16ème législature

Question N° 211
de M. Olivier Serva (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires - Guadeloupe )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transition écologique et cohésion des territoires
Ministère attributaire > Transition écologique et cohésion des territoires

Rubrique > outre-mer

Titre > Application de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire en Guadeloupe

Question publiée au JO le : 28/02/2023
Réponse publiée au JO le : 08/03/2023 page : 2203

Texte de la question

M. Olivier Serva attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur l'application en Guadeloupe de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire du 10 février 2020. Depuis le 1er janvier 2023, les établissements de restauration rapide de Guadeloupe, disposant de plus de 20 places assises, ne peuvent faire usage de vaisselle jetable. Ils doivent désormais utiliser de la vaisselle réemployable en moyenne 50 fois. Cela nécessite l'usage de lave-vaisselles industriels, particulièrement consommateurs en eau sur un territoire qui en est dépourvu régulièrement, voire quotidiennement. Cette situation inquiète les restaurateurs concernés, incapables pour l'heure de se conformer à la législation. Par ailleurs, la Guadeloupe ne dispose pas sur son territoire de site de recyclage pour ces déchets. De ce fait, des tonnes de vaisselles réemployables, en fin de vie, devront être acheminées en Europe, à 8 000 kilomètres. Quant aux déchets qui n'auront pas eu la chance d'arriver dans les centres de valorisation de l'Hexagone, ils se retrouveront dans les espaces naturels. Enfin, ce texte est inquiétant en matière d'assainissement des eaux usées. En l'absence de stations d'épuration opérationnelles en Guadeloupe et en Martinique, les détergents utilisés durant les cycles des lave-vaisselles seront directement déversés dans les cours d'eau et en mer. Ainsi, M. le député interroge M. le ministre sur les dispositions qu'il envisage de prendre afin de pallier ces problématiques. Il suggère, à ce titre, que soit mis en place un régime transitoire par voie réglementaire et avec effet rétroactif au 1er janvier 2023 pour la Guadeloupe.

Texte de la réponse

APPLICATION DE LA LOI ANTI-GASPILLAGE POUR UNE ÉCONOMIE CIRCULAIRE EN GUADELOUPE


M. le président. La parole est à M. Olivier Serva, pour exposer sa question, n°  211, relative à l'application de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire en Guadeloupe.

M. Olivier Serva. Depuis le 1er janvier 2023, les restaurateurs de ma circonscription, disposant de plus de vingt places assises, sont contraints de devenir des hors-la-loi. Depuis lors, il leur est interdit de faire usage de vaisselle jetable. Ils doivent désormais utiliser de la vaisselle réemployable au moins cinquante fois.

Micheline et Jacques, propriétaires d'un établissement de restauration rapide aux Abymes, m'ont demandé comment ils allaient faire, ne disposant pas quotidiennement d'eau courante dans leur restaurant. Ils m'ont dit : « Monsieur le député, pour prendre une simple douche, pour faire une simple machine à laver, c'est le parcours du combattant. Alors, des lave-vaisselle industriels qui tournent tous les jours, n'y pensez même pas ! » Voilà ce que ce couple de restaurateurs m'a fait remarquer avec raison. Cette loi est l'illustration de l'inadéquation des normes à nos spécificités régionales.

Autre fait démontrant l'impossibilité de s'y conformer outre-mer, la Guadeloupe ne dispose pas sur son territoire de site de recyclage pour ces déchets. De ce fait, des tonnes de vaisselle réemployable en fin de vie devront être acheminées vers l'Europe, à 8 000 kilomètres. On repassera pour la réduction des émissions de CO2 ! Une autre partie des déchets qui n'aura pas eu la chance d'arriver dans les centres de valorisation de l'Hexagone se retrouvera sur nos plages, dans nos forêts ou encore sur nos routes.

