16ème législature

Question N° 194
de M. Arthur Delaporte (Socialistes et apparentés (membre de l’intergroupe NUPES) - Calvados )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Solidarités, autonomie et personnes handicapées
Ministère attributaire > Solidarités, autonomie et personnes handicapées

Rubrique > logement

Titre > Situation des personnes sans abri dans le Calvados

Question publiée au JO le : 21/02/2023
Réponse publiée au JO le : 01/03/2023 page : 1875

Texte de la question

M. Arthur Delaporte alerte M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées sur la situation intolérable des personnes sans abri dans le Calvados. Depuis plus d'un mois, alors que les températures sont encore hivernales, les sollicitations par des familles qui doivent dormir dans la rue ou dans leur voiture se multiplient. Chaque soir, l'abandon de l'État se fait ressentir à Caen et les autres communes du département où les associations, les collectifs et les particuliers suppléent l'action de la puissance publique en cherchant désespérément des places d'hébergement. Face au manque de places et au déficit de moyens du 115, il est urgent de réagir face à une situation dramatique. Aussi, il lui demande de lui fournir les chiffres des personnes dormant chaque soir dans la rue dans le Calvados, les solutions mises en place par l'État afin de prendre en charge ces familles, au moins dans l'urgence, et les actions concrètes pour protéger les mineurs et publics particulièrement fragiles qui passent parfois des semaines dans la rue et notamment la possibilité de prendre en charge des nuitées d'hôtel pour faire face à l'urgence.

Texte de la réponse

SITUATION DES SANS-ABRI DANS LE CALVADOS


Mme la présidente. La parole est à M. Arthur Delaporte, pour exposer sa question, n°  194, relative à la situation des sans-abri dans le Calvados.

M. Arthur Delaporte. « Monsieur le député, pouvez-vous aider la famille X qui, ce soir encore, va passer la nuit dans sa voiture car il n'y a plus de places au Samu social ? » Cette phrase, je l’ai entendue trop souvent. Hier soir encore, mon assistant a été contacté par une directrice d'école qui cherchait un hébergement pour une famille avec deux enfants qui s'apprêtait à passer la nuit dans la rue.

Vous l'aurez compris, je vais vous parler de ces femmes, ces hommes et ces enfants qui dorment, vivent et mangent dans la rue.

Il y a un moins d’un mois, j'ai été alerté le même jour par deux familles avec trois enfants chacune qui dormaient dans la rue, à Caen. Grâce à la mobilisation des associations et des services de l’État, l’une d’elles a trouvé un hébergement pour la nuit ; l’autre non.

Tous les soirs, à partir de vingt heures, c’est le même combat pour toutes les associations et tous les collectifs, comme « AG de lutte contre toutes les expulsions », qui effectue un travail remarquable à Caen en offrant son soutien à ces familles. Un seul objectif pour les bénévoles : trouver les rares places disponibles dans les centres d'hébergement.

Les parlementaires que nous sommes sont désemparés face à la faiblesse des moyens de l’État pour offrir un refuge aux personnes en situation de détresse alors que les centres d’hébergement, parfois très vétustes, sont pleins à craquer. Il n’est pas acceptable de laisser les petits Nino et Giorgi, âgés respectivement de 3 et 5 ans, dormir dehors dans le froid. Il n’est pas acceptable non plus de laisser à la rue une femme seule avec trois enfants.

« La première bataille, c’est de loger tout le monde dignement. Je ne veux plus, d’ici la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois ou perdus. C’est une question de dignité, c’est une question d’humanité et d’efficacité. » Ces propos sont ceux du Président de la République, il y a six ans – une éternité. Car, depuis, la situation s'est encore dégradée. Le 115 du Calvados, géré par l’association des Amis de Jean Bosco, constatait cet hiver une hausse des appels, dont une centaine chaque soir ne pouvait être traitée avant que n'ouvre un squat, rue d'Auge, à Caen.

