Question au Gouvernement n°1910 : Formation des médecins

16ème Législature

Question de : M. Yannick Neuder (Auvergne-Rhône-Alpes - Les Républicains), posée en séance, et publiée le 30 mai 2024


FORMATION DES MÉDECINS

Mme la présidente . La parole est à M. Yannick Neuder.

M. Yannick Neuder . Les Français n'en peuvent plus : c'est la croix et la bannière pour trouver un médecin dans notre pays !

M. Patrick Hetzel . Il a raison !

M. Yannick Neuder . Il faut plus de deux mois pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste, les délais ayant doublé depuis 2019. Dans une telle situation, notre seul espoir, c'est de former plus de médecins et de ne pas persister dans une sélection excessive. Vous en formez certes davantage, mais en formez-vous assez ? Évidemment non : vous plafonnez le recrutement, ajustant le curseur au lieu de le supprimer et vous ne compensez pas même les départs en retraite. Résultat : nous formons autant de médecins qu'en 1970,…

M. Maxime Minot . Tout va bien !

M. Yannick Neuder . …alors que la France compte 15 millions d'habitants de plus…

M. Erwan Balanant . Et si vous aviez levé le numerus clausus ?

M. Yannick Neuder . …et que la profession connaît une vague massive de départs en retraite. Outre qu'elle grippe la machine, l'impitoyable sélection à l'entrée fait fuir les étudiants en médecine hors de France. L'enquête d'Aude Frappin et Léo Juanole –  dont je salue le travail –, parue dans le Quotidien du Médecin, dénonce la situation de plus de 5 000 étudiants – plus de 15 000, si on compte les kinés et les dentistes – obligés de se former dans des universités étrangères. C'est le cas de Marie, 19 ans, qui aurait pu devenir médecin en France : huit petites places au concours d'entrée la pousseront à s'expatrier en Roumanie. Pour sa carrière, elle affirme : « La Suisse, c'est mon plan A […] la France, c'est mon plan B. »

M. Maxime Minot . Quel scandale ! Quelle tristesse !

M. Yannick Neuder . En effet, de nombreux pays – l'Allemagne, le Luxembourg et maintenant le Maroc – viennent démarcher nos étudiants aussi bien en France qu'à l'étranger. Des Marie, il y en a 5 000, qui nous glissent entre les doigts,…

M. Patrick Hetzel . C'est terrible !

M. Yannick Neuder . …autant de médecins qui ne s'installeront pas dans nos territoires. Je vous invite à prendre connaissance de l'étude, commandée par l'Association des maires ruraux de France et son président Gilles Noël à la Banque des territoires, au sujet des étudiants français en Roumanie.

Où en êtes-vous de votre réflexion sur ma proposition de loi destinée à rapatrier les talents, adoptée par l'Assemblée ? Où en êtes-vous de la suppression de toute forme de numerus ? Où en êtes-vous de l'accroissement des moyens fournis à nos universités ? Il est urgent de reprendre le contrôle sur la formation de nos étudiants en santé. Il en va de la santé des Français. Cela nous a été confirmé hier, avec François-Xavier Bellamy…

M. Erwan Balanant . Ah !

M. Yannick Neuder . …lors d'une visite au centre Gustave Roussy. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

M. Patrick Hetzel . Très bien !

Mme la présidente . La parole est à M. le Premier ministre.

M. Gabriel Attal, Premier ministre . L'accès aux soins est un enjeu majeur pour tous nos concitoyens, celui dont on me parle en premier lors de mes déplacements. J'ai récemment annoncé une série de mesures destinées à libérer du temps médical à nos médecins, notamment en accélérant les transferts d'actes vers les autres professions médicales ou paramédicales. Mais la réponse de long terme consiste bien à former davantage de médecins et je commencerai par saluer les étudiants en médecine, qui passent en ce moment même les Ecos – examens cliniques objectifs et structurés : nous les accompagnons par la pensée et nous serons heureux de pouvoir compter sur eux dans les années à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur plusieurs bancs du groupe Dem.)

Je le dis…

M. Patrick Hetzel . Il ne faut pas dire, mais faire !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . …avec une grande humilité : nous payons aujourd'hui le choix des gouvernements de tous bords politiques qui se sont succédé depuis des décennies avant l'élection du Président de la République…

M. Patrick Hetzel . Notamment les socialistes !

M. Pierre Cordier . Marisol !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . …de ne pas réviser le numerus clausus, ce qu'a fait le Président de la République dès l'année de son élection, en 2017. Nous formions alors quelque 8 000 médecins par an,…

M. Patrick Hetzel . Nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . …contre 10 800 cette année, 12 000 en 2025 et 16 000 en 2027 – je m'y suis engagé : après deux quinquennats d'Emmanuel Macron, nous aurons fait doubler le nombre d'étudiants en médecine formés dans nos universités. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur plusieurs bancs du groupe Dem.) C'est un engagement sans précédent,…

M. Patrick Hetzel . Vous ne savez pas compter !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . …qu'il faut évidemment accompagner…

M. Fabien Di Filippo . Après la multiplication des pains, Attal multiplie les étudiants !

M. Gabriel Attal, Premier ministre . …aussi bien en augmentant la capacité d'accueil des universités qu'en proposant un nombre suffisant de terrains de stage. L'article 1er de la proposition de loi que vous avez déposée est d'ailleurs consacré à ce sujet. Il nous faut également accroître l'attractivité des métiers hospitalo-universitaires. J'ai d'ailleurs demandé à mes ministres, Sylvie Retailleau et Catherine Vautrin, de mettre en œuvre avant l'été les engagements qui ont été pris lors des assises hospitalo-universitaires. Il faut aussi déconcentrer les lieux d'enseignement et de stage : l'augmentation du nombre d'étudiants permet de créer des lieux de formation et de stage dans les villes petites et moyennes, notamment dans les cabinets libéraux.

Nous devons aussi nous montrer capables de faire revenir les jeunes Français partis étudier la médecine à l'étranger, notamment en Europe de l'Est – je sais que vous menez ce combat. Nous souhaitons évidemment qu'ils reviennent chez nous…

M. Maxime Minot . Alors qu'est-ce qu'on fait ?

M. Gabriel Attal, Premier ministre . …au lieu d'aller en Allemagne ou en Suisse. Votre proposition de loi comporte des mesures bienvenues, permettant leur retour en France plus tôt dans les études. Après son adoption à l'Assemblée, je souhaite qu'elle soit inscrite à l'ordre du jour du Sénat…

M. Patrick Hetzel . Mais que font vos alliés au Sénat ?

M. Gabriel Attal, Premier ministre . …pour le plus grand bien de nos étudiants en médecine, de notre système de santé, donc de tous les Français. Sur un tel sujet, je suis convaincu que, dépassant les clivages, nous pouvons avancer, tous ensemble, au service de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur plusieurs bancs du groupe Dem.)

Données clés

Auteur : M. Yannick Neuder (Auvergne-Rhône-Alpes - Les Républicains)

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Professions de santé

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 mai 2024

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