Enfin, en matière d'assainissement des eaux usées, permettez-moi de vous dire que ce texte est inquiétant. En l'absence de stations d'épuration opérationnelles en Guadeloupe et en Martinique, je vous laisse deviner où se déverseront les détergents utilisés durant les cycles des lave-vaisselles. Ainsi, j'en appelle à une réaction immédiate du Gouvernement par voie réglementaire afin d'instaurer sur les territoires concernés un régime transitoire à l'entrée en vigueur de cette loi, avec effet rétroactif au 1er janvier 2023.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports. Monsieur Serva, vous appelez mon attention et celle de Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, sur l’obligation d’utiliser de la vaisselle réemployable dans les établissements de restauration de plus vingt places et plus particulièrement sur les modalités ou, devrais-je dire, sur les difficultés pour appliquer cette obligation en Guadeloupe.

Je tiens tout d’abord à vous rappeler l’objectif de cette mesure issue de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire – loi Agec – votée par le Parlement : elle vise tout simplement à réduire la quantité de nos déchets. Chaque année, en France, 20 milliards de produits de vaisselle jetable finissent dans nos poubelles. Cette mesure n’a rien d'anecdotique : grâce à elle, presque 200 000 tonnes de déchets seront évitées chaque année, soit l’équivalent du poids de vingt tours Eiffel, pour l'illustrer concrètement.

Christophe Béchu et Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie, ont réuni le 6 janvier dernier les principales enseignes de la restauration, qu’il s’agisse de restauration rapide ou de restauration collective. Cette rencontre avait pour objectif d’évoquer trois points : leurs plans d’action pour la mise en conformité de leurs établissements, leur expérience dans l'utilisation de la vaisselle réemployable et les freins ou les difficultés qu’ils rencontrent. J'ai parfaitement conscience que la situation est différente pour de petits établissements, surtout quand il y a des difficultés locales spécifiques.

Néanmoins, pour bon nombre d’enseignes, le remplacement de la vaisselle jetable par de la vaisselle réemployable est un changement important. C’est pour cette raison que la loi donnait plus de trois ans pour engager ce changement, afin que les acteurs puissent anticiper et s'organiser. Vous parliez de période de transition ; nous en avions institué une.

Pour exposer le contexte général, je précise qu’un lave-vaisselle professionnel consomme en moyenne 3 litres d’eau pour laver près de 150 articles de vaisselle : cette consommation est très faible par rapport à la consommation d’eau totale d’un restaurant.

Je reconnais toutefois qu'il y a des situations particulières difficiles. Ainsi la Guadeloupe doit-elle faire faire aux conséquences non prévisibles de l’ouragan Fiona qui a lourdement endommagé en septembre dernier les infrastructures et les services d’eau potable dont certains étaient déjà en grande difficulté. Il en résulte que, dans une dizaine de communes de Guadeloupe, l’eau potable n’est disponible que pendant certaines plages horaires. C'est un fait. Nous devons prendre en compte cette réalité qui pose d'immenses difficultés.

Pour les restaurants situés dans ces communes, j’invite toutes les enseignes concernées à mettre à jour le plan d’action qui avait été demandé pour préciser la situation de chacun de leurs établissements et faire état de difficultés particulières, afin que les services de l'État puissent apprécier toute demande de souplesse et de flexibilité dans l'application de la loi. Pour le reste des enseignes, parce que c'est important et même essentiel dans la transition écologique collective, le Gouvernement appelle à une application rapide de la loi. Nous sommes cependant prêts à prendre en compte les situations très particulières que vous évoquez.

M. le président. La parole est à M. Olivier Serva.

M. Olivier Serva. Je veux simplement exprimer ma satisfaction quant à la réponse donnée par le ministre délégué. Bien évidemment, l'urgence écologique est importante. Nous partageons cette préoccupation, y compris dans les territoires insulaires qui sont les premiers touchés par le dérèglement climatique. Je veillerai très attentivement à la mise en œuvre de ce que vous avez annoncé, prenant en considération la préservation de la nature dans ces territoires mais aussi la nécessité de la transition écologique, que nous rappellent par exemple les cyclones.