16ème législature

Question N° 173
de M. Arnaud Le Gall (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Val-d'Oise )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique
Ministère attributaire > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Rubrique > retraites : généralités

Titre > Impact de la contre-réforme sur le niveau de vie des futurs retraités

Question publiée au JO le : 21/02/2023
Réponse publiée au JO le : 01/03/2023 page : 1869

Texte de la question

M. Arnaud Le Gall interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur le fait que, pour défendre sa contre-réforme des retraites, le Gouvernement utilise souvent la comparaison internationale. La France serait une exception dans l'Union européenne, voire dans le monde. Un îlot irrationnel et hédoniste au milieu de nations raisonnables dont la population active n'aurait pas, elle, regimbé à travailler plus longtemps. Ce raisonnement repose notamment sur deux mensonges par omission. Premier mensonge par omission : l'âge légal du départ à la retraite doit être distingué de l'âge de départ effectif. Or pour limiter les décotes, les Français et Françaises partent en moyenne plus tard à la retraite que les autres salariés européens : 64,5 ans en France, contre 63,9 ans en UE (et 63,8 ans dans l'OCDE). Depuis 2011, l'UE a demandé huit fois, à la France, de reculer l'âge de départ à la retraite afin de respecter le totem des « 3 % de déficit », norme strictement comptable dont l'efficacité macro-économique est plus que contestable. Surtout, c'est M. le ministre qui a créé les déficits dans le budget de l'État qu'il prétend à présent combler en s'attaquant au système des retraites. Comment ? En versant, sans aucune contrepartie, des aides qui ont explosé pour atteindre aujourd'hui 6,4 % du PIB, soit plus de 30 % du budget de l'État. En pure perte. Par conséquent, comme l'a dit lui-même le président du COR, « les dépenses du système des retraites ne dérapent pas. Mais elles ne sont pas compatibles avec les objectifs de politique économique et de finances publiques du Gouvernement ». Là réside la véritable raison d'être de cette contre-réforme. Deuxième mensonge par omission : à chaque fois qu'un pays a repoussé l'âge de départ à la retraite, le taux de pauvreté des retraités a augmenté. Aujourd'hui, si le taux de pauvreté des retraités français est le deuxième plus bas de l'UE, avec 10,1 %, c'est aussi parce que l'âge de départ légal à la retraite est un des plus bas. On peut prendre, a contrario, le cas de l'Allemagne. Depuis 2007, l'âge de départ à la retraite recule d'un mois tous les ans, pour atteindre 67 ans en 2031 et passer de 43 à 45 annuités d'ici 2029. Dans le même temps, les pensions versées en moyenne chuteront de 52,6 % des salaires en 2005, à 43 % en 2030. Le taux de pauvreté des seniors est passé de 15,1 % en 2012 à 19,3 % en 2021. Là aussi, ce sont les femmes qui sont les plus touchées. Idem aux Pays-Bas. 5,9 % de retraités pauvres en 2013. Et 16,7 % aujourd'hui, depuis que l'âge de départ est passé à 66 ans. Plus de dix points en dix ans. Dix points en dix ans. Et l'on pourrait multiplier les exemples. Cette hausse du taux de pauvreté proportionnelle au recul de l'âge de départ à la retraite s'explique par le fait que beaucoup de travailleurs et travailleuses soit ne sont plus en capacité physique d'exercer d'emploi passés 60 ans, soit subissent le chômage. Dans les deux cas, ils quittent donc plus tôt le monde de l'emploi et ne bénéficient pas d'une retraite à taux plein. En 2021, en France, seuls 56 % des 55-64 ans occupaient un emploi, tandis que l'espérance de vie en bonne santé était de 64,1 ans pour les femmes et à 62,7 ans pour les hommes. Hormis un index senior purement ornemental, qu'a prévu M. le ministre de sérieux pour éviter ces trappes à pauvreté ? Enfin, il lui demande comment il compte empêcher les actifs d'aujourd'hui de devenir les retraités pauvres de demain.

Texte de la réponse

NIVEAU DE VIE DES FUTURS RETRAITÉS


Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Le Gall, pour exposer sa question, n°  173, relative au niveau de vie des futurs retraités.

M. Arnaud Le Gall. Pour défendre sa contre-réforme des retraites, le Gouvernement utilise souvent la comparaison internationale. La France serait une exception dans l'Union européenne, voire dans le monde, un îlot un peu hédoniste au milieu de nations raisonnables dont la population accepterait de travailler plus longtemps. Ce raisonnement repose sur deux mensonges par omission ou deux approximations.

La première concerne l'âge légal du départ à la retraite, qui doit être distingué de l'âge de départ effectif. Or pour limiter les décotes, les Françaises et les Français, en moyenne, ne partent pas plus tôt que dans les autres pays de l'Union européenne : 64,5 ans en France contre 64 ans dans l'Union européenne et 63,8 ans dans l'ensemble des pays de l'OCDE – Organisation de coopération et de développement économiques.

