structurés (ils représentent 30 % de la note). Enfin, 10 % de la note sont liés à un dossier parcours de l'étudiant. L'incertitude se situe au niveau des ECOS. Il s'agit d'examen sur des patients témoins, des volontaires rémunérés pour jouer le rôle du patient et de l'infirmier. Le tout se déroule devant deux professeurs, un issu de la ville d'étude, l'autre d'une autre académie et ils déterminent une note. Il faut le dire, l'idée a été dans un premier temps plébiscitée par les acteurs universitaires : doyens, étudiants, professionnels. La réforme a peiné à être appliquée et devant l'incertitude, nombre d'étudiants de médecines ont fait le choix de redoubler leur cinquième année, pour mieux appréhender le concours décisif de la sixième année. Les ECOS « tests » qui ont eu lieu en mars 2024 leur ont sans doute donné raison. De toute évidence, personne n'était réellement prêt et il s'avère qu'un fort risque de rupture d'égalité pèse sur cette épreuve, ce qui est d'autant plus grave qu'elle est « classante », c'est-à-dire que la note pèse pour le classement final. Lors de cette épreuve orale, les étudiants sont évalués par deux professeurs, qu'ils ont bien souvent rencontré ou avec qui ils ont eu l'occasion d'exercer à l'occasion de leurs stages. Dès lors, l'anonymat et l'impartialité nécessaire à l'évaluation ne peut être garantie. Par ailleurs, ces épreuves sont des mises en situations, lors desquelles des acteurs jouent les patients. Pour cela, ils reçoivent le script 6 semaines en avances. Si, sur le papier, ces acteurs s'engagent à ne pas avoir de lien avec l'étudiant évalué et à ne pas divulguer le scénario de l'épreuve, dans les faits ce n'est pas le cas. Un étudiant de Limoges lui a confié avoir recroisé la « volontaire test » dans une AG d'association par exemple. Si cette dernière décide de nouveau d'être volontaire, rien ne garantit qu'elle ne donnera pas d'informations aux étudiants. Aussi, lors de ces ECOS « tests », de très nombreux manquements ont été constatés : fuite des sujets dans certaines facultés, évaluateurs étant parents ou proches des étudiants évalués, modification des scénarios par les acteurs alors même que les scripts doivent être similaires d'un étudiant à l'autre, impossibilité pour les évaluateurs d'intervenir en cas d'erreur sur les informations données par les acteurs. Enfin, de nombreux doyens et l'ANEMF ont expliqué avoir eu des problèmes dans la remontée des évaluations et notes, avec des pertes de copies considérables. On est à deux mois des épreuves nationales « classantes » et de toute évidence, le système n'est pas fonctionnel. 8 000 étudiants vont donc passer leurs épreuves dans des conditions inacceptables, d'autant plus que leur carrière professionnelle, leur investissement pour la santé de la Nation va être déterminé à ce moment. Lors des questions d'actualité au Sénat, M. le ministre répondu à une parlementaire centriste qu'il réfléchira à des modifications « l'année prochaine » et que l'on ne change pas la nature d'un examen « en cours de route ». Il semble à M. le député que l'on peut pourtant trouver une solution alternative, sans remettre en cause l'intégralité du dispositif. Il suffirait de rendre les ECOS « validants » et non « classants ». C'est-à-dire que leur obtention détermine un passage ou non en troisième cycle, mais ne permet pas de faire gagner des places au classement. L'inégalité et le manque de recul, sont trop risqués, surtout lorsque le moindre demi-point peut permettre de gagner des centaines de places au concours. Par ailleurs, les autres pays qui ont mis en place des ECOS sur le même modèle les ont appliqués au titre « validant ». Une consultation sur 34 facultés montre que 80 % des étudiants souhaitent que les ECOS restent « validant » et non « classants » en France aussi. À l'été 2024, dans les hôpitaux français, combien d'internes manqueront à l'appel ? Déjà en octobre 2023 pour le concours écrit, les EDN, 2 000 étudiants, sur les 10 000 initiaux préféraient redoubler. Combien d'autres, parmi les 8 000 restant choisiront de retarder leur internat plutôt que demeurer dans ce qu'ils désignent comme la « promotion crash-test », la première à expérimenter la réforme. Une hécatombe dans un contexte où les hôpitaux sont déjà sous tension ? Les étudiants déposeront des recours à l'issue des ECOS. Si la justice leur donne raison, c'est pour tout une cohorte que l'année sera potentiellement invalidée. Autant d'internes qui ne se formeront pas dans les hôpitaux. Et plus honnêtement, qui ne prêteront pas main forte aux professionnels. « L'hôpital ne peut pas tourner sans les internes, qui représentent 40 % des personnels », s'inquiète Jérémy Darenne, président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France. « Pour compenser cette absence, les charges de travail vont encore augmenter, de même que la contribution des externes ». Aussi bien pour assurer l'égalité des chances des futurs médecins, que pour garantir le bon fonctionnement des hôpitaux, il lui demande s'il écoutera les étudiants et les doyens et fera que les ECOS permettent validation mais n'influencent pas le classement au concours.

Texte de la réponse