RECOURS AU PERSONNEL SNCF RETRAITÉ
Mme la présidente. La parole est à Mme Farida Amrani, pour exposer la question, n° 209, de Mme Karen Erodi, relative au recours par la SNCF au personnel retraité.
Mme Farida Amrani. Mme Karen Erodi attire votre attention, monsieur le ministre délégué chargé des transports, sur le recours de la SNCF à l’emploi de personnels retraités. Dans de nombreuses régions, les agents de conduite retraités de la SNCF reçoivent des propositions d’emploi en CDD, pour un salaire moyen de 3 000 euros brut, auquel s'ajoutent des primes et des allocations qui, dans certains cas, peuvent porter la rémunération mensuelle à près de 8 000 euros – voire beaucoup plus parfois. Des agents proches de l'âge de la retraite se voient proposer une prime mensuelle de 1 000 euros pour prolonger leur activité. En Occitanie, la SNCF rappelle certains cadres retraités pour assurer des missions qu'elle confiait jusqu'alors à son personnel en activité.
Il est contradictoire de supprimer des postes d'encadrement et de rappeler ensuite en mission les catégories de personnels partis à la retraite qui occupaient ces postes. La direction de la SNCF démontre par là son incapacité à assurer une gestion prévisionnelle sérieuse des emplois et des compétences. Résultant d'une logique libérale, la disparition du statut de personnel de la SNCF et la compression des salaires pendant près d’une décennie engendrent une grave crise des vocations au sein des métiers les plus difficiles de cette entreprise. Pire encore, son bilan social révèle un nombre croissant de démissions parmi les métiers dits opérationnels, comme celui d'agent de conduite.
Êtes-vous bien conscient de l’urgence de la situation ? Faudra-t-il attendre que la SNCF en arrive au même point que la RATP, contrainte de réduire son offre de transport, pour que des mesures correctives soient prises ?
La gestion des ressources humaines de la SNCF, qui conduit à la mise sous tension permanente des effectifs, crée une situation délétère. Les personnels peinent à prendre leurs jours de congé et de repos, reportés ou refusés. Dans certaines régions, la SNCF réduit ponctuellement son offre de transport à cause du manque de personnel de conduite. Au bout du compte, les agents constatent que leurs anciens collègues reviennent travailler pour un salaire quasiment trois fois supérieur au leur. L’écœurement se généralise.
Ce recours au personnel retraité amène à s'interroger également sur la capacité de la SNCF à maintenir un niveau élevé de sécurité ferroviaire. Mme Karen Erodi se pose des questions sur le suivi de l’aptitude de ces agents. Subissent-ils une visite d’aptitude systématique ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports. J'assume et je défends pleinement ce recours ponctuel, ciblé, de l'entreprise publique SNCF à des personnels récemment retraités, pour faire face à une situation d'urgence. La tension des effectifs ne s'explique pas par une politique d'interruption des recrutements : au contraire, la SNCF fait partie des rares grandes entreprises qui ont toujours continué à recruter, même au cœur de la crise du covid-19. Elle provient plutôt d'un facteur commun à l'ensemble des transports publics ou privés – les régies de bus, par exemple, en sont victimes – : la pénurie de personnels liée à l'amélioration de la situation de l'emploi ainsi qu'à la reprise de l'activité après la pandémie, plus rapide qu'anticipée dans de nombreux domaines du transport public et qui nécessite l'accélération des recrutements. La comparaison de la SNCF et de la RATP est justifiée, car la situation est exactement la même. Nous ne bridons pas l'emploi ; au contraire, ces deux entreprises réalisent depuis l'an dernier des recrutements massifs, d'une ampleur d'ailleurs inédite dans l'histoire de la RATP, et cela continuera.
En attendant, il importe de maintenir l'offre de transport public ; à cette fin, il faut mobiliser toutes les solutions d'appoint disponibles. Je revendique donc l'emploi de personnels retraités pour assurer la transition en attendant que les postes nécessaires soient pourvus, et je l'ai même demandé à la SNCF dans certaines régions comme les Hauts-de-France, qui manquaient de conducteurs de transports express régionaux (TER).
Pour répondre à votre question relative à la sécurité ferroviaire, les recrutements impliquent naturellement une formation : c'est le moindre des respects dus à l'usager, et la réglementation l'impose d'ailleurs. Cette réglementation stricte, scrupuleuse, dont est garant l'EPSF, l'Établissement public de sécurité ferroviaire, s'applique bien sûr aux retraités ponctuellement mobilisés, qui subissent – je vous réponds très clairement – les vérifications d'aptitude requises en matière ferroviaire. La SNCF vérifie évidemment dès l'embauche, puis régulièrement, les certificats d'aptitude de tous les personnels, quel que soit leur statut ou leur situation. Il n'y a aucun relâchement aucune faiblesse en matière de sécurité lors de la sélection des personnels malgré les tensions que connaît le recrutement.
En somme, nous recrutons, et en attendant, nous avons besoin, pour garantir aux Français la continuité du service public, de recourir à tous les outils nécessaires. L'emploi transitoire de personnels retraités en fait partie.