Question au Gouvernement n°1852 : Plan Écophyto

16ème Législature

Question de : M. Nicolas Thierry (Nouvelle-Aquitaine - Écologiste - NUPES), posée en séance le 16 mai 2024


PLAN ÉCOPHYTO

Mme la présidente . La parole est à M. Nicolas Thierry.

M. Nicolas Thierry . En février dernier, vous annonciez mettre en pause le plan Écophyto, ce qui revient à suspendre purement et simplement la politique de réduction des pesticides en France. Depuis trois mois régnait un faux suspens : la France renoncerait-elle définitivement à toute ambition en matière de réduction des pesticides ?

Aux Françaises et aux Français qui s'inquiètent des substances toxiques qui empoisonnent leur vie, je confirme le plus clairement possible que c'est bien la funeste décision que vous avez prise.

Avec la publication la semaine passée du nouveau plan Écophyto 2030, vous enterrez l'ambition initiale d'Écophyto, qui était de diviser par deux l'usage des pesticides. En changeant d'indicateur,…

M. Vincent Descoeur . Il était d'urgent d'en changer !

M. Nicolas Thierry . …vous préférez casser l'outil de mesure qu'assumer votre renoncement.

À titre d'illustration, si l'on prend les chiffres de l'année 2021, l'utilisation de votre nouvel indicateur conduirait à une mesure de l'utilisation des pesticides inférieure de 30 % à celle calculée en utilisant l'ancien indicateur. Autrement dit, les objectifs de votre nouveau plan Écophyto seront quasiment atteints du seul fait de cette baisse artificielle liée au changement d'indicateur, sans que les pratiques agricoles soient modifiées.

Ce nouvel indicateur n'est pas qu'un choix technique, c'est aussi un sujet démocratique : il permettra à votre gouvernement d'afficher des chiffres flatteurs de réduction des pesticides en dehors de toute baisse réelle de l'utilisation des substances toxiques. C'est une falsification des données de santé publique. (Mmes Cyrielle Chatelain, Julie Laernoes et Sandrine Rousseau manifestent leur assentiment.)

Rappelons quelques faits : en trente ans, le nombre de cancers a doublé en France. Il existe par ailleurs une forte présomption d'un lien entre l'exposition à plusieurs pesticides et le développement de cancers, de lymphomes et de leucémies, y compris chez l'enfant.

Ma question est donc simple – plusieurs centaines de chercheurs, de soignants, d'associations de patients et de défense de l'environnement vous l'ont posée ces derniers jours. Reconsidérerez-vous le choix de cet indicateur frauduleux ? Comptez-vous enfin privilégier la santé publique ou, pour reprendre les termes des scientifiques qui vont ont interpellé, persisterez-vous à choisir le cancer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

Mme Émilie Bonnivard . On n'est jamais dans l'outrance avec l'extrême gauche – en tout cas, on n'est jamais déçu !

Mme la présidente . La parole est à M. le Premier ministre.

M. Gabriel Attal, Premier ministre . Nous n'avons pas de leçons à recevoir de votre part sur la question environnementale.

Mme Julie Laernoes . Vraiment ?

Plusieurs députés du groupe Écolo-NUPES . Si !

Mme Sophie Taillé-Polian . Répondez à la question !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . Je le dis sincèrement : je suis très fier de ce qui a été fait par cette majorité depuis 2017. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

Mme Julie Laernoes . Non mais ce n'est pas possible !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . Jusqu'en 2017, j'étais engagé au sein d'une autre formation politique.

Mme Sophie Taillé-Polian . Qui n'a pas brillé non plus !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . Certes, mais les écologistes faisaient partie de la majorité à l'époque de François Hollande. Or, entre 2012 et 2017, pendant que vos amis étaient au Gouvernement, l'usage des pesticides a augmenté de 20 % en France ! Je le dis d'autant plus volontiers que j'étais alors conseiller ministériel.

Je suis très fier de la baisse de l'usage des produits phytosanitaires qui a eu lieu depuis 2017 à l'initiative du Président de la République et de la majorité actuels. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE – Exclamations sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

M. Charles Sitzenstuhl . C'est vrai, ça baisse !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . Eh oui, c'est vrai ! L'usage des produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques de catégorie 1 (CMR 1), soit les produits phytosanitaires les plus dangereux, a même baissé de 95 % (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe Écolo-NUPES) : vous devriez vous en réjouir, le saluer ! On peut débattre et s'opposer tout en étant capable de reconnaître quand des choses vont dans la bonne direction.

