Question au Gouvernement n°1787 : Projet de loi sur la fin de vie

16ème Législature

Question de : Mme Laurence Maillart-Méhaignerie (Bretagne - Renaissance), posée en séance, et publiée le 11 avril 2024


PROJET DE LOI SUR LA FIN DE VIE

Mme la présidente . La parole est à Mme Laurence Maillart-Méhaignerie.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie . Le 12 juillet 2023, quelques semaines après la remise des conclusions des travaux de la Convention citoyenne sur la fin de vie, plusieurs députés de différentes sensibilités politiques – Olivier Falorni, Philippe Vigier, Hadrien Clouet, Marie-Noëlle Battistel, Julie Laernoes, Paul Christophe, David Habib, Maxime Minot, Nicolas Sansu et Laurent Panifous – et moi-même avons publié dans Le Monde une tribune dont je souhaite citer quelques extraits.

« Depuis de nombreuses années, nos concitoyens s'expriment toujours plus majoritairement pour faire évoluer le cadre législatif de l'accompagnement en fin de vie et permettre la légalisation de l'aide active à mourir, dans un cadre très précisément défini. Ils demandent aussi l’accès à des soins palliatifs de qualité partout et pour tous. […] Pourtant, jamais, jusqu'alors, notre pays n'a voté une telle loi de liberté pour les Françaises et les Français atteints à un stade avancé ou terminal d’une affection grave et incurable, dont les souffrances physiques ou psychiques sont insupportables et inapaisables. […] Nous, parlementaires de différents groupes politiques de l’Assemblée nationale, ne voulons plus fermer les yeux sur ces souffrances indicibles, sur ces demandes de nos concitoyens quand la vie n'est devenue que survie. Oui, nous revendiquons une loi de libre choix qui n'imposerait rien à personne et qui respecterait toutes les consciences. […] Il est temps que la France se saisisse enfin de cette loi humaine et solidaire, encadrée et respectueuse de tous, soignants et patients. »

Nous y sommes, monsieur le Premier ministre : un projet de loi sur l'accompagnement des malades et de la fin de vie a été présenté ce matin en Conseil des ministres. Le Président de la République et vous-même avez tenu vos engagements ; nous vous en remercions. Pourriez-vous nous présenter les grandes lignes de ce projet de loi attendu par une grande majorité de Français ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)

M. Pierre Cordier . Allô, allô !

Mme la présidente . La parole est à M. le Premier ministre.

M. Gabriel Attal, Premier ministre . Le rapport à la mort, à sa propre mort, est le plus intime et le plus difficile qui soit. Il se nourrit bien souvent d'expériences personnelles, de convictions spirituelles ou philosophiques, voire de la foi. Conscient qu'il s'agit d'une question infiniment complexe, le Président de la République a choisi d'avancer avec la plus grande prudence pour répondre à l'aspiration des malades et des familles, et pour tenir l'engagement pris lors de la campagne présidentielle de 2022.

Compte tenu des travaux du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) et de la Convention citoyenne sur la fin de vie, compte tenu des consultations menées auprès des soignants, des associations ou encore des représentants des cultes, le Président de la République a tracé, il y a quelques semaines, les contours d'une nouvelle évolution de la législation dans ce domaine. C'est dans ce cadre que s'inscrit le projet de loi présenté ce matin en conseil des ministres et transmis au Parlement. L'Assemblée nationale aura l'occasion de l'examiner en séance publique à partir du 27 mai. Je précise d'ores et déjà que la procédure accélérée ne sera pas enclenchée, pour permettre au débat de se tenir aussi longtemps qu'il le faudra et à un consensus d'émerger. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. Philippe Vigier applaudit également.)

M. Jean-Michel Jacques . Bravo !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . Ce nouveau modèle repose sur un cap : préserver la dignité en accompagnant toujours mieux ceux qui souffrent. C'est pourquoi, sans attendre l'examen du projet de loi – le sujet était d'ailleurs inscrit ce matin à l'ordre du jour du Conseil des ministres – et conformément à la demande unanime des soignants, nous avons dévoilé cette semaine une stratégie décennale pour les soins d'accompagnement, conçus comme dépassant les seuls soins palliatifs. Ce plan prévoit des investissements exceptionnels à hauteur de 1 milliard d'euros supplémentaires sur dix ans.

M. Philippe Gosselin . Cela ne fait jamais que 100 millions par an !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . Nous souhaitons que chacun puisse ainsi avoir accès aux soins palliatifs.

La dignité exige aussi d'admettre que parfois, malgré l'engagement des soignants, la maladie l'emporte. C'est pourquoi le Président de la République a proposé – cette disposition est présente dans le texte – d'autoriser le recours à une aide active à mourir. Il s'agissait d'une attente, voire d'un espoir, des malades et des familles, qui nous demandaient instamment de faire évoluer notre droit.

M. Maxime Minot . Eh oui !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . Cette mesure prend également en considération les travaux de la Convention citoyenne sur la fin de vie, dont les conclusions ont été rendues en avril 2023, et l'avis rendu le 13 septembre 2022 par le CCNE. L'aide active à mourir…

M. Philippe Gosselin . Nommez les choses ! Nous parlons de suicide assisté ou d'euthanasie. Il faut le dire !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . …sera soumise à des conditions très strictes. La décision ultime sera prise par le médecin après avoir recueilli l'avis d'autres professionnels de santé. Les patients concernés devront être majeurs, être capables de discernement plein et entier et être touchés par une maladie incurable qui leur inflige des souffrances réfractaires ; enfin, leur pronostic vital devra être engagé à court terme ou à moyen terme. Ces garanties fortes et nécessaires sont, de l'avis du Gouvernement, la condition qui permet de concilier éthique et dignité.

Je souhaite que les débats qui se tiendront dans votre hémicycle se déroulent dans le plus grand respect des convictions de chacun, et qu'ils manifestent le sens de la responsabilité que, je crois, nous devons aux malades et aux familles qui attendent ce progrès. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

Données clés

Auteur : Mme Laurence Maillart-Méhaignerie (Bretagne - Renaissance)

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Fin de vie et soins palliatifs

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 avril 2024

partager