16ème législature

Question N° 199
de Mme Delphine Lingemann (Démocrate (MoDem et Indépendants) - Puy-de-Dôme )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Collectivités territoriales et ruralité
Ministère attributaire > Collectivités territoriales et ruralité

Rubrique > ruralité

Titre > Désengagement de l'Etat et l'affaiblissement des services publics - monde rural

Question publiée au JO le : 21/02/2023
Réponse publiée au JO le : 01/03/2023 page : 1857

Texte de la question

Mme Delphine Lingemann alerte Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, sur le désengagement de l'État et l'affaiblissement des services publics de proximité dans les territoires ruraux, notamment dans le Puy-de-Dôme. De nombreux maires, premiers maillons de la République, ont alerté Mme la députée sur le sentiment d'isolement et le ressenti d'abandon de nombreux territoires ruraux vis-à-vis des politiques publiques et des services de l'État. Trop longtemps, victimes d'un isolement géographique et d'un exode rural, les territoires ruraux ont été délaissés et oubliés. Pourtant, les espaces ruraux représentent une richesse pour le pays. C'est là que se trouve une grande partie du patrimoine culturel, historique et naturel du pays. C'est aussi là que vivent la plupart des agriculteurs qui nourrissent les Français et entretiennent les paysages. C'est pourquoi il est urgent de réinvestir dans ces zones afin de leur permettre de se développer, de se réinventer et de reconstruire des liens forts avec les élus et les habitants de ces territoires. Face à ces signaux négatifs, l'État doit être moteur pour relever ces défis. Sur le volet de l'éducation, Mme la députée souhaiterait évoquer avec Mme la ministre l'établissement de la carte scolaire 2023 dans le Puy-de-Dôme, où sont prévus 33 projets de fermetures de classes. Or un territoire sans école est un territoire sans vie. Au-delà des données statistiques qui indiquent une baisse des effectifs scolaires, il convient de mieux associer les maires aux discussions préalables à l'établissement de la carte scolaire. Cela permettrait de mieux prendre en compte les réalités locales en matière d'urbanisme qui sont parfois mal connues de l'inspection académique. Sur l'offre de soins, dans le Puy-de-Dôme, selon l'étude UFC-Que choisir réalisée en 2022, 16 % des habitants rencontrent des difficultés d'accès à un généraliste, 25 % concernant l'accès aux spécialistes. Dans la circonscription de Mme la députée, d'après les chiffres extraits de l'annuaire Ameli de l'assurance maladie, en 2022, il y avait 1 radiologue pour 59 679 habitants alors que la moyenne nationale est de 1 pour 13 045 habitants, 1 rhumatologue pour 39 786 habitants alors que la moyenne nationale est de 1 pour 46 143 habitants et la situation est encore plus dramatique pour les ophtalmologistes. Les chiffres parlent d'eux-mêmes et, derrière ces chiffres, il y a une réalité : celle d'une population qui rencontre de grandes difficultés à consulter un médecin et qui, parfois, va même jusqu'à renoncer à se soigner, surtout lorsqu'elle n'a pas beaucoup de moyens. Les habitants rencontrent également des difficultés d'accès aux services publics de proximité. La dématérialisation ne constitue pas une réponse adaptée à ces populations la plupart du temps vieillissantes. De plus, à l'heure où l'État projette un meilleur maillage de ses services avec l'ouverture de nouvelles sous-préfectures, à Issoire, l'antenne DDT annonce sa fermeture. En outre, si les maisons France services apportent un début de réponse, la part restant à la charge des collectivités rurales devient problématique pour certaines communes. Là encore des axes de progrès sont possibles. Par ailleurs, malgré le déploiement du New Deal Mobile, la persistance de zones blanches dans le Puy-de-Dôme ralentit l'accueil de nouvelles populations, plus jeunes, désireuses de télétravailler. Il faut aller encore plus loin. Mme la députée souhaiterait ainsi connaître l'état d'avancement du New Deal Mobile. Dernier point et enjeu crucial pour le développement économique et social des espaces ruraux : la mobilité. Les zones rurales sont en effet souvent très mal desservies par les transports en commun, sans parler des suppressions des petites lignes de train. Aujourd'hui, des populations entières du Livradois ou du Cézallier complétement isolées sont abandonnées. Sans véhicule et sans permis, les déplacements sont difficiles. Des solutions innovantes doivent effectivement être recherchées pour lutter contre l'enclavement et l'isolement social engendré par des décennies de désengagement des instances publiques, État et collectivités territoriales. À titre d'exemple, il existe des relais locaux de location solidaire de véhicules financés pour partie par l'État et les collectivités. En offrant des solutions de mobilité au monde rural, ces zones pourraient attirer de nouveaux habitants, de nouvelles entreprises et renforcer la cohésion sociale ainsi que les liens économiques existants. Aujourd'hui, deux mondes cohabitent de loin du fait de modes de vie différents : les métropoles et les territoires ruraux. Les défaillances de l'État, dans de nombreux domaines, expliquent en partie cette situation. C'est un devoir pour l'État de se saisir de ces problématiques et une opportunité pour le pays. Il convient d'agir ensemble pour faire des campagnes de véritables territoires dynamiques, solidaires et respectueux du patrimoine commun qui unit les Français : la République. Elle souhaite ainsi connaître le bilan des mesures déjà entreprises pour améliorer la situation énoncée ainsi que les propositions envisagées par le Gouvernement pour pallier ce sentiment d'abandon, largement partagé par les habitants des territoires ruraux.