Mme Julie Laernoes . Mais rien ne va dans la bonne direction !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . Nous avons toujours pour objectif de continuer à réduire l'usage des produits phytosanitaires, notre détermination est intacte. Comment y arriver ? Pour vous c'est très simple : pour réduire l'usage des produits phytosanitaires, il faut réduire le nombre d'agriculteurs. (Vives protestations sur les bancs du groupe Écolo-NUPES. – Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Avec vous, il n'y aura plus de produits phytosanitaires, car il n'y aura plus d'agriculture ! C'est la solution que vous proposez aux Français. Qu'il y ait les mêmes aliments sur les étals français, avec les mêmes résidus phytosanitaires – tant qu'ils ont été produits ailleurs qu'en France, cela vous est égal ! C'est la réalité.

Mme Émilie Bonnivard . Eh oui !

Mme Julie Laernoes . Vous racontez n'importe quoi !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . Nous assumons de mener une politique pragmatique…

Mme Julie Laernoes . Mais elle n'est pas pragmatique !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . …en cherchant des solutions, plutôt que de brutaliser tout le monde en permanence, sans obtenir aucun résultat. C'est grâce à ce pragmatisme que nous avons réussi à faire baisser l'utilisation de ces produits.

Nous n'avons pas non plus de leçons à recevoir en matière de confiance des scientifiques, alors que les déclarations de votre candidate aux élections européennes ont été, encore récemment, démenties par tous les scientifiques ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR et sur quelques bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

Mme Marie Toussaint cherche à agiter les peurs et à instrumentaliser des données, dans des déclarations qui ont été dénoncées par des scientifiques. Il n'y a vraiment pas de quoi être fier ni donner des leçons dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

Mme Marie-Christine Dalloz . Bravo !

Mme la présidente . La parole est à M. Nicolas Thierry.

M. Nicolas Thierry . Je vous ai posé une question très précise sur les méthodes d'évaluation et vous n'y avez pas répondu. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

Mme la présidente. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Gabriel Attal, Premier ministre. S'agissant des méthodes d'évaluation…

Mme Sophie Taillé-Polian . Continuez donc à faire campagne tranquillement, sans répondre aux questions des députés ! (M. le Premier ministre s'interrompt.) Allez-y !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . Je vous laisse terminer, madame la députée, vous avez l'air d'avoir besoin de… C'est bon ?

Mme Sophie Taillé-Polian . Vous pouvez parler avec moins de condescendance, je vous prie ?

M. Gabriel Attal, Premier ministre . C'est bon, je peux m'exprimer ? (Exclamations sur de nombreux bancs.)

Mme Sophie Taillé-Polian . Oui, répondez !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . Est-ce que je peux m'exprimer, madame la députée ? J'aimerais que la NUPES me permette de m'exprimer calmement sur cet important sujet.

Mme Julie Laernoes . C'est votre show, monsieur Attal, déroulez !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . C'est bon maintenant, je peux parler ?

Mme Mathilde Panot . Vous n'êtes pas leur professeur, monsieur le Premier ministre !

M. François Cormier-Bouligeon . Fermez-la un peu ! (Exclamations et claquements de pupitres sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

Mme la présidente . S'il vous plaît, mes chers collègues, un peu de silence !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . Je regrette sincèrement que la NUPES cherche systématiquement à couvrir la voix du Gouvernement. De la part de ceux qui donnent des leçons de démocratie matin, midi et soir, c'est fort de café ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR et sur plusieurs bancs du groupe LR.)

S'agissant de l'indicateur, nous avons travaillé avec les représentants des agriculteurs…

Mme Julie Laernoes . Avec les lobbys !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . …et ceux des associations environnementales. La France avait choisi de retenir un indicateur qui n'est utilisé par aucun autre pays en Europe.

M. Éric Bothorel . C'est vrai !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . Nous avons fait le choix – que j'assume totalement – de reprendre l'indicateur utilisé par les autres pays européens, dans lesquels il ne pose d'ailleurs aucun problème particulier à vos amis écologistes. Même lorsque ces derniers participent aux gouvernements, ils défendent l'indicateur de risque harmonisé HRI 1 que nous avons retenu. S'ils le défendent, c'est bien qu'il est pertinent !

Pour être pragmatique et efficace, il faut avancer en bon ordre avec les autres pays européens.

Mme Marie-Christine Dalloz . Eh oui !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . Malheureusement, vous n'aimez pas davantage l'Europe que vous n'aimez la science. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

Mme Sophie Taillé-Polian . C'est vraiment n'importe quoi !

Données clés

Auteur : M. Nicolas Thierry (Nouvelle-Aquitaine - Écologiste - NUPES)

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Produits dangereux

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 mai 2024

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