16ème législature

Question N° 204
de Mme Emeline K/Bidi (Gauche démocrate et républicaine - NUPES - Réunion )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Agriculture et souveraineté alimentaire
Ministère attributaire > Agriculture et souveraineté alimentaire

Rubrique > outre-mer

Titre > Crise de la filière apicole reunionnaise

Question publiée au JO le : 28/02/2023
Réponse publiée au JO le : 08/03/2023 page : 2205

Texte de la question

Mme Emeline K/Bidi alerte M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la crise que traverse actuellement le monde apicole à La Réunion en raison du petit coléoptère des ruches et de l'application de l'arrêté préfectoral visant la destruction systématique des ruchers.

Texte de la réponse

CRISE DE LA FILIÈRE APICOLE RÉUNIONNAISE


M. le président. La parole est à Mme Emeline K/Bidi, pour exposer sa question, n°  204, relative à la crise de la filière apicole réunionnaise.

Mme Emeline K/Bidi. Monsieur le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, depuis juillet 2022, Aethina tumida, plus connue sous le nom de « petit coléoptère des ruches », met à mal l’activité apicole de l'île de La Réunion. Plus de 200 ruches ont déjà été brûlées : la situation est plus que préoccupante.

Les apiculteurs font face à des difficultés relatives à la production et au matériel, mais également à des difficultés financières. En effet, l’interdiction de transhumance et de récolte entraîne une perte de revenus considérable pour tous les acteurs de la filière. En outre, ils sont inquiets pour le devenir des colonies d'abeilles. L’éradication favorise la création de colonies sauvages : au nom de la crise, on détruit une abeille endémique, menaçant ainsi toute la biodiversité de l’île.

La Réunion est le seul département français à être concerné par ce problème. Pour y faire face, la direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Daaf) applique l’arrêté ministériel du 23 décembre 2009, qui prescrit les mesures d’éradication en cas de maladies réputées contagieuses des abeilles. Le protocole consiste en la destruction systématique des colonies et des ruchers dont l’infestation a été confirmée, ainsi que la désinsectisation du sol autour des ruches infestées. Pour une ruche touchée, c’est donc tout le rucher que l’on brûle.

Inspiré d’un modèle italien, ce protocole n’a jamais démontré son efficacité, encore moins sur le territoire français. Si au début de la crise, certains ont pu croire le protocole efficace, sept mois après, tous les acteurs de la filière et le monde scientifique s’accordent à dire qu’il n’est plus adapté.

Pour rappel, l’article 2 de la décision d’exécution de la Commission européenne 2023/110 dispose que « la France et l’Italie veillent à ce que les mesures d’urgence […] soient appliquées », et prévoit « [qu’]en fonction des résultats de la surveillance et des enquêtes épidémiologiques […] la France et l’Italie peuvent prendre des mesures d’urgence appropriées supplémentaires […] ».

Le protocole actuel est radical, inadapté et incohérent vu les caractéristiques insulaires de La Réunion. Car notre île, monsieur le ministre, n’est pas l’Italie : apiculteurs, experts nationaux et internationaux, et syndicats nous alertent au sujet de l’urgence et de la nécessité d’adapter le protocole aux réalités de l’apiculture réunionnaise. À cette fin, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a formulé plusieurs recommandations dans son rapport de septembre 2022, mais l’État y reste sourd.

Pourtant, l’éradication pratiquée aujourd’hui n’est pas soutenable à long terme et ne permet pas de lutter efficacement et durablement contre le petit coléoptère des ruches, car aucun des pays affectés par le phénomène ne s’en est encore débarrassé : l'adaptation du protocole et un véritable travail de recherche sur le sujet se révèlent donc nécessaires. La crise est l'occasion de mener un travail de recherche – avec le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), par exemple –, afin d'approfondir les connaissances sur le petit coléoptère des ruches et de trouver des solutions adaptées à la réalité de notre territoire. Ces recherches présentent d'autant plus d'intérêt que, demain, la France hexagonale pourrait être également touchée.

Le Gouvernement est-il prêt à entendre les difficultés de la filière apicole réunionnaise et à adapter urgemment le protocole, en concertation avec les professionnels du milieu ?

Par ailleurs, au regard de la situation inédite dans laquelle se trouvent La Réunion et la France, le Gouvernement est-il prêt à financer des travaux de recherche qui serviront non seulement à La Réunion, mais aussi à tous les apiculteurs français qui pourraient être concernés par ce phénomène ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Votre question me donne l'occasion d'aborder un sujet important pour La Réunion. Comme vous le savez, l'objectif d'éradication d'Aethina tumida du territoire de La Réunion a été retenu au vu de l'avis du laboratoire national de référence de l'Anses rendu suite à la mise en évidence du premier cas d'infestation en juillet 2022. En effet, si ce ravageur venait à infester plus largement l'île et à s'y installer durablement, les conséquences pour la filière apicole de l'île, pour la production de miel – produit à forte valeur ajoutée à La Réunion, comme dans beaucoup d'autres territoires – et pour l'environnement seraient majeures. La découverte du dernier foyer d'infestation, le 3 février ne doit pas remettre en cause cet objectif, qui reste pertinent eu égard au contexte – l'interprofession apicole, représentée par les groupements de défense sanitaire, connus sous le nom de GDS France, en convient.

Six mois après le début de la crise, l'État avait déjà engagé près de 1 million d'euros pour financer des mesures de lutte et de surveillance, et indemniser les apiculteurs pour les ruchers détruits.

À notre demande, l'Anses étudie actuellement la possibilité d'adapter les mesures de restriction de mouvement et les mesures de surveillance eu égard à l'évolution de la situation épidémiologique et à la législation européenne, tout en prenant en compte les contraintes économiques des exploitations apicoles réunionnaises.

Vous l'avez dit : le problème affecte actuellement La Réunion, mais il pourrait toucher également la France hexagonale à l'avenir. Nous devons donc nous préparer à cette éventualité, notamment grâce aux programmes de recherche menés notamment par l'Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et le Cirad, mais aussi des organismes de recherche nationaux qui travaillent sur la filière apicole. Je suis prêt à évaluer toute mesure mise en évidence dans ce cadre, et qui serait de nature à éradiquer cette « bestiole », si vous me permettez l'expression, ou du moins à en limiter la propagation.

Pour conclure, si nous soutenons l'objectif d'éradication, nous sommes prêts à étudier différentes modalités d'adaptation du protocole – l'Anses y travaille. À nos yeux, la recherche est importante, car elle seule nous permettra de trouver de nouvelles mesures pour faire face à la propagation du petit coléoptère des ruches.

M. le président. La parole est à Mme Emeline K/Bidi.

Mme Emeline K/Bidi. Les apiculteurs réunionnais qui nous écoutent sont certainement ravis de savoir que l'État est prêt, non seulement à adapter le protocole, mais aussi à engager des travaux de recherche, puisque c'est ce qu'ils réclamaient à cor et à cri sans avoir le sentiment d'être entendus. Des adaptations sont d'autant plus nécessaires qu'aujourd'hui, par exemple, seules les ruches déclarées sont contrôlées : les ruches qui ne sont pas déclarées, les ruches inaccessibles et les essaims sauvages ne le sont pas.