Depuis 2011, l'Union européenne a demandé à huit reprises à la France de reculer l'âge de départ à la retraite, afin de respecter le totem des 3 % de déficit, une norme strictement comptable dont l'efficacité macro-économique reste à démontrer. Surtout, on peut considérer que ce sont les politiques économiques menées en France qui ont aggravé les déficits dans le budget de l'État, qui entend désormais les combler en s'attaquant au système de retraite : il verse des aides publiques sans contrepartie à des entreprises qui, notamment, ne créent pas d'emplois et n'investissent pas. Comme l'a dit le président du Conseil d'orientation des retraites – COR –, le véritable objet de la réforme des retraites est de financer la politique économique décidée par le président Macron.

Deuxième approximation : à chaque fois qu'un pays a repoussé l'âge de départ à la retraite, le taux de pauvreté des retraités a augmenté. Si le taux de pauvreté des retraités français – 10,1 % – est le deuxième plus bas de l'Union européenne, c'est aussi parce que l'âge légal de départ à la retraite est moins élevé. En revanche, en Allemagne, depuis 2007, l'âge de départ à la retraite recule d'un mois tous les ans pour atteindre 67 ans en 2031 ; quant à la durée de cotisation elle passera de quarante-trois à quarante-cinq annuités d'ici à 2029. Dans le même temps, les pensions versées chuteront, passant en moyenne de 52,6 % des salaires en 2005 à 43 % en 2030. Le taux de pauvreté des seniors est passé de 15 % en 2012 à 19,3 % en 2021, et ce sont les femmes qui sont les plus touchées. Tel est également le cas dans plusieurs autres pays européens où ces mesures ont été adoptées.

La hausse du taux de pauvreté, proportionnelle au recul de l'âge de départ à la retraite, s'explique par le fait que de nombreux travailleurs et travailleuses soit ne sont plus capables physiquement d'exercer leur emploi, une fois qu'ils ont atteint l'âge de 60 ans – ils sont donc en invalidité –, soit sont au chômage. Dans les deux cas, ils quittent donc plus tôt le monde de l'emploi et ne bénéficient pas d'une retraite à taux plein. En 2021, en France, seuls 56 % des 54-64 ans occupaient un emploi, tandis que l'espérance de vie en bonne santé était de 64,1 ans pour les femmes et 62,7 ans pour les hommes.

Ma question est très simple : quelles dispositions sérieuses visant à éviter ces trappes à pauvreté avez-vous prévues dans la réforme des retraites qui continue d'être débattue au Parlement, et comment comptez-vous empêcher que les actifs d'aujourd'hui deviennent les retraités pauvres de demain ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l’écologie.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l’écologie. S'agissant du premier point sur les comparaisons internationales, il est nécessaire de distinguer l'âge légal de départ à la retraite de l'âge de départ effectif. Or cela suppose d'utiliser les données adéquates. Les chiffres de l'Organisation de coopération et de développement économiques – OCDE – que vous avez cités ne correspondent pas aux âges moyens de départ effectif observés, mais à un cas type d'âge d'obtention d'une pension sans pénalité pour une personne ayant débuté sa carrière à 22 ans sans interruption de carrière.

Le Gouvernement s'appuie sur les données de la Commission européenne puisqu'elle compare les âges effectivement observés. Ainsi, en 2019, l'âge moyen de la liquidation était plus faible en France que dans les principaux pays européens ; en France, les hommes liquidaient leur pension à 62 ans contre 64 ans en Allemagne. L'âge moyen de sortie du marché du travail était aussi plus faible en France que la moyenne de l'Union européenne : respectivement 62,3 ans contre 63,3 ans pour les hommes, et 62,2 ans contre 62,4 ans pour les femmes.

S'agissant de votre deuxième interrogation relative à l'impact de l'âge de départ sur le taux de pauvreté et de l'exemple allemand que vous mentionnez, si le taux de pauvreté des retraités français est l'un des plus bas dans l'Union européenne, c'est avant tout grâce à la protection contre la pauvreté que nous garantissons aux âges élevés, à travers les dispositifs de solidarité, notamment le minimum vieillesse. L'augmentation de l'âge moyen de départ effectif depuis 2010 ne s'est pas traduite par celle du taux de pauvreté des retraités. Au contraire, ce taux a diminué. Par ailleurs, si nous regardons les effets des réformes passées, décaler l'âge de la retraite, c'est augmenter l'emploi des seniors.

Enfin, sur l'équilibre général de la réforme et sa capacité à protéger nos aînés les plus vulnérables, rappelons que celle-ci bénéficiera davantage aux pensions des plus modestes, grâce à la revalorisation du minimum contributif et à l'intégration des périodes de congé parental dans son calcul. À la suite de l'entrée en vigueur de la réforme, les trois premiers déciles de pension augmenteront davantage que les autres déciles.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Le Gall.

M. Arnaud Le Gall. Au-delà de la bataille de chiffres sur laquelle on pourrait disserter longtemps – je maintiens que le taux de pauvreté, dont l'augmentation est corrélée au recul de l'âge de départ légal, est exact –, le véritable sujet est qu'il n'est pas certain que ce recul conduira à augmenter le taux d'emploi des seniors. Du reste, j'attends toujours qu'on nous démontre que les mêmes causes ne produiront pas les mêmes effets, étant donné que le nombre de personnes étant au chômage lorsqu'elles partent à la retraite augmentera.