Projet d'Osmose iInverse basse pression (OIBP) mené par le SEDIF
Question de :
Mme Clémence Guetté
Val-de-Marne (2e circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale
Mme Clémence Guetté interroge M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur le projet d'Osmose inverse basse pression (OIBP) mené par le syndicat des eaux d'Île-de-France (SEDIF). L'OIBP est un dispositif de filtrage de l'eau utilisant des membranes percées de pores très fins, employé au départ pour désaliniser l'eau de mer et qui permet d'obtenir une eau très pure en éliminant tous les micropolluants grâce à cette filtration membranaire ultrafine. Le SEDIF souhaite implanter ce dispositif sur ses trois sites principaux : Neuilly-sur-Marne, Méry-sur-Oise et Choisy-le-Roi. Sous des apparences de santé publique, en permettant d'éliminer les micropolluants et d'éviter l'utilisation du chlore pour purifier l'eau, cette technique pose la question de son utilité mais aussi des problèmes environnementaux, financiers ou encore énergétiques et semble surtout constituer un moyen pour Veolia, prestataire exclusif du SEDIF, de s'arroger un monopole sur le marché de la production et de la distribution de l'eau potable en Île-de-France. D'un point de vue sanitaire, l'eau ainsi produite est tellement pure qu'elle est déminéralisée, donc impropre à la consommation et nécessite de réintroduire des minéraux en la coupant à 20 % avec de l'eau issue d'une filière classique. Par ailleurs, aucun élément ne permet de garantir que le SEDIF n'ajoutera pas de chlore au moment du transport de l'eau dans les canalisations. Le chlore pourra ainsi toujours être présent dans l'eau. La question de l'utilité d'un tel processus, alors que l'eau d'Île-de-France dans sa production actuelle est parfaitement potable, peut donc se poser. D'un point de vue écologique et environnemental, ce projet pose également problème : le concentrat issu de la production va être rejeté directement dans la Seine, rejetant ainsi plusieurs polluants et la construction de canalisations aura un impact sur l'habitat de plusieurs espèces rares et donc sur la biodiversité locale. D'après la mssion régionale d'autorité environnementale, pour produire la même quantité d'eau potable, le processus OIBP utiliserait 10 % d'eau en plus. Ce procédé consomme également trois fois plus d'électricité que le procédé actuel. D'un point de vue financier, ce projet est particulièrement coûteux : il nécessite deux milliards d'investissements si le SEDIF l'impose dans toutes ses usines. Et ce projet est également coûteux pour les usagers, puisque l'eau ainsi produite coûtera vingt centimes de plus par mètre cube. Ce projet devait initialement être mis en place à Arvigny, qui aurait servi de pilote pour l'opération, mais les élus locaux se sont opposés et celui-ci n'a pas obtenu l'autorisation requise de la préfecture. Pourquoi chercher à implanter dans d'autres communes un projet qui a déjà été rejeté par le représentant de l'État ? Avec ce procédé, le SEDIF semble surtout chercher à imposer cette technologie comme incontournable sur toute l'Île-de-France afin de rendre obsolètes les techniques antérieures et pouvoir obtenir avec son prestataire Veolia un monopole sur le marché. Elle s'interroge donc sur ce que le Gouvernement souhaite entreprendre afin d'éviter la mise en place de ce type de projet OIBP, qui ne paraît pas nécessaire et qui pose de surcroît des problèmes environnementaux, financiers ou encore énergétiques.
Réponse publiée le 21 février 2023
La qualité de l'eau distribuée au consommateur par le Syndicat des eaux d'Ile-de-France (SEDIF) est actuellement excellente et ne fait l'objet d'aucune restriction de consommation. A noter que le SEDIF mène actuellement une procédure de renouvellement du contrat de délégation de service public (information, calendrier et documents accessibles sur le site internet du SEDIF). Le projet d'osmose inverse basse pression proposé par le SEDIF a été élaboré à la suite d'enquêtes auprès des usagers révélant leur non-satisfaction concernant les paramètres organoleptiques de l'eau distribuée, notamment son goût chloré ainsi que sa dureté liée à la présence de calcaire. Afin de répondre aux attentes des consommateurs, ce projet prévoit trois objectifs d'amélioration de la qualité de l'eau distribuée visant notamment à réduire la présence de micropolluants dans l'eau (notamment les pesticides), à abaisser la dureté de l'eau (réduire les empreintes carbone et énergétique globales et diminuer les dépenses liées au tartre pour les usagers) et à abattre la matière organique pour permettre une diminution voire une suppression du chlore dans l'eau distribuée. D'un point de vue règlementaire, le procédé d'osmose inverse est autorisé par la circulaire n° 2000/166 du 28 mars 2000 relative aux procédés et produits de traitement des eaux destinées à la consommation humaine (EDCH). Ce procédé de rétention permet l'élimination importante de micropolluants organiques, sans recours à un processus de transformation à l'origine de formation de nouvelle substance. Dès lors que les modules de filtration membranaires possèdent une attestation de conformité sanitaire délivrée par un laboratoire habilité par le ministère chargé de la santé, conformément à l'arrêté du 22 juin 2012 relatif aux conditions de mise sur le marché et de mise en œuvre des modules de filtration membranaires utilisés pour le traitement des EDCH, rien ne s'oppose réglementairement à la mise en œuvre d'un tel dispositif de traitement de l'eau. Les projets de diminution, voire de suppression de la chloration des EDCH sont suivis de près par les autorités sanitaires, notamment sur les enjeux sanitaires liés aux sous-produits de désinfection. Si ce projet devait être mis en place en Ile-de-France, il se ferait de manière progressive et en conservant une capacité de chloration mobilisable rapidement. Un comité d'experts « eau sans chlore » a été créé par le SEDIF afin d'étudier la faisabilité technique du principe. De plus, la direction générale de la santé mène actuellement une réflexion nationale sur cette pratique afin d'identifier et maîtriser les enjeux sanitaires pouvant en découler : bénéfices sanitaires attendus (limitation de la formation de sous-produits de désinfection), risques associés, pertinence de définir des paramètres supplémentaires à suivre dans le cadre du contrôle sanitaire effectué par les agences régionales de santé (ARS), etc. Les évolutions relatives aux procédés de traitement au sein des installations de production d'EDCH renvoient directement aux plans de gestion de la sécurité sanitaire des eaux (PGSSE) s'agissant d'une approche de gestion préventive des risques sanitaires susceptibles d'altérer la qualité des EDCH. Ainsi, les études inhérentes au PGSSE pourraient intégrer ces hypothèses de changement de procédés de désinfection au regard des connaissances acquises dans les lieux de production et de distribution mettant en œuvre ce type de procédé. Les modifications de filière de traitement sont soumises à avis préalable du préfet de département. Tout dossier est présenté au conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques, après avis de l'ARS. Le choix de l'implantation de ce type de procédé revient donc à chaque préfecture.
Auteur : Mme Clémence Guetté
Type de question : Question écrite
Rubrique : Eau et assainissement
Ministère interrogé : Transition écologique et cohésion des territoires
Ministère répondant : Organisation territoriale et professions de santé
Dates :
Question publiée le 4 octobre 2022
Réponse publiée le 21 février 2023