16ème législature

Question N° 2033
de Mme Brigitte Liso (Renaissance - Nord )
Question écrite
Ministère interrogé > Transition écologique et cohésion des territoires
Ministère attributaire > Collectivités territoriales et ruralité

Rubrique > élus

Titre > Insécurité juridique des élus locaux face à la notion de conflit d'intérêt

Question publiée au JO le : 11/10/2022 page : 4540
Réponse publiée au JO le : 22/08/2023 page : 7646
Date de changement d'attribution: 07/03/2023
Date de signalement: 10/01/2023

Texte de la question

Mme Brigitte Liso alerte M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur l'insécurité juridique observée par les élus locaux autour de la notion de conflit d'intérêt. En dépit d'évolutions législatives récentes, ces derniers demeurent en effet exposés à un risque pénal important, susceptible de les entraver dans l'exercice de leurs missions. D'une part, malgré les précisions apportées à la notion d'intérêt par la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire, les élus craignent qu'une interprétation large de l'infraction soit toujours privilégiée par le juge, remettant notamment en cause certaines de leurs activités au sein des sociétés d'économie mixtes locales ou d'autres structures pour lesquels le principe de représentation est prévu par la loi. D'autre part, la loi du 21 février 2022, dite « loi 3DS », étend le répertoire numérique des représentants d'intérêts de la HATVP aux élus et agents des seules collectivités locales de plus de 150 000 habitants. Le dispositif ne concerne donc qu'une poignée de collectivités, alors même que le projet de loi initial devait inclure l'ensemble des communes de plus 20 000 habitants de ce dispositif. Or les maires de ces communes et certains de leurs collaborateurs sont tout autant susceptibles d'être visés par des accusations de conflit d'intérêt. En l'absence d'un cadre juridique clair, la suspicion d'un éventuel conflit d'intérêt oblige les élus à se placer régulièrement en situation de déport, ce qui est de nature à perturber le bon fonctionnement des assemblées délibérantes. Elle lui demande quelles dispositions son ministère entend prendre afin de mieux protéger sécuriser l'action des élus et des agents confrontés à ce risque pénal.

Texte de la réponse

La notion de conflit d'intérêts a été définie à l'article 2 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique comme « toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraitre influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction ». Afin d'éviter ces situations d'interférence, des mécanismes de prévention et de sanction ont été élaborés. Un mouvement de clarification juridique des situations sources de conflits d'intérêts a été opéré en 2021 et 2022. Tout d'abord, une clarification juridique, visant à identifier plus facilement les situations de prise d'intérêts condamnables, a été apportée par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire. Le délit de prise illégale d'intérêts est désormais défini comme le fait par un agent public ou une personne investie d'un mandat électif public, de « prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou en partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement ». Des exceptions au délit de prise illégale d'intérêts demeurent prévues pour les communes de moins de 3 500 habitants. La caractérisation de cette infraction suppose la réunion d'un élément matériel (un acte d'ingérence dans une entreprise ou une opération compromettant les exigences de neutralité qui s'imposent à l'action publique) et d'un élément intentionnel (l'élu doit avoir pris sciemment un intérêt dans une affaire soumise à son contrôle ou sa surveillance, cette intention n'impliquant cependant pas forcément que l'élu ait voulu retirer un avantage personnel de cette prise d'intérêts). Ensuite, concernant la prévention des conflits d'intérêts, l'article L. 1111-6 du code général des collectivités territoriales (CGCT), introduit par la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (loi dite « 3DS »), pose le principe selon lequel la seule désignation d'un élu local, représentant une collectivité territoriale ou un groupement au sein de l'instance décisionnelle d'une autre personne morale en application de la loi, ne suffit pas à considérer l'élu comme intéressé à l'affaire lorsque la collectivité territoriale ou le groupement délibère sur une affaire concernant cette personne morale. Ce même article énumère les cas dans lesquels le déport de cet élu est obligatoire lorsqu'il siège à l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement. Il s'agit des situations où la délibération ou la décision a pour objet l'attribution d'un contrat de la commande publique à l'autre entité concernée, l'octroi d'une garantie d'emprunt à cette entité, ou l'octroi à cette entité d'une aide revêtant l'une des formes prévues au deuxième alinéa du I de l'article L. 1511-2 et au deuxième alinéa de l'article L. 1511-3 du CGCT. Le déport est également obligatoire lorsque la délibération de la collectivité territoriale ou du groupement a pour objet la désignation de l'élu local au sein de cette entité ou sa rémunération, de même lors des commissions d'appel d'offres ou de la commission prévue à l'article L. 1411-5 du CGCT dans le cadre des délégations de service public, si l'autre entité est candidate. Les II et III de l'article L. 1111-6 du CGCT prévoient néanmoins des dérogations à ces règles de déport obligatoire. Ainsi l'élu n'a pas obligatoirement à se déporter lorsque la délibération de la collectivité ou du groupement porte sur une dépense obligatoire ou sur le vote du budget ou lorsque l'autre entité concernée et à laquelle il participe est un autre groupement ou bien un centre communal ou intercommunal d'action sociale, ou une caisse des écoles. Cette clarification permet d'éviter la qualification systématique de conflit d'intérêts.