Si depuis la situation s'est légèrement améliorée, il faut reconnaître qu'à moyens constants, les recrutements sont difficiles et la hausse du nombre d'appels intenable. Alors qu'il avait un temps envisagé de diminuer de 40 millions d'euros les crédits affectés à l'hébergement d'urgence, entraînant une baisse du nombre de places d'hébergement à 193 000 pour 2022 et 186 000 fin 2023, le Gouvernement a finalement fait marche arrière et stabilisé ces crédits. Mais force est de constater que cet effort est insuffisant, que ce soit pour les personnes en détresse et les personnels des services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO).

Madame la secrétaire d'État, qu’attendez-vous pour réquisitionner les logements vacants et ouvrir davantage de places d'hébergement ? Pouvez-vous nous indiquer combien de personnes, chaque soir, n'obtiennent pas une réponse positive du 115 ? Pourquoi ne proposez-vous pas aux familles avec des enfants des places dans des hôtels, le temps d’ouvrir les places d’hébergement d’urgence ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l’écologie.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l’écologie. Le ministre délégué chargé de la ville et du logement, Olivier Klein, qui ne peut être présent en raison d'un déplacement à Mayotte, m'a chargée de répondre à vos questions.

Le Gouvernement a décidé de rompre avec la gestion « au thermomètre » du parc d'hébergement d'urgence et de le maintenir à 200 000 places, un niveau historiquement haut. Cette stratégie permet de soutenir les personnes sans abri tout au long de l'année, et d'aborder l'hiver dans de meilleures conditions.

Par ailleurs, le ministre délégué a déclenché un plan d'urgence et demandé à l'ensemble des préfets d'être particulièrement vigilants à l'égard des familles et des enfants qui vivraient encore dans la rue, dans des squats ou des bidonvilles, afin de garantir leur prise en charge et leur orientation à titre prioritaire vers un logement – lorsque cela est possible –, ou à défaut, un hébergement.

Dans le département du Calvados en particulier, le parc d'hébergement d'urgence est en constante augmentation pour répondre aux besoins des personnes les plus vulnérables. Plus de 1 000 places d'hébergement d'urgence y sont mobilisées dans des centres dédiés, auxquelles s'ajoutent plus de 320 nuitées hôtelières qui permettent des mises à l'abri immédiates. En outre, des mesures spécifiques ont été prises pour gérer les périodes de grand froid. La situation des familles à la rue est bien prise en considération par l'ensemble des services de l'État, qui les orientent vers des solutions de logement ou d'hébergement dès que cela est possible. Enfin, des renforts exceptionnels ont été déployés, comme la multiplication des maraudes et des lieux d'accueil de jour, l'ouverture de places dans des gymnases, et la mobilisation du 115 pour répondre à l'ensemble des demandes.

Mme la présidente. La parole est à M. Arthur Delaporte.

M. Arthur Delaporte. Je prends acte, madame la secrétaire d'État, de la volonté du Gouvernement, mais les faits sont là : quand, comme cela s'est produit hier soir, une directrice d'école nous appelle, quand il est impossible à l'État de loger une mère et ses enfants de 2, 5 et 10 ans, on ne peut douter de l'insuffisance des moyens. Il y a trois mois, 100 appels au 115 sont restés sans réponse : n'est-ce pas là une réalité concrète, matérielle ? Certes, vous avez ouvert des places à l'hôtel pour la nuit ; il en faudrait davantage. Ce n'est pas le squat caennais de la rue d'Auge qui devrait faire office de solution, d'autant qu'il est déjà saturé ! Il convient donc que l'État prenne le problème à bras-le-corps et y consacre davantage de moyens. Par ailleurs, je souhaitais dédier cette question, entre autres, aux personnes exilées en situation irrégulière, qui n'ont accès ni à l'emploi, ni aux logements sociaux ni aux prestations sociales, et sont donc souvent condamnées à une vie de misère dans la rue.