Texte de la réponse

SERVICES PUBLICS DANS LES ZONES RURALES


Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Lingemann, pour exposer sa question, n°  199, relative aux services publics dans les zones rurales.

Mme Delphine Lingemann. De nombreux maires, premiers maillons de la République, m'ont alertée sur le fait que nos territoires ruraux se sentent abandonnés par les politiques publiques et les services de l'État.

Victimes d'un isolement géographique, ces territoires ont été trop longtemps délaissés, voire oubliés. Ils sont pourtant une véritable richesse pour notre pays. C'est là que se trouve une grande partie de notre patrimoine historique, culturel et naturel. C'est là aussi que vivent la plupart des agriculteurs qui nous nourrissent et qui entretiennent nos paysages. Il est urgent d'investir à nouveau dans ces espaces, afin de leur permettre de se développer et de se réinventer. Il est également nécessaire de reconstruire des liens forts avec leurs élus et leurs habitants. L'État doit jouer un rôle moteur pour que la ruralité relève les défis auxquels elle fait face.

Le premier défi est celui de l'éducation. Dans le Puy-de-Dôme, d'où je suis élue, le projet de carte scolaire pour la rentrée 2023 inclut trente-trois fermetures de classe. Or un territoire sans école est un territoire sans vie. Au-delà des statistiques qui font état d'une baisse des effectifs scolaires, mieux associer les maires aux discussions préalables à l'élaboration de la carte scolaire permettrait de tenir compte des réalités locales en matière d'urbanisme, lesquelles sont parfois méconnues de l'inspection académique.

Deuxième défi : l'offre de soins. Dans le Puy-de-Dôme, une étude de l'UFC-Que choisir réalisée en 2022 indique que 16 % des habitants rencontrent des difficultés d'accès à un généraliste et 25 % aux spécialistes. Derrière ces deux chiffres, la réalité est donc celle d'une population qui éprouve de grandes difficultés à consulter un médecin et qui renonce parfois même à se soigner.

Autre sujet d'inquiétude : l'accès aux services publics de proximité. À l'heure où l'État s'emploie à établir un meilleur maillage avec l'ouverture de nouvelles sous-préfectures, l'antenne DDT – direction départementale des territoires – d'Issoire, après avoir annoncé sa fermeture, projetterait de réduire ses horaires d'ouverture, ce qui pénaliserait les élus du territoire.

