16ème législature

Question N° 18581
de M. Ugo Bernalicis (Non inscrit - Nord )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > lieux de privation de liberté

Titre > Non-respect des droits fondamentaux des personnes détenues en longue peine

Question publiée au JO le : 11/06/2024 page : 4664
Question retirée le: 11/06/2024 (fin de mandat)

Texte de la question

M. Ugo Bernalicis attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'insuffisante prise en compte du parcours des personnes détenues dans la détermination de leurs changements d'affectation à un établissement pénitentiaire. En effet, M. le député constate que si les droits reconnus aux personnes incarcérées pour de longues durées sont identiques à ceux dont disposent le reste de la population détenue, les atteintes à ces droits sont multiples dans la pratique. Ce constat a d'ailleurs été établi de manière analogue par un rapport de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté publié en décembre 2023 et intitulé « Incarcérations de longue durée et atteintes aux droits ». M. le député rappelle que la demande de changement d'affectation d'une personne incarcérée peut être faite par le détenu ou par le chef d'établissement, le dossier devant ensuite être constitué et transféré pour examen aux autorités compétentes (Disp ou ministre de la justice). Le rapport du CGLPL pointe que les demandes individuelles sont massivement refusées dans certains établissements (par exemple à Saint-Maur en 2016 où les demandes de changement d'affectation étaient refusées dans 90 % des cas), que les délais de mise en œuvre de ces transferts peuvent atteindre jusqu'à plusieurs années, amenant certaines personnes détenues à renoncer à leur demande. M. le député regrette que ces délais soient encore allongés par l'augmentation de la densité carcérale qui conduit à donner la priorité aux transferts de courtes peines des maisons d'arrêt vers les centres de détention. Par ailleurs, lorsque la demande est initiée par le chef d'établissement, l'administration doit en théorie tenir compte de la situation familiale de la personne détenue, des formations engagées dans l'établissement et du projet éventuel d'aménagement de peine avant de prendre sa décision. Toutefois, le rapport du CGLPL établit qu'en pratique les considérations liées à la gestion des effectifs ainsi qu'au maintien de l'ordre et à la sécurité sont largement prééminentes. Or M. le député rappelle que les changements d'affectation n'ont pas seulement vocation à être une variable d'ajustement de la suroccupation carcérale, ils sont censés d'abord s'inscrire dans une démarche d'individualisation du parcours d'exécution de peine de la personne détenue, en lien avec une perspective de meilleure réinsertion et de prévention de la récidive, notamment en fin de peine dans le cadre du transfert vers un centre de détention, permettant à la personne auparavant détenue en maison centrale de bénéficier de nouvelles activités. En ce sens, M. le député déplore que les transferts successifs sans continuité de prise en charge interrompent le parcours de la personne détenue, notamment du point de vue des activités entreprises et des soins apportés. Ainsi, le rapport pointe que certains détenus se voient interrompre un cycle de permissions de sortir ou annuler leur demande d'aménagement de peine initiée dans l'établissement précédent, en particulier si leur projet de sortie est cantonné à une zone géographique précise. Outre le fait que de tels dysfonctionnements entravent la réinsertion des personnes détenues, M. le député s'inquiète ainsi de l'ineffectivité de leurs droits fondamentaux. Dans un courrier datant du 17 mai 2024 et adressé à la CGLPL, M. le garde des sceaux déclarait que les recommandations émises par le rapport étaient déjà en cours de mise en œuvre par l'administration pénitentiaire. Pourtant, en ce qui concerne les changements d'affectation, les observations du ministre d'une part rejettent les constats étayés du rapport et d'autre part se bornent à rappeler que le rejet d'une telle demande peut faire l'objet d'un recours devant le juge administratif, sans tenir davantage compte de la recommandation n° 6 du rapport de la CGLPL selon laquelle « les changements d'établissement doivent tenir compte du parcours individuel de la personne et lui offrir des perspectives d'évolution ». Ainsi, M. le député aimerait connaître ses intentions quant à la mise en place de mesures visant à remédier aux constats énoncés et à assurer l'effectivité des droits fondamentaux des personnes détenues ainsi que l'individualisation de leur changement d'affectation en lien avec une meilleure efficacité de leur réinsertion future.

Texte de la réponse