Quant aux maisons France Services, si elles apportent indéniablement un début de réponse, la part restant à la charge des collectivités rurales devient problématique pour certaines communes. Dans ce domaine également, des progrès sont possibles.

Dernier défi que je souhaitais évoquer, la mobilité constitue un enjeu crucial pour le développement économique et social de nos espaces ruraux. En effet, les zones rurales sont souvent très mal desservies par les transports en commun, sans parler des suppressions de petites lignes de train de proximité. Pour reprendre l'exemple de mon territoire, ce sont des populations entières du Livradois et du Cézallier qui sont isolées et abandonnées. Or, si l'on offrait des solutions de mobilité au monde rural, ces zones pourraient attirer de nouveaux habitants et de nouvelles entreprises, et renforcer la cohésion sociale ainsi que les liens économiques existants.

La liste des enjeux auxquels fait face le monde rural est encore plus longue. Je n'ai pas évoqué la nécessité d'installer en ruralité des commerces de proximité – sujet repris par le Gouvernement avec l'annonce d'un programme de reconquête du commerce rural doté de 12 millions d'euros –, ni la persistance des zones blanches dans le Puy-de-Dôme malgré le déploiement du New Deal mobile. Vous l'aurez compris, il faut aller plus loin.

Pour remédier à ce sentiment d'abandon, largement partagé par les élus et les habitants des territoires ruraux, dont je fais partie, pourriez-vous dresser un bilan des mesures déjà entreprises par l'État et présenter les nouvelles pistes envisagées par le Gouvernement ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la citoyenneté.

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté. Notre pays est confronté à une baisse de la démographie scolaire. Après une baisse des effectifs de 300 000 élèves durant les cinq dernières années, nous prévoyons une diminution supplémentaire de 500 000 élèves d'ici à 2027. À la rentrée 2023, le premier degré accueillera ainsi 63 748 élèves de moins que l'année précédente, avec néanmoins un taux d'encadrement en augmentation.

Le ministère de l'éducation nationale poursuit la politique qu'il a engagée en faveur de la maîtrise des savoirs fondamentaux, de la justice sociale et de l'équité territoriale, en répartissant équitablement les moyens entre les académies puis entre les départements, eu égard à la spécificité des territoires.

Le non-recours aux soins fait aussi partie des préoccupations du Gouvernement. Lancé en 2019, l'agenda rural a permis certaines avancées telles que le recrutement et le déploiement de 254 médecins et de plus de 2 800 assistants médicaux. De plus, dans le cadre du plan pour la ruralité que présentera très prochainement Dominique Faure, nombre de propositions seront formulées dans le domaine de la santé, afin d'accélérer la généralisation de la télémédecine dans les territoires ruraux.

Plus généralement, avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), nous travaillons au déploiement de services publics de proximité au travers des maisons France Services. Il existe actuellement près de 2 600 espaces France Services labellisés, dont 150 sont itinérants et 1 500 en zone rurale. Ce réseau permet à 99 % des Français de se trouver à moins de trente minutes d'un de ces espaces et ainsi d'accéder à neuf services publics différents regroupés en un même lieu. Le Gouvernement entend poursuivre le déploiement de ce dispositif apprécié des usagers.

Enfin, en matière de couverture numérique, le plan France très haut débit contribue à l'action du Gouvernement en faveur de la ruralité. Cet engagement de l'État à hauteur de 3,5 milliards d'euros permet une couverture de 99 % de notre territoire grâce au mix technologique. Avec les ministres concernés, nous veillons à la poursuite du déploiement du très haut débit, afin d'atteindre notre objectif de couvrir 100 % du territoire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Lingemann.

Mme Delphine Lingemann. S'agissant de la carte scolaire, pour m'être entretenue hier encore avec le Dasen – directeur académique des services de l'éducation nationale – du Puy-de-Dôme, j'estime qu'il reste des efforts à fournir en matière de répartition des moyens sur